Chapitre 47

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Vingt jours après avoir rejoint le piton de la Dame Blanche, Riyès arriva enfin au campement d'avant-poste.

Sinn le regarda le mettre pied à terre.

Le seigneur des Kross, tout comme les autres guerriers d'ailleurs, ne rata pas la présence de l'étrangère, que Riyès était censé tuer.

Son allure était pitoyable : elle avait le visage aminci, de gros cernes noirs, ses cheveux courts avaient poussé et étaient en bataille. Elle portait des bottes, un large pantalon en laine verte et une large chemise marron, sous un épais manteau, l'ensemble paraissait bien trop grand pour sa petite stature.

Riyès l'aida à descendre :

— Attends-moi là, lui déclara-t-il, en étudiant l'expression furibonde de Sinn.

Riyès s'avança vers son seigneur, en sachant que leurs têtes étaient sur la sellette.

— Seigneur, j'ai d'importantes informations à vous donner, déclara-t-il.

— Et ça justifiera sa présence ? demanda Sinn, qui contenait sa fureur en la désignant du doigt.

— Laissez-moi vous expliquer, insista Riyès, en regardant Erakris s'approcher.

Sinn contractait les mâchoires de rage, mais il avait suffisamment d'estime pour son guerrier pour lui donner une chance de s'expliquer. Il tourna les talons pour rejoindre sa tente, car il ne voulait plus avoir à poser les yeux sur l'étrangère. Erakris et Riyès le suivirent sans se regarder.

Riyès leur expliqua tout ce qu'il savait : comment l'alter ego avait emmené Charlotte ; comment Daryl avait pris son temps pour l'interroger sur son monde, par le biais de Lyrad ; il ajouta qu'il supposait qu'il y avait eu un rapprochement entre Charlotte et Lyrad ; il insista sur le fait que la présence de Charlotte dans leur monde résultait d'une simple volonté d'étudier les créatures qui peuplaient l'univers.

Riyès parla des tortures, de la mort de l'Alchimiste et de son alter ego, des journaux qu'il avait apportés à Brume, et il évoqua l'implication de Daryl dans l'existence des Ombres.

Erakris intervint pour avoir des informations sur les visions de Brume, malheureusement, selon Riyès, Brume ne pouvait pas avoir de vision nette concernant Charlotte, cela était sans doute dû au problème que l'Alchimiste avait rencontré pour la faire entrer dans son antre. En ce qui concernait les Yoxans, perturbée par les images du déroulement de la guerre, l'Oracle n'arrivait pas à canaliser ses visions pour obtenir des informations. De fait l'issue lui était incertaine.

Brume avait demandé l'assistance de plusieurs membres de haut rang de sa guilde. Ils espéraient obtenir des réponses en étudiant les journaux de Daryl.

Sur ordre de Brume, la guilde des Alchimistes allait se rendre chez Daryl pour démonter sa machine et détruire les nombreux bocaux qu'il collectionnait.

— Tout ça n'explique pas pourquoi l'étrangère est toujours en vie ! martela Sinn.

— Charlotte n'est en rien responsable dans la mort d'Ilène, répliqua Riyès. Selon moi, elle a suffisamment souffert de la folie de notre monde, ajouta-t-il. J'aurais pu la laisser au piton de la Dame Blanche, mais je lui ai promis de veiller sur elle... puisqu'elle n'a aucun moyen de rentrer chez elle, j'ai pensé que vous pourriez la confier à Sori. Charlotte et la maître-queux s'entendaient bien...

— Tu baises avec l'étrangère ? lui demanda Sinn.

Erakris, qui devait sauver les apparences, garda son calme.

— En aucun cas, objecta Riyès. Je me sens seulement responsable d'elle... je suis resté deux jours à l'entendre hurler et supplier l'Alchimiste de cesser ses expériences sur elle. Je l'ai aussi entendue pleurer et appeler ses parents toutes les nuits après avoir tenté de ramper vers une sortie qu'elle ne pouvait pas atteindre. Ce que Charlotte a subi, aurait laissé plus d'un guerrier sur le carreau... je ne suis pas intervenu et elle ignore toujours que j'étais présent tout ce temps.

— Elle a bien récupéré, intervint Erakris.

— Les Alchimistes que Brume nous a envoyés, l'ont bien retapée, expliqua Riyès. Seulement, son corps en garde des stigmates et elle souffre de crise de panique nocturne.

Peu convaincu, Sinn se passa une main sur le visage, cherchant à mettre de l'ordre dans ses idées. Pouvait-il tolérer la présence de l'étrangère ? Pouvait-il laisser Riyès sans punition ? S'il les tuait tous les deux, ne perdrait-il pas son frère ?

— Je ne peux pas confier l'étrangère à Sori, répliqua Sinn, après réflexion.

— Pourquoi ? intervint Erakris.

— Tout le monde était content d'apprendre qu'elle avait disparu, répondit Sinn. Riyès a même été le premier à dire que sa présence était un mauvais présage. Maintenant qu'elle est revenue parmi nous, le moindre incident sera porté à son crédit, et malgré le respect que Sori inspire aux autres, ils tenteront de tuer la protégée de Riyès.

— Alors je la garderai à mes côtés ! affirma Riyès.

— Tes frères d'armes n'hésiteront pas à te planter une hache dans le dos, parce que tu l'as ramenée, refusa Sinn.

Erakris fronça des sourcils à cette évocation.

— Elle peut partager ma tente, objecta l'Alchimiste.

— Les bons à rien de ta guilde brillent par leur absence, soupira Sinn. Il vaudrait mieux que tu gardes le peu de confiance que les guerriers ont pour toi et tes pairs !

— Que suggères-tu alors ? demanda Erakris.

— Elle partagera ma tente, soupira Sinn en se frottant la barbe. Riyès, tu vas rejoindre le campement des civils et demander à mes favorites de me rejoindre. Il nous faudrait une cinquantaine de volontaires, mais nous n'aurons pas assez de place, donc une trentaine suffira. Tu les ramèneras ici demain.

— Pourquoi faire venir des civils ? s'étonna Erakris.

— Pour noyer sa présence parmi eux, répondit Sinn avant de sortir de sa tente.

Sinn fonça droit sur Charlotte. Quand il lui fit face, il affichait un air meurtrier :

— Que sais-tu sur la mort d'Ilène, feula-t-il.

— Je... je ne suis pas sûre de savoir de qui vous parlez, marmonna Charlotte, qui tenait le warex par le licol.

— L'une de mes favorites, gronda-t-il en faisant un pas de plus.

— J'ignore ce qui lui est arrivé, répliqua Charlotte en reculant.

Sinn lui agrippa le visage :

— Je l'ai retrouvée dans ta cage, sous mon manteau, et tu ne sais rien ! cracha-t-il en serrant plus fort sa prise.

Charlotte ferma les yeux en comprenant que Lyrad avait commis un meurtre.

— Je suis désolée, mais je l'ignorais, clama-t-elle.

Sinn lâcha prise et recula d'un pas. L'étrangère transpirait la sincérité. « Au moins elle a une qualité » se dit-il le regard dur.

— Maintenant, tu dois avoir honte d'avoir dépucelé l'alter ego de ton bourreau ! ricana-t-il, amer.

La respiration de Charlotte se bloqua et elle paniqua en ne parvenant pas à reprendre son souffle.

Riyès accourut, passant devant Sinn. Le guerrier l'attrapa par une main et posa l'autre sur sa taille :

— Respire Charlotte, respire, lui souffla-t-il d'une voix douce. C'est terminé, je les ai tués, ils ne peuvent plus t'atteindre !

La crise de panique de Charlotte persista, au point qu'elle en haletait et tremblait. Riyès l'accompagna au sol, alors qu'elle tombait à genoux dans la neige et qu'elle s'agrippait à sa main. Erakris s'approcha d'eux pour aider.

— Respire, Charlotte, respire, l'implora Erakris, en laissant son don agir sur elle.

La jeune femme réussit à reprendre son souffle grâce à l'Alchimiste.

Kross : le peuple guerrier T1 🔞(terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant