Une aube blanche commençait à poindre, déposant une rosée givrée sur la végétation et les tentes. La morsure de l'air frais avait rosi le visage et les doigts d'Erakris qui était sorti un moment pour mettre de l'ordre dans ses idées et pour chasser sa somnolence. Il revint pour réveiller sa patiente.
Tirée du sommeil et encore vaseuse, Charlotte étudia l'homme qui était penché sur elle :
— Je dois changer vos bandages, expliqua Erakris, serein.
— J'ai moins mal, répondit Charlotte la voix éraillée.
— Tenez, mettez ça ! insista-t-il en lui offrant son manteau pour la couvrir. Et asseyez-vous au bord du lit, s'il vous plaît.
Charlotte accepta le lourd manteau, qu'elle enfila avec soulagement, puis elle s'assit pour répondre aux exigences de l'Alchimiste.
Erakris, accroupi près du lit, lui saisit le pied gauche, qu'il cala sur sa jambe pour défaire le premier bandage. Il étudia les plaies et fronça des sourcils, l'air inquiet. Il nettoya les blessures quasiment toutes refermées et lui mit un bandage propre, puis il traita l'autre pied avec autant de concentration.
— C'est si moche que ça ? demanda Charlotte quand l'Alchimiste fronça encore les sourcils.
— Non, soupira-t-il. Il semble que vos plaies se soient très vite refermées et elles sont en bonne voie de guérison.
— Et c'est bien, non ? s'étonna Charlotte.
— Certaines plaies étaient profondes, répondit Erakris. J'ai fait exprès de ne pas les recoudre, mais votre peau est en train de se ressouder, comme si je vous avais posé des points de sutures, même mieux je dirais.
— Pourquoi exprès ? demanda Charlotte.
— J'ai présumé que vous n'étiez pas pressée de rejoindre mon frère dans son lit, expliqua-t-il.
— Et vous aviez raison, affirma-t-elle, en étudiant l'Alchimiste terminer le bandage.
— Une dernière chose, ajouta-t-il en se levant. Quand mon frère vous interrogera, ne lui mentez pas. Il ne supporte pas le mensonge et il pourrait vous faire très mal pour vous punir.
— Pourquoi m'aidez-vous ? demanda-t-elle étonnée alors qu'il allait sortir.
— Sans vouloir vous offenser, je trouve que vous êtes beaucoup moins belle que la moins jolie des favorites de Sinn, se justifia-t-il. Seulement, quelque chose en vous l'attire au point de renoncer à ses principes et de vous prendre de force dans son lit. Ce n'est pas vous que je souhaite aider, mais par la force des choses...
Erakris laissa sa phrase en suspens et sortit.
Sinn s'approcha de la tente de son frère, qui venait de se planter devant les rabats pour prendre l'air. L'Alchimiste semblait épuisé.
Erakris le repéra et lui sourit :
— Tu es bien matinal, mon frère ! lui dit-il.
— Comment va-t-elle ? demanda Sinn, ignorant les balivernes de son aîné.
— La douleur l'a réveillée plusieurs fois cette nuit, expliqua Erakris. J'ai craint une infection, mais il semble que ses plaies soient quasiment toutes refermées.
— Elle guérit vite. De la magie ? s'étonna Sinn.
— Non, souffla l'Alchimiste. Je n'ai rien perçu durant la nuit !
— J'imagine que tu as travaillé sur son sang, répliqua Sinn qui voulait tout savoir.
Erakris eut un grand sourire :
— Tu me connais bien, s'esclaffa-t-il.
— Mieux que tu ne le penses, répondit Sinn, l'air sérieux.
— Mes premières analyses confirment que l'étrangère n'a aucun don, soupira l'Alchimiste. Elle n'est pas un danger pour toi !
— Je n'ai pas peur d'elle, s'esclaffa Sinn. Comme je te l'ai dit, Brume travaille à défaire les nœuds magiques qui protègent l'identité de celui ou celle qui l'a amenée ici.
— Que comptes-tu faire d'elle en attendant ? demanda Erakris.
— L'étrangère partagera mon lit, se réjouit Sinn.
Erakris étudia son frère :
— Cette jeune femme n'a rien de particulier, s'étonna-t-il. Elle est même beaucoup moins belle que tes favorites et même que ton épouse, alors pourquoi vouloir la prendre dans ton lit ?
Sinn ne répondit pas et entra sous la tente, décidé à en apprendre plus. Il trouva l'étrangère assise sur le lit de camp, vêtue de l'épais manteau de son frère. La jeune femme tentait d'évaluer la douleur en posant les pieds bandés au sol.
Il la toisa de toute sa hauteur et la dévisagea en silence.
— Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il en tentant de moduler son ton pour ne pas l'effrayer.
— Charlotte, souffla-t-elle en resserrant les pans du manteau.
— Et d'où viens-tu, Charlotte ?
— D'un autre monde, répondit-elle, ne sachant pas quoi répondre d'autre.
— Comment es-tu arrivée jusqu'ici ? l'interrogea-t-il en s'asseyant à côté d'elle.
— Je l'ignore, feula-t-elle dans un mouvement de recul pour éviter tout rapprochement. J'aimerais m'habiller, ajouta-t-elle sans le regarder.
— Malé va t'apporter des vêtements et à manger, répondit-il. En attendant, je vais te poser des questions.
— Je comprends, soupira Charlotte en resserrant encore les pans de son manteau.
Sinn se leva pour aller à l'entrée de la tente et appela son frère.
Erakris discutait avec Riyès. Les deux amis se séparèrent pour vaquer à leurs occupations.
— Je veux que tu assistes à l'interrogatoire, expliqua Sinn. Tu auras sans doute des questions pertinentes à lui poser, ajouta-t-il en la dévisageant.
— Ravi que tu aies pensé à moi... pour une fois, ricana Erakris.
Sinn et Erakris lui posèrent beaucoup de questions, auxquelles elle répondit sans hésitation. Elle dut aussi leur raconter son dernier jour dans son monde. Erakris insista sur le déroulement de la cérémonie à laquelle elle avait assisté. Quant à Sinn, il s'intéressa beaucoup aux choses qu'elle leur avait décrites, au point de lui demander si elle était capable de dessiner et de construire des machines roulantes et autre électricité.
— Désolée, mais je n'étais personne dans mon monde, une anonyme parmi les anonymes, répondit-elle. Et même si j'avais les connaissances techniques pour ça, il me manquerait le matériel nécessaire.
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Kross : le peuple guerrier T1 🔞(terminé)
Science-FictionCe n'est pas une histoire sur les Vikings !!! Une jeune femme se réveille au beau milieu d'un champ de bataille, sans savoir comment elle est arrivée là... L'incompréhension laissera-t-elle place au rêve ou à une réalité tout aussi improbable ? Sui...