Chapitre 27

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Malé demanda la permission d'entrer sous la tente d'Erakris. La favorite apporta une tasse de thé et un morceau de galepain qu'elle donna à la patiente de l'Alchimiste. Elle déposa ensuite la besace qu'elle avait en bandoulière, près de l'étrangère :

— Tes vêtements ! affirma sèchement Malé.

Elle jeta un bref regard à Sinn qui était assis à côté d'elle. La favorite sourit à son seigneur et amant, puis elle quitta la pièce faite de toile.

Erakris sortit à son tour, car il entendait les intendants s'agiter autour de la tente, parce qu'il fallait démonter l'abri pour le voyage.

L'Alchimiste passa la tête pour récrier son frère :

— Il est temps de partir, affirma-t-il.

— Aujourd'hui tu chevaucheras à mes côtés, expliqua Sinn en se levant.

— Je n'ai pas la moindre idée de la façon de guider ces animaux, répliqua Charlotte après avoir avalé une bouchée de galepain.

— Tu préfères voyager derrière moi ? s'amusa-t-il.

— Non, répondit-elle, j'aimerais rejoindre Sori.

— Pour ta sécurité tu dois rester dans mon sillon, ta petite promenade d'hier t'a exposée à beaucoup de ressentiments. Certains voudront ta peau, d'autres choisiront de te prendre de force et d'autres voudront te mutiler pour te rendre moins belle.

Charlotte eut envie de répliquer qu'elle avait été prise pour un garçon dès son premier jour, parce qu'ils s'étaient tous fiés à son apparence androgyne, et que personne n'avait trouvé le « garçon » attirant et encore moins beau... sauf le seigneur des Kross, mais elle se tut pour ne pas aggraver sa situation.

— Habille-toi, je t'attends dehors ! conclut-il avant de sortir.

Sinn et l'étrangère prirent la tête du convoi et chevauchèrent ensemble. Charlotte eut peur que monter un warex soit compliqué, mais l'animal était docile et se contentait de suivre le meneur, le warex de Sinn.

Le seigneur des Kross lui posa encore beaucoup de questions, il s'intéressa aux dirigeants de son monde et à leurs façons de mener les guerres. Charlotte eut beaucoup de difficultés à répondre aux questions géopolitiques et se contenta de réponses simplistes.

— Il y a beaucoup d'états sur ma planète et mon monde a connu de nombreuses guerres depuis le fond des âges. À mon époque la guerre ne semble plus vraiment réelle, parce que la plupart des pays ont réussi à trouver des bases solides pour la paix, expliqua-t-elle.

— Vous n'avez plus d'armée ? s'étonna Sinn.

— Si parce qu'il faut garder une menace sous-jacente, mais les armes et les techniques de guerre ont énormément évolué et il n'y a plus besoin de s'affronter, la seule menace de la bombe nucléaire est dissuasive, répliqua-t-elle.

— Donc ta planète est en paix, s'esclaffa-t-il.

— Non, la guerre a toujours eu des bases solides elle aussi. Les conflits sont toujours générés par les religions, les croyances, par le désir de conquête, de pouvoir ou encore par le désir de dominer les autres. Il y a toujours des guerres, mais elles se déroulent dans des pays loin de chez moi, soupira-t-elle.

— Ton monde semble bien ennuyeux, se moqua le Kross.

— Et vous, pourquoi vous battez-vous ? répondit Charlotte. Et comment tuer des Ombres ?

Sinn sourit, amusé d'être interrogé.

— Que sais-tu des Ombres ? lui demanda-t-il en guise de réponse.

— Rien. Sori m'a seulement dit que vous conduisiez votre armée au nord pour barrer la route aux créatures qui se sont réveillées, il y a presque trois ans et qui envahissent et tuent principalement l'hiver.

— Créatures... reprit le Kross. Les Ombres étaient autrefois des hommes et des femmes comme nous. Une endémie a sévi sur leur terre durant de longues années, en même temps l'hiver devenait de plus en plus persistant et durable. Ce peuple que l'on appelait les Yoxans était réputé pour être le peuple des neiges. Déjà avant cette maladie, le nord était enneigé plusieurs mois dans l'année, mais après, une fois que les plus faibles décédèrent de cette maladie inconnue, les plus forts ceux qui avaient résisté, furent pris dans la glace.

Sinn accrocha le regard de Charlotte :

— Depuis leur réveil, les Yoxans ne sont plus que les ombres d'eux-mêmes, ils n'ont plus rien d'humain et sont revenus presque à l'état animal. Ils utilisent leurs dents et leurs membres pour attaquer... ils ont malgré tout l'intelligence de trier les gens qu'ils attaquent. Ils déchiquettent les plus faibles pour les dévorer et les plus forts sont mordus. La fièvre s'installe jusqu'à transformer le blessé en Ombre. C'est comme ça qu'ils font grossir leurs rangs.

Charlotte écouta attentivement les explications du seigneur des Kross.

— Il n'y a pas de remède à cette maladie ? demanda-t-elle, curieuse.

— Non, le délai entre la morsure et la transformation est très court, une demi-journée tout au plus. Les Alchimistes sont vite dépassés par l'évolution des symptômes et il faut fendre le crâne du malade afin qu'il ne devienne pas une Ombre et qu'il tue l'Alchimiste et bien d'autres personnes.

— Il doit bien y avoir des gens capables de combattre cette maladie, insista Charlotte. Si dans votre monde les Oracles ont un minimum de pouvoir il doit exister des gens plus puissants qu'eux pour vous aider.

— Tu sembles douter du pouvoir des Oracles, répliqua Sinn. La magie n'existe pas dans ton monde ?

— Nous avons des personnes qui se disent médiums et autres charlatans, seulement la science ne peut pas garantir la véracité de leur pouvoir. Un peu comme la Dame Blanche, elle n'a pas vu que je n'étais pas un garçon !

— Elle ne l'a pas dit, mais ça ne veut pas dire qu'elle ne l'a pas vu, objecta Sinn. Ce sont des êtres particuliers qui obéissent à des lois que nous ne pouvons pas comprendre parce que nous n'avons pas de don.

— Donc ses prédictions sont toujours vraies ? s'étonna Charlotte.

— Ambiguë serait plus juste, s'esclaffa Sinn. Mais Brume est une Oracle respectée par tous.

— Qu'est-ce qu'elle a vu vis-à-vis de cette guerre ?

Sinn étudia la jeune femme qui attendait sa réponse.

— La mort, souffla-t-il. Mais je ne laisse pas les Oracles diriger ma vie, répliqua-t-il. J'ai la conviction que je conduirai mon peuple à la victoire !

Sinn regarda droit devant lui, amusé par l'expression sceptique de Charlotte.

— Ce soir nous arriverons à notre dernière destination, reprit-il. Le campement sera monté à bonne distance de la frontière, les civils qui nous accompagnent seront protégés au mieux, mais il faudra garder en tête que la mort marchera à vos côtés.

— Comment on tue une Ombre déjà ? marmonna la jeune femme.

— Il faut lui fendre le crâne, répondit Sinn très lentement.

Kross : le peuple guerrier T1 🔞(terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant