Chapitre 46

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Le réel me semble trop souvent s'entremêler à l'irréel.

Les papiers en main, la confusion en travers de la gorge et la colère obstruant ma vision, je fixe ces simples traces à l'encre bleue qui parcourent tous ces chiffons. Ces traces significatives, caractéristiques, qui...

J'ai envie de brûler tous ces torchons. Ces saletés qui portent ta signature, père. Ces déchets qui attestent de ton implication dans du blanchiment d'argent père. Pas que, mais aussi fraude et trafique de pierres précieuses.

Trafic. Blanchiment. Fraude. Depuis quand ?

Ce n'est pas possible, hein ? Ce n'est pas possible, n'est-ce pas ? Papa...Il ne commet pas d'erreur. Il ne faute pas. Il... C'est mon père. Il est souvent difficile à comprendre, je le déteste souvent, mais... C'est papa, mon héros, c'est Robocop. Enfin non ! c'est impossible !!!

Encore une fois, ma tristesse et le mélange complexe de mes émotions se convertissent en larmes qui roulent sur ma joue avant d'atterrir sur le papier.

Moi qui étais sur les genoux, je m'assois à même le sol, en proie au désespoir ou peut-être à la désillusion. Je porte le papier froissé à ma bouche et y plante mes dents pour en arracher une partie.

Nous avons beau qualifié les songes effrayants de cauchemars, ceux-ci me semblent moins chaotiques que ce que je vois de mes yeux jour après jour.

Pourquoi ne pas me réveiller ? C'est forcément un de ces songes. Après avoir laissé mes yeux errer dans le vide et mon esprit se perdre dans de profonds abysses, je parle :

—Que t'ai-je fait ?

—Bah belle-sur, qu'est-ce que tu marmonnes entre les dents ?

—Pourquoi me détestes-tu Adrian ?

—Te détester ? Mais je ne te déteste pas Ivy.

Il ne me déteste pas. Pourquoi fait-il cela alors ? A-t-il une âme naturellement sombre ?

Je suis loin d'être stupide, Adrian.

Le regard dans le vide, je continue et parle calmement :

—Il y a sur ces feuilles la signature de père, mais aussi celle de Alexander Senior. Si tu publies ces torchons, la réputation des MILLER sera ternie certes, mais les JONES sortiront tout aussi perdants. Une enquête sera ouverte, Adrian. Mon père ira en prison, ton oncle aussi.

Il n'enverra pas son oncle en détention.

—C'est qu'elle n'est pas bête la poupée. Il y a juste un hic à ton raisonnement. C'est exact, mon oncle ira en prison. Mais en quoi cela me concerne-t-il ?

—Tu ne feras pas cela à ton oncle. Tu ne peux pas l'envoyer en prison.

À mes dires, il s'approche et effleure ma joue de ses doigts.

—Ha, ha, ha ! C'est ça le hic, poupée. Tu crois vraiment que je ne peux pas l'envoyer en prison ? Je ne parierai pas dessus.

Il a raison, il en est capable.

Dégoûtant... Il me dégoûte.

—Combien ? je demande.

—Répète.

—Combien veux-tu pour te taire ?

—Voyons, combien veux-je ? 10. Rien que 10.

—Dix ? Dix mille dollars ? Je...

Par-delà sa cruautéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant