Chapitre 35

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Nane'té ne se sentait plus vraiment elle-même depuis le décès d'Orok. La mélancolie avait investi son cœur et rien ne pouvait l'y en chasser... excepté une chose... lorsqu'elle avait cru que la maître queux était morte durant l'attaque des Ombres... elle avait vu de loin « la stupide étrangère » agenouillée près du corps et qui appelait à l'aide. De loin, elle avait espéré que l'Ombre qui s'était dressé face à elle allait la déchiqueter, mais Riyès l'avait écartée du danger et Sinn... avait tué la menace. Oui, ce jour-là, le cœur de Nane'té avait battu de joie, mais l'euphorie fut de courte durée.

« La vieille peau aux yeux rubis est toujours de ce monde et cette stupide traînée d'étrangère partage la couche de mon seigneur » pensa-t-elle, dépitée.

Malgré tous ses efforts pour cacher sa peine, Erakris n'était pas dupe et il avait cherché à parler avec elle, à lui faire dire les mots qui exorciseraient sa douleur : « je l'aime », mais le couple s'était refusé à les prononcer, ils les avaient niés, ignorés... alors pourquoi les prononcer puisqu'il était trop tard pour qu'Orok les entende ?

Nane'té resserra les pans de son manteau et déambula dans le campement comme tous les soirs depuis qu'elle se sentait seule au monde. De la vapeur s'échappait de sa bouche et de son nez à cause du froid de la nuit. Le cœur lourd, l'Alchimiste leva les yeux vers le firmament scintillant, « Je t'aime, Orok. De tout mon cœur et de toute mon âme, je t'aime ! » déclara-t-elle mentalement en fixant les lunes. « Que les Onis me pardonnent de ne pas t'avoir ouvert mon cœur et avoué mes sentiments » implora-t-elle intérieurement.

Un mouvement fugace la sortit de cette douloureuse introspection...



La fraîcheur de la nuit faisait grelotter Charlotte. Résignée, la jeune femme se coucha sur le flanc en position fœtal et s'emmitoufla à l'aide de l'épais manteau de Sinn.

La lumière des deux pleines lunes la gênait, mais elle soupira de soulagement en sentant son corps se réchauffer. Dans le silence du campement endormi, un léger bruissement lui fit ouvrir les yeux. Charlotte plissa le regard comme pour mieux voir et elle se crispa en apercevant une silhouette sombre, qui tentait de se dissimuler à la faveur de ce clair de lunes.

Quand elle entraperçut une nouvelle fois la silhouette, Charlotte retint sa respiration en comprenant qu'elle n'était pas en train de se faire un film et que quelqu'un cherchait à s'approcher de la cage. La jeune femme se demanda si elle devait crier pour alerter les gardes, mais une petite lueur d'espoir s'insinua dans son esprit. « Et si... »

Un homme grand se dissimulait sous la capuche de son lourd manteau. Il s'approcha du chariot où elle était enfermée. Il se retourna pour vérifier qu'il n'y avait personne dans les parages, puis il abaissa son capuchon. La chiche lumière des lunes dévoila le visage d'un homme aux cheveux clairs, ses traits semblaient harmonieux et ses yeux brillaient par leur douceur :

— Enfin, nous vous trouvons seule, chuchota-t-il.

La voix de stentor de l'homme fit bondir le cœur de Charlotte, malgré son chuchotement, car son ton transpirait le soulagement.

Comprenant que la jeune femme était effrayée et confuse, il poursuivit :

— Cela fait trois jours que nous avons infiltré ce campement, expliqua-t-il. L'Alchimiste qui vous a fait venir ici, nous a envoyé à votre recherche. Il pourra apporter les réponses à vos questions et vous offrir l'hospitalité de sa demeure, ajouta-t-il.

L'homme se retourna pour vérifier qu'ils étaient seuls.

— Nous devons partir, si les Kross nous trouvent, ils nous tueront. Si vous voulez rencontrer le responsable de votre présence en ce monde, reprit-il, il faut vous décider tout de suite. Les pièges qui protégeront le campement seront terminés dès demain, et nous ne pourrons plus sortir sans combattre !

— Je... balbutia Charlotte. La porte est verrouillée !

L'homme se déplaça rapidement pour se planter devant le verrou de la cage. Il sortit une grosse clé, sans doute jumelle à celle que Sinn avait emportée, mais le manque de clarté trahissait sa vision.

L'homme la libéra de sa cellule, mais il l'empêcha de prendre le manteau avec elle pour se protéger du froid.

— Laissez le vêtement dans la cage, chuchota-t-il. Cela trompera momentanément les gardes, enfin s'ils ne s'approchent pas de trop près !

— J'ai froid, se plaignit Charlotte, se sentant idiote.

— Nous vous trouverons de quoi vous réchauffer, déclara-t-il en lui prenant la main. Hâtons-nous !

L'homme la guida dans le campement, se faufilant derrière les tentes pour éviter d'éventuels gardes.

Charlotte était incapable de se repérer en pleine nuit dans ce dédale où tout semblait identique. Quand l'homme lui demanda de rester cachée pour aller étudier les alentours, elle se résigna à lui obéir, mais trembla de peur.

Les minutes passèrent, Charlotte était agenouillée et dissimulée dans l'ombre sous un chariot. Elle retint son souffle quand des jambes d'hommes passèrent près de sa cachette. Elle savait que si elle était découverte, Sinn lui ferait payer très chèrement sa tentative d'évasion.

La jeune femme fut prise d'une envie de retourner dans la cage pour s'épargner l'ire du seigneur des Kross.

Son sauveur apparut derrière elle, et Charlotte faillit crier de frousse. Il se plaqua l'index sur les lèvres pour l'inciter à se taire et il lui tendit la main pour l'inviter à le suivre.

Le dos voûté, ils se faufilèrent encore pour approcher de plusieurs chariots couchés sur le flanc. Avant de grimper dessus, l'homme se tourna vers elle. Il lui pressa gentiment la main :

— Une fois que nous aurons grimpé, il faudra sauter et courir jusqu'à la lisière de la forêt. Nous y serons en sécurité. Est-ce que ça va aller ? déclara-t-il.

— Oui ! souffla-t-elle en ressentant son cœur cogner dans sa cage thoracique, et dont les pulsations se répercutaient dans tout le corps.

L'homme grimpa et l'aida à monter, puis ils sautèrent ensemble de l'autre côté et se mirent à courir aussi vite que possible. De gros nuages se placèrent devant les lunes, comme pour faciliter leur fuite.

Kross : le peuple guerrier T1 🔞(terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant