Chapitre 33

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— Oh là. Oh là. Oh là là, s'exclama Charlotte.

Le ton de l'étrangère ramena Sinn au présent. Il se tourna vers elle pour les trouver, elle et son warex, empêtrés dans des branchages, qui bordaient le sentier.

Sinn pouffa de rire :

— Tu fais quoi, là ? lui demanda-t-il.

Le warex qui suivait celui de Sinn, s'arrêta dans la haie touffue qui longeait le sentier, forçant sa cavalière à se pencher sur le côté pour ne pas être fouettée par les branches.

— Je vous ai dit que je ne savais pas guider cette créature, s'exaspéra Charlotte. Il n'arrête pas de s'écarter du chemin pour s'enfoncer dans les bosquets, ajouta-t-elle en mettant pied à terre.

Charlotte essaya de tirer sur le licol pour ramener son warex sur le sentier.

Sinn piqua un fou rire monumental, se moquant ouvertement d'elle.

— Oh, ça va, hein ! souffla-t-elle, irritée d'être ainsi raillée. Et toi, stupide créature, sors de là ! s'énerva-t-elle.

Le warex ne bougea pas. Charlotte se tourna vers le seigneur des Kross, qui riait toujours :

— Un peu d'aide serait la bienvenue ! soupira-t-elle, consciente d'avoir toujours mal aux pieds.

— T'es tellement drôle, s'esclaffa-t-il. Je pourrais te nommer « bouffonne de la cour » quand Brume aura terminé son travail.

— J'en ai tellement marre, se désola Charlotte, en tirant sur le licol.

Sinn mit pied à terre pour prendre les rênes du warex. L'animal obéit sans rechigner quand il le guida sur le sentier.

— Alors là, j'hallucine ! s'exaspéra Charlotte.

Sinn la toisa fièrement :

— Es-tu bonne à rien, ou seulement mauvaise à tout ? lui demanda-t-il.

— Ce trait d'humour est déjà bien connu dans mon monde, répliqua-t-elle, en tentant de remonter en selle.

— Mauvaise à tout, répondit Sinn, en l'attrapant par la taille pour l'aider à grimper.

— Je déteste ce monde, soupira-t-elle, en regardant le seigneur des Kross se remettre en selle.

— Il faut presser le pas, expliqua Sinn. Tu vas devoir t'accrocher aux rênes et serrer les cuisses pour tenir sur le dos du warex, ajouta-t-il. Si tu n'es pas assez solide, tu seras éjectée et la chute promet d'être rude.

— Je hais vraiment ce monde, répéta-t-elle, en se crispant.

Les warex avancèrent à vive allure et se déplacèrent à la manière des lézards.

N'ayant pas la notion du temps, Charlotte ne pouvait pas estimer la durée de leur trajet, mais quand ils ralentirent pour gravir une butte, elle comprit qu'ils étaient arrivés.

À l'arrêt au sommet, Sinn et Charlotte avaient une vue dégagée sur une large plaine qui bordait une immense forêt. Très loin derrière ces bois lugubres, une montagne enneigée dominait fièrement ce paysage dénudé pour l'hiver.

Dans la plaine, des guerriers avaient commencé à planter des poteaux en bois, comme pour créer un couloir espacé de quelques dizaines de mètres.

— La frontière ! expliqua Sinn à Charlotte.

— Comment êtes-vous sûr qu'ils passeront par ici ? demanda-t-elle. Une frontière n'est qu'une ligne imaginaire !

— Au milieu de cette forêt court une rivière, répondit-il. Autrefois, pour les Yoxans la frontière était considérée comme étant la moitié de ce cours d'eau. Mais pour les Ombres c'est une autre histoire. Cet endroit est devenu un couloir migratoire !

Charlotte étudia la configuration des lieux d'une manière différente, comprenant que les poteaux qui étaient mis en place, marquaient un large passage.

— Ce n'est pas une guerre, souffla-t-elle. Juste une extermination de masse !

— Exact, affirma Sinn. Une guerre nécessite que les camps adversaires usent d'intelligence pour s'affronter. Les Ombres vont investir ce territoire en nombre. C'est une marée humaine qui déferlera par ce passage. Nous pourrions très vite être submergés et mon armée pourrait être massacrée en une seule nuit. Les potences vont servir à y clouer les premiers cadavres des Ombres. La mort va prendre position dans ce lieu, et son odeur perturbera les Ombres dans leur migration.

— Des Ombres ont attaqué le convoi ! objecta Charlotte.

Sinn sourit :

— Effectivement, approuva-t-il. Il semble que l'ancienne personnalité de l'individu mordu par une Ombre, joue encore un rôle. Ceux qui étaient des suiveurs restent des suiveurs et intègrent la masse. Ceux qui étaient des solitaires ou des meneurs deviennent des sortes d'animaux errants.

— Combien sont-ils ? s'inquiéta Charlotte.

— Nous n'avons pas d'idée précise sur leur nombre, répondit Sinn. La vraie question est de savoir s'ils peuvent toujours se reproduire. Dans ce cas, leur nombre ne cessera de croître. Après l'hiver, il nous faudra entrer sur leur territoire, pour nous assurer qu'ils n'ont pas laissé leurs progénitures sur place.

Charlotte dévisagea le seigneur des Kross, comprenant le sens profond de cette révélation : il était capable de conduire son armée chez les Yoxans pour anéantir l'espèce... les enfants y compris !

— Qu'avez-vous à y gagner ? demanda-t-elle. Vous ne faites pas ça par altruisme, alors qu'est-ce qui vous motive au point de massacrer des enfants ?

Sinn étudia le visage de l'étrangère et il pouvait y lire du dégoût.

— Ce que j'ai à y gagner, répéta-t-il, en fixant la haute montagne au loin. Ma grand-mère maternelle était une Yoxan. Elle était la fille aînée de leur souverain de l'époque et la tante du dernier seigneur en date. Ça fait de moi l'héritier direct de ce royaume. Il me revient de droit, ses richesses également !

Charlotte resta bouche bée, ce qui amusa Sinn :

— De toute façon, ajouta-t-il. Il ne s'agira plus d'enfants, mais de jeunes Ombres. Elles seront capables de t'éventrer sans sourciller pour se nourrir.

— Je déteste vraiment votre monde, soupira Charlotte.

— Et tu le détesteras encore plus après cette nuit, répliqua Sinn. J'ai besoin de sexe et tu dois être punie pour ton effronterie !

Sinn scruta son visage effrayé, puis il fit faire demi-tour à sa monture.

Le warex de Charlotte suivit le meneur d'un pas lent, comme s'il pouvait ressentir l'humeur de la jeune femme, à sa manière il traînait des pieds pour rentrer.

Kross : le peuple guerrier T1 🔞(terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant