Dylan

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Je n'aurais peut-être pas dû fumer cette merde en fin de compte.

Maintenant que j'ai commencé, mon corps en demande plus. Beaucoup plus. J'ai chaud, très chaud, malgré la douche froide que je viens de prendre. Je peine à respirer, j'ai des sensations de claustrophobie, tous mes sens m'ont lâché. Je ferme les yeux et tente de ne pas perdre mon souffle. J'ai froid, très froid. Oui, très froid à l'extérieur, et chaud à l'intérieur. Ça ne devrait pas être possible. La bête de colère qui s'était libérée frôle la démence, elle se démerde grave pour ne pas sombrer. Je sens toute ma lucidité s'évaporer peu à peu.

Je sais ce que c'est. Ça n'a rien à voir avec Adrian touchant Ivy. Ça, ce n'était qu'une réaction excessivement anormale qui est passée en un éclair. Incompréhensible, injustifiée, insensée. Non, c'est plus dangereux, cauchemardesque, et ça me grignote l'âme. Je suis en manque. De l'héroïne, de la cocaïne, du crack, n'importe quoi. Il m'en faut là, maintenant.

Je je dois lutter, je ne dois pas retomber. Fais chier ! j'aurais dû écouter Hayden pour une fois. Je ne peux pas replonger, pas maintenant. Sept ans que je suis clean. Je ne peux pas Je n'y arrive pas. J'allume une seconde cigarette, puis une troisième et je coince le tout entre mes lèvres. J'aspire la nicotine comme si ma vie en dépendait, j'avale la fumée qui me brûle la gorge, la chaleur ravage mon ventre. J'ai les yeux qui piquent. Mais ce n'est pas suffisant. C'est un calvaire, et je dois y mettre fin. Il n'y a qu'une façon de le faire, je dois capituler, abandonner, car j'ai perdu ce combat depuis belle lurette.

Je dévale une pente, très rapidement, brutalement, je vais me casser la gueule, je le sais.

Je sens alors une main sur mon épaule. J'ouvre mes yeux et vois Hayden, debout devant moi. Son regard. Non, pas encore, c'est le même regard qu'il avait quand je l'ai connu, la pitié y règne en maître. Je ne veux plus de cette pitié, je je vais bien.

—Mec Ne flanche pas, me murmure-t-il.

Même dans sa voix, il y a cette putain de compassion. Il sait ce qui m'arrive, il le savait même avant que cela ne se produise. La main tremblante, je me saisis d'un autre paquet de clopes, le dernier, les autres étant vides. Trois paquets en à peine deux heures. J'en extirpe trois afin d'en allumer, mais Hayden me les arrache des mains et les plonge dans le verre de vin.

Putain ! Pourquoi !? Sans le savoir, il vient de casser cette rambarde à laquelle je me tenais, ce bout de ficelle qui me tenait toujours debout. C'est bon, je me rends. Je capitule. Je ne suis pas de taille, je suis esclave. Il me faut de la drogue. Maintenant. De la cocaïne ou de l'héroïne, peu importe.

—Je reviens dans un instant, dis-je en me saisissant des clés de la voiture.

Hayden me les reprend aussi, ça commence à être une habitude. De mes yeux ternes, possédés, je le regarde avec lui, puis Adrian. Ce dernier me rend mon regard avec un mélange de peur, de joie et de satisfaction.

—Atchoum ! Arrête de me reluquer comme si j'étais ta pute, Adrian. Ça me fout la gerbe.

Adrian me regarde avec un air que je lui connais bien, le défi, le goût du risque. J'en ignore la raison. Franchement, je m'en branle complètement, pour l'instant j'ai autre chose à foutre, je dois d'abord éteindre cette merde qui me consume. Je me dirige alors vers la salle de bain, jetant un dernier regard à Ivy, toujours avachie au sol, dans l'espoir de faire revenir la colère que je ressens à son égard. La haine au moins, je gère. Mais rien à faire.

Je prends à nouveau une douche bien froide.

Connaissez-vous cette sensation d'être observé ? Moi, si. Debout devant le miroir de la salle de bain, un inconnu me rend mon regard depuis un moment. Il a de la rage dans les yeux, un regard de psychopathe, des envies de meurtre. C'est flippant. Cet inconnu m'est pourtant familier. Il est quelque part en moi, il fait partie de moi depuis toujours, oui c'est lui qui fait Dylan, et il veut reprendre sa place.

Avec le reste de volonté qui me reste, j'envoie mon poing dans la gueule de l'autre, en plein dans le miroir qui se brise. J'ai la main qui saigne, une délicieuse douleur me traverse. Je peux enfin respirer. Je fous à nouveau mon poing contre le miroir. Ça fait tellement de bien. J'ai repris le contrôle, je me sens mieux.

—Ne t'inquiète pas, je vais me rattraper. Intervient Hayden derrière moi.

Depuis combien de temps est-il là ? Se rattraper ? Je me ressaisis et je le regarde à travers le miroir brisé. Je me trompais, ce n'était pas de la pitié dans ses yeux ni de la compassion. C'est plutôt de la culpabilité. C'est con, pourquoi se sentirait-il coupable ?

—Te rat trapper ? A atchoum !

—Je n'aurais pas dû te laisser seul.

Nous y voilà.

—Arrête ces bêtises, tu n'as pas à me coller, je ne suis pas ta meuf. Je me sens bien. Alors, fous-moi la paix, tu veux ?

La dernière chose dont j'ai besoin c'est que quelqu'un se sente responsable de moi. Il ne me regarde plus, ses yeux jonglent entre ma main gauche portant l'empreinte de mon moment d'égarement et le miroir ayant une tache rouge en plein milieu.

Je finis par me tourner pour lui faire face, sortant le miroir de son Champ de vision et me heurte à un regard heureux. Adrian.

—Atchoum !

C'est officiel, j'ai attrapé froid. Je devrais peut-être me mettre quelque chose sur le dos.

—Alors cousin, qu'est-ce qui t'amène ici ?

J'ai du mal à croire qu'il soit là sans raison. Je le connais, un peu trop même.

—J'avais envie de revoir la famille, et sans vouloir paraître nunuche, mon frangin m'a manqué, me répond-il.

Moi, son frangin ? Ha, ha, ha !

—Ah oui ? Tu m'en diras tant.

—Quoi ? Tu ne me crois pas ?

—Pas le moins du monde Adrian.

À ma réponse, un sourire éclot sur son visage

—Comment était ton séjour ? Las Vegas, c'est quand même quelque chose, intervient Hayden.

—Très bien mec, tu verrais ça, les filles, de vraies bombes. Là-bas, elles savent faire la fête.

—Intéressant, et t'as laissé tout cela juste pour rendre visite à Dylan ?

Mon ami est comme captivé par la conversation. J'ai de la peine pour lui. Il croit vraiment ce mytho ?

—Bien sûr, je ne l'ai pas vu depuis si longtemps.

C'est mal si je vous dis que je l'imagine en ce moment même agoniser, ma main autour de sa trachée ?

—Très drôle, il est juste revenu parce qu'il est fauché comme du blé Hayden, rien de plus.

—Toujours aussi intelligent à ce que je vois cousin.

J'en étais sûr. Toujours aussi prévisible ce connard.

—Eh bien, tu peux repartir d'où tu viens. Tu n'auras pas un seul centime de moi. Alors, écrase. Tu veux du fric ? Trouve-toi du taf.

—Je vois, conclut Hayden

C'est bien beau de mal parler à Adrian, de l'imaginer crever. De se lâcher sur un putain de miroir. Mais je ne me sens pas bien, du tout même. J'ai un mal de crâne atroce que j'essaie de contrôler depuis un moment et j'ai le nez qui me pique.

Un peu de repos et ça devraient passer.

Alors que je me mets au lit, Hayden me rejoint avec une trousse de secours. Pour ma main, j'imagine.

Par-delà sa cruauté Où les histoires vivent. Découvrez maintenant