Chapitre 18

135 10 0
                                    

Je lui ai enfin dit, oui j'ai trouvé le courage de le faire. Je lui ai avoué mes sentiments, même si c'est après l'avoir insulté. C'était plus une déclaration de guerre. Une déclaration à l'Ivy quoi.

Non, mais Ivy ! Qu'est-ce qui cloche chez toi ? Je l'ai traité de tous les noms avant de lui dire que je l'aimais. Je suis vraiment un spécimen rare. Qu'est-ce qui m'est passé par la tête ? Même si ce n'est là que la vérité. J'aurais pu évoquer les mille raisons pour lesquelles je l'aime : ses yeux qui m'hypnotisent, ce rictus qu'il laisse paraître rarement lorsqu'il est amusé, ses traits si parfaits qu'on jurerait avoir à faire à une uvre d'art, ses beaux cheveux d'un pâle inspirant, ce rire que je n'ai pas entendu depuis une éternité, ce regard noir qu'il lançait aux autres élèves lorsqu'ils avaient un geste déplacé à mon égard, cette façon qu'il a de malmener ses cheveux lorsqu'il est gêné ou furieux Et je pourrais continuer toute une journée.

Mais non, je l'ai insulté, comme le font les autres. Je ne vaux pas mieux qu'eux.

L'heure n'est pas aux remords, non. J'ai posé une question, et là j'attends la réponse avec une boule au ventre. Une minute, trois minutes, soixante minutes, deux heures, trois heures. Non, ce n'est pas le temps qui s'écoule avant que Dylan daigne ouvrir la bouche, mais honnêtement, c'est l'impression que j'ai.

Se tournant vers moi, il se rapproche à nouveau, me regarde dans les yeux, ouvre enfin sa bouche et parle.

—J'aimerais entendre ton avis. Qu'est-ce que t'en penses ?

Mon avis ? Ce que je pense ?

Je pense qu'il est incapable d'une telle cruauté, il ne peut tuer. Ça non, jamais. Cependant, est-ce ce que je pense ? Ou est-ce ce que je me dis dans le but de me convaincre moi-même ?

Je revois Dylan, le regard noir lorsqu'il m'a vu au sous-sol, ses mains tachées de sang, SMITH ligoté. J'imagine Dylan traînant le corps sans vie de SMITH pour faire passer sa mort pour un suicide. Je le vois, devant mes yeux, comme si c'était la réalité, j'ai envie de vomir. J'ai l'estomac qui se retourne. Je suis mal, je ne sais pas quoi penser, je sature. Je veux croire qu'il n'y est pour rien. Mon cur lui fait aveuglément confiance, mais ma raison s'y refuse. Pourquoi diable est-ce qu'elle ne peut pas se taire ? Ça serait tellement simple si mon cur et ma raison pouvaient se mettre d'accord pour une fois.

Mais c'est impossible.

Des images d'horreurs défilent dans ma tête encore et encore. Je n'y peux rien.

Je finis par lever les yeux vers Dylan qui ne m'a pas quitté du regard un seul instant. J'ai envie de pleurer, je me mords la lèvre comme si cela pouvait empêcher mes larmes de sortir. Il me fixe. Je ne vois plus cette haine à laquelle je me suis habituée. La froideur a fondu comme neige au soleil. La frustration aussi infime, soit elle s'est dérobée de ses yeux. Ils sont vides, éteints.

Je donnerais n'importe quoi pour qu'il me regarde à nouveau avec colère. Je ne supporte pas cette absence d'émotions dans son regard.

Il s'approche encore plus. Plus proche, tu meurs. Et pose délicatement sa paume contre ma joue. Elle est froide. Il laisse glisser sa paume jusqu'à mon cou, puis laisse apparaître un rictus. Pas celui dont je suis tombée amoureuse, mais un rictus différent. Très différent.

—J'ai ma réponse, tranche-t-il avant de retirer sa main.

Je me saisis de son poignet pour l'empêcher de se détourner à nouveau de moi.

—Tant mieux pour toi, mais moi j'attends toujours que tu me répondes, dis-je.

Je m'attendais à ce qu'il repousse violemment ma main. Qu'il me pousse moi, ou qu'il me hurle dessus. Mais il n'en fait rien. Il se contente de me fixer de ses yeux ternes, de ce gris métallique.

—À quoi bon te répondre ? Me croiras-tu ? Tu as déjà la réponse, c'est exactement ce qui t'est passé par la tête. Et puis, qu'est-ce que j'en ai à foutre de ce que tu penses ?

Sans rien ajouter, avec une douceur qui n'est pas dans sa nature, il retire ma main, se retourne, saisit les clés de sa voiture et sort, me laissant là.

Il a sa réponse ? Quelle réponse pense-t-il avoir ? Suis-je si transparente ? Comment peut-il avoir une réponse alors que moi-même je suis perdue ? Si je vais le croire ?

Bien sûr que je vais le croire. N'est-ce pas évident ? Je veux juste l'entendre de sa bouche, qu'il me dise que non ! Je serais alors la plus heureuse en ce monde. Toutefois, il ne l'a pas fait, il ne le fait pas.

C'est exactement ce qui m'est passé par la tête ? Comment peut-il savoir avec exactitude tous les films que je me suis faits ?

Imaginons une seconde que oui, qu'il ait une idée du fil de mes pensées. Cela voudrait donc dire que c'est vrai, qu'il l'a tué. Il me faut toute mon énergie pour encaisser. Mes jambes ne supportant plus mon poids, je me laisse glisser contre le mur jusqu'au sol, et laisse mon regard errer sans but. Des larmes ruissellent sur mes joues. Si c'est lui le meurtrier ? Ai-je peur de lui ? Suis-je en colère ? Suis-je dégoûtée ?

Jamais je ne pourrais, je l'aime et puis c'est tout.

J'ai seulement peur de la vérité. S'il me faut vivre dans le mensonge pour être heureuse, pour qu'il m'aime, je le ferai encore et toujours. Je ne demanderai plus rien. Je ne chercherai plus de réponses. Je vais faire taire ma raison et mon bon sens à jamais.

Ce n'est pas logique. Non, il y a vraiment quelque chose qui cloche chez moi, c'est une certitude. Je me repasse la scène dans la tête et un détail m'arrache le sourire. Je suis heureuse. Dylan m'a touché, de son plein gré. Un sourire béat sur le visage, je repasse mes doigts sur ma joue.

Est-ce normal que la seule chose que je retienne de cette situation soit le touché de Dylan ?

Toute cette inquiétude, cette peur et cette peine qui m'asphyxiaient ont été balayées. Ils n'ont pas disparu, non, ils sont toujours présents. Mais en ce moment, je suis heureuse. J'oublie les infos. J'oublie SMITH. J'oublie tout et essaie de rester sur mon petit nuage. Mon bonheur est cependant de courte durée.

Tu n'es pas seulement amoureuse de Dylan. Maintenant, tu peux dire que tu es amoureuse d'un meurtrier.

Je chute de mon nuage imaginaire, très rapidement, brutalement, je touche le sol, je me fais mal, très mal. C'est comme si je portais tout le poids du monde. Je me lève péniblement et monte prendre une douche sans ramasser les débris de verre, je n'ai plus l'énergie nécessaire pour.

Il se fait tard, j'attends que Dylan revienne en vain, je me sers alors un verre de vodka, puis un autre, et encore un autre, je les enchaîne. Ne dit-on pas que boire fait oublier les soucis ? Alors à votre santé !!! La vodka, puis l'alcool que j'ai bu avec Aoron, ça fait tellement de bien. Je me sens si légère que je finis par m'endormir sans m'en rendre compte.

Par-delà sa cruauté Où les histoires vivent. Découvrez maintenant