Riyès avait traqué l'étrangère et son acolyte quelques heures après leur fuite dans la nuit.
Puis il avait cru perdre leurs traces huit jours plus tard, après que la tempête a freiné son avancée. Il s'ensuivit un dépôt de neige, saupoudrant généreusement le paysage d'un blanc immaculé et recouvrant toutes traces des fuyards.
Riyès qui ne pouvait pas renoncer, passa plusieurs jours sur le dernier lieu de campement connu, de l'étrangère et de l'homme qui l'accompagnait.
Le Kross chercha le moindre indice qui pouvait le mettre sur une piste. La faune et la flore semblaient être tombées dans les bras de la mort, pour une longue période triste et monotone. Heureusement pour le Kross, il repéra enfin quelques branchages brisés.
Riyès suivit minutieusement chaque petite brindille vrillée ou cassée. Le Kross savait qu'il avait laissé beaucoup de distance s'installer entre lui et ses proies, mais il était persévérant.
Le Kross continua de remonter la piste, même s'il ne comprenait pas pourquoi les fuyards avaient tant zigzagué durant leur périple. L'homme qui accompagnait l'étrangère, semblait prendre plaisir à lui faire prendre des montées dans des buttes boisées, puis redescendre pour retrouver un terrain vallonné.
Cette traversée était très physique, cela avait dû être pénible pour l'étrangère, qui n'avait pas une forte constitution.
Les directions prises donnaient l'impression que cet homme ne savait pas où il allait, ou alors qu'il prenait délibérément son temps pour arriver à leur destination.
Cinq semaines après avoir quitté le campement des Kross, Riyès s'arrêta à l'orée d'une forêt épaisse, qui bordait une petite clairière. Une chaumière, un moulin et une grange apportaient enfin une trace humaine, dans cet environnement assoupi pour l'hiver.
Riyès devait attendre la tombée de la nuit pour s'approcher à pied. Il lui fallut trouver un endroit pour laisser son warex et y patienter. Heureusement, les journées étaient courtes en hiver, surtout quand il neigeait toute la journée, on pouvait avoir l'impression que le jour ne se levait pas.
De la forêt, au crépuscule, Riyès observa un homme sortir de la chaumière pour aller jusqu'au moulin. Il frappa à la porte et attendit un peu. Un homme sortit et se dirigea vers la maisonnette, tandis que le premier entrait dans le moulin, pour ressortir un moment après et rejoindre la chaumière.
Riyès attendit qu'il fasse nuit noire pour avancer dans la clairière. Il y avait suffisamment de neige pour que son manteau traîne derrière lui et balaye le sol pour recouvrir ses traces. C'était peu satisfaisant, mais par aubaine, il neigeait toujours.
Le Kross s'approcha du moulin, car la chaumière était déjà bien remplie et parce qu'il souhaitait d'abord connaître les lieux avant d'attaquer.
Pensant que la porte était verrouillée, Riyès contourna le bâtiment pour chercher une autre entrée... un volet mal accroché en hauteur claquait, ce qui laissait penser qu'il avait une ouverture. Il devait s'agir d'une trappe pour stocker les sacs de grains avant d'être transformés.
Riyès trouva quelques prises naturelles sur le mur pour s'aider à grimper à l'étage. Il réussit à agripper le rebord de la trappe, il écarta le volet qui s'était refermé sur sa main, puis il se faufila à l'intérieur.
À l'étage il faisait sombre, mais Riyès était habitué à l'obscurité. De là où il était, il entendait des pleurs. D'un pas léger, il avança au bord de la mezzanine pour étudier le rez-de-chaussée. Une petite lampe à huile était en mode veilleuse et éclairait faiblement le petit bureau qui était près d'un poêle sans feu.
Riyès repéra une silhouette au sol, au son des pleurs, il pouvait affirmer qu'il s'agissait de l'étrangère.
La jeune femme pleurait et gémissait en essayant de se traîner sur le sol en direction de la porte d'entrée. Malgré la pénombre Riyès pouvait constater que l'étrangère était prostrée et qu'elle n'était certainement pas en mesure de se mettre debout.
La jeune femme avait à peine bougé qu'un cri s'échappa de sa gorge, s'ensuivit d'autres pleurs. Riyès recula pour s'installer entre deux étagères qui étaient pleines de bocaux. Dans la pénombre, le Kross resta immobile et silencieux tandis que la jeune femme, telle une enfant, sanglotait en appelant ses parents :
« Papa, viens me chercher » gémit-elle avant de faire une autre crise de larmes.
« Maman, maman ne me laisse pas » couina-t-elle en se mettant en position fœtale.
« Papa, maman, venez me chercher, ne me laissez ici » supplia-t-elle entre deux tremblements de voix.
«Pitié, venez me chercher, ne le laissez plus me faire de mal, je vous en prie » implora-t-elle.
Riyès écouta la jeune femme sangloter un moment, puis le sommeil sembla enfin vouloir d'elle.
Le Kross devait attendre patiemment que le jour se lève, mais au bout d'une heure ou deux, la porte d'entrée s'ouvrit. Riyès qui était toujours tapi dans l'ombre, observa l'homme abaisser la capuche de son lourd manteau. Il se dirigea vers le poêle pour allumer un feu, puis il attrapa les couvertures qui étaient posées dans le coin d'où l'étrangère avait cherché à s'extirper. L'homme la couvrit et déposa un oreiller sous sa tête. Tendrement, il lui caressa les cheveux :
« Nous sommes tellement désolés » déclara-t-il doucement. « Nous faisons de notre mieux pour convaincre l'Alchimiste de t'épargner, nous ne t'abandonnons pas, Charlotte. Nous sommes faibles face à lui, mais nous ne t'abandonnons pas. »
L'homme se leva et quitta le moulin, après s'être assuré que l'étrangère ne souffrirait pas trop du froid.
Si sa supposition s'avérait, alors Riyès ne pouvait que se désoler pour l'étrangère. Tout natif de ce monde savait reconnaître un alter ego, même s'ils n'étaient plus censés exister.
À une époque révolue, des Alchimistes et des Mages s'associèrent pour répondre au besoin impérieux de leurs sciences. Ensemble ils réussirent à extirper leur sens moral et leur compassion. Comme la nature ne supportait pas le vide, cette séparation se matérialisa en chair et en os, créant ainsi un jumeau miroir au sujet.
Ces praticiens qui se sentaient freinés par leur sens moral, l'idéal du bien commun et leur compassion, avaient réussi à s'en séparer, il ne restait en eux que logique et rationalité. Cela faisait d'eux de cruels praticiens, obsédés par leurs quêtes de réponses et d'avancées.
Un alter ego, qui était totalement soumis à son modèle original et qui était mentalement relié à lui, se désignait par « nous », puisqu'ils étaient les deux parties d'un tout.
D'ailleurs, les originels pouvaient entendre, voir et parler par la bouche de leur alter ego. Cela leur prenait beaucoup d'efforts, donc ils se contentaient souvent de rester tapis dans le cerveau de leur jumeau miroir, se servant des informations captées par leur inconscient.
La guilde des Alchimistes et celle des Mages avaient fait un grand ménage parmi leurs rangs pour arrêter la folie de ces hommes sans moral.
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Kross : le peuple guerrier T1 🔞(terminé)
Ficção CientíficaCe n'est pas une histoire sur les Vikings !!! Une jeune femme se réveille au beau milieu d'un champ de bataille, sans savoir comment elle est arrivée là... L'incompréhension laissera-t-elle place au rêve ou à une réalité tout aussi improbable ? Sui...