Chapitre 16

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Trente minutes, une heure ou peut-être deux, je ne sais pas combien de temps j'ai passé exactement à La crème, néanmoins, il se fait tard et je dois aller au travail demain. Je n'ai pas vu le temps passé, lorsque je regarde finalement mon téléphone, il est affiché 23 h 4 en grand sur l'écran puis 06 appels en absence.

Oh non, j'ai oublié de désactiver le mode silencieux. J'ai tendance à l'activer lorsque je travaille.

Je passe mon pouce sur l'écran et découvre le nom des personnes qui m'ont appelé. 05 appels manqués de Hayden, puis un de la dernière personne qui aurait pu m'appeler. Qu'avait-il bien pu se passer ? Affolée, paniquée, je range précipitamment mon téléphone dans le sac.

—Que se passe-t-il ? me demande Aoron.

—Désolée, mais je dois y aller. Hayden et Dylan ont essayé de me joindre.

Je m'attendais à ce qu'il me demande qui est Hayden ou qui est Dylan. Ou du moins, qu'il me dise un simple « d'accord ». À la place, je vois passer une ombre dans son regard au moment où je prononce le nom de Dylan. J'y lis une froideur sans nom, une telle rage. Cela n'a duré qu'une fraction de seconde, j'en viens à me demander si je ne l'ai pas rêvé, si je ne l'ai pas imaginé. Après tout, mon imagination aime me jouer des tours. Je ne vois pas pourquoi le fait que je lui adresse la parole pourrait le mettre dans un tel état. Alors je ne m'y attarde pas et demande la facture au serveur.

—Non, tu n'oses pas, me dit Aoron tout sourire. C'est moi qui t'ai invité, alors il est hors de question que tu payes. Si tu veux payer une facture, tu n'as qu'à m'inviter une prochaine fois. J'accepterai si tu es convaincante. Soyons claires, je ne suis pas un garçon facile, ajoute-t-il en croisant les bras sur sa poitrine. Ce qui a le mérite de m'arracher un rire.

Il n'y a plus de doute possible, j'ai imaginé cette expression sur son visage. Le remerciant pour la soirée, je me dépêche de rentrer.

J'arrive à la maison en un temps record, il faut avouer que j'ai brûlé quelques feux tout en conduisant avec excès de vitesse, mais ce n'est pas bien grave. À mon arrivée, c'est un Hayden paniqué que je découvre dans la pièce.

—Hayden ? Qu'est-ce qui ...

Sans me laisser le temps de parler, il se rue sur moi. Sans dire un mot, il me prend dans ses bras. Et bah, j'ai hâte d'entendre l'histoire, ce qui a bien pu le mettre dans cet état.

—Hayden, moi aussi je t'aime, mais là tu m'étouffes, dis-je en tentant de me dégager.

—C'est ta punition, déclare Hayden en me serrant plus fort, ce qui a le mérite de m'arracher un fou rire.

Juste à ce moment, Dylan franchit le seuil de la porte, jette les clés de sa voiture, puis, sans prévenir, il vient m'arracher des bras de Hayden avec brutalité. J'ai la surprise de ma vie et reste sans voix.

—Viens là, toi, dit-il d'un ton bourru.

Il saisit mon menton m'arrachant un frisson au passage, mais il ne le remarque pas pour mon plus grand bonheur. Il me fait tourner la tête vers la gauche, puis vers la droite, il lève mon bras gauche, puis le droit, il recule, me regarde avec intensité, puis s'approche à nouveau. Avec toute cette attention qu'il me porte, j'ai tout mon sang qui converge vers mon visage.

Il se concentre un moment, semble soulagé, enfin je crois, puis me laissant là, il part s'installer devant la télévision. Et plus rien.

Que... ?

Je suis un peu perdue là, quelqu'un m'explique ?

Hayden, lui, a un sourire amusé un moment avant de reprendre son sérieux et de me saisir lui aussi par le bras. Ça commence à devenir une habitude.

—Alors, explique, me dit-il. Où étais-tu ?

Hein ?

Mais je lui ai déjà dit où j'étais.

—Comment ? Je suis passée dîner avec un ami avant de venir. Je t'ai envoyé un message pour te prévenir.

—Quel message ?

Saisissant mon téléphone, j'ouvre le fil de la discussion afin de lui montrer et

—Oups...

—Comment ça oups ? m'interroge Hayden.

Dylan, qui avait l'air peu intéressé par la conversation, se retourne vers moi. Lui aussi attend ma réponse.

—J'ai oublié d'appuyer sur « Envoyé », dis-je dans un murmure.

Oui, je suis un peu tête en l'air de temps à autre. J'ai écrit le message, il ne manquait plus qu'appuyer sur « Envoyé ». Et ça bien sûr je ne l'ai pas fait.

—Hein !? fait Hayden bouche bée. Elle m'aura tout fait.

Il soupire lourdement, puis se laisse tomber sur le sofa à côté de Dylan, qui, lui, se masse les tempes avec les doigts. Comme si nous écouté lui avait provoqué une migraine. Je ne vois pas ce que j'ai bien pu faire. Franchement.

Après un bref moment, à rester assis sans rien faire, Hayden se lève finalement, se saisit de ses clés puis d'un verre d'eau et se dirige vers moi.

—Ne me fais plus jamais une peur pareille, lâche-t-il en me tapant l'épaule. Et me mettant le verre dans les mains. Bon j'y vais, Dydy. À plus, Ivy !

Il s'en va finalement. Dylan, lui, est plus intéressé par la télévision que par moi, la routine quoi ! Pour une fois, il ne suit pas un film, mais le journal.

J'entreprends de monter dans ma chambre, mais abandonne l'idée lorsque les mots du présentateur se frayent un chemin jusqu'à mon cerveau rouillé par la fatigue.

« Jake SMITH, vice-président de l'entreprise 2D MedicalEquipment, s'est suicidé cet après-midi, disait-il. »

Plus que ces dires, c'est l'image qui recouvre la majeure partie du gigantesque écran qui me lance une presque crise cardiaque. C'est lui, oui il n'y a pas de doute. C'est le même homme, celui-là même, que j'ai vu ligoter hier au sous-sol.

Il est mort... Il est... mort.

Il s'est suicidé... ? Pourquoi ?

Non, il a été retenu contre son gré. Il ne s'est pas suicidé, il a été tué, on l'a tué.

Lorsque cette conclusion traverse mes neurones récalcitrants et atteint le centre de traitement et que j'en saisis le sens, le verre d'eau m'échappe des mains et atterrit sur le magnifique carrelage en se brisant. Je suffoque, l'air me manque. Est-ce possible de faire une crise d'asthme sans être asthmatique ? En cet instant, je crois que oui. J'ai la tête qui tourne, j'ai mal à la poitrine, mon cur se serre, les murs de la maison semblent se rapprocher.

Pourquoi ?

Parce que je viens de prendre conscience d'une évidence, une évidence qui est plus grave que le Coronavirus pour moi. Oui, plus grave et plus mortelle, car très dangereux pour mon cur.

... Cet... homme... est mort...

Dylan...

Par-delà sa cruauté Où les histoires vivent. Découvrez maintenant