Chapitre 7 - Espion

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Du riz blanc, du saumon, une sauce alléchante. Le dîner s'annonçait plutôt bien, à l'exception de la chaise vide qui faisait face à James. Le lieutenant fixait d'un air absent les grains de riz qu'il faisait négligemment tourner autour de sa fourchette dans un curieux ballet alimentaire. Le domestique toussa discrètement puis s'osa à prendre la parole :

— Monsieur n'apprécie pas le dîner ?

— Oh, oh si Victor, rectifia l'homme en émergeant de sa rêverie.

Il enfourna trois fourchettes de suite dans sa bouche.

— C'est délicieux, confirma-t-il en laissant quelques miettes retomber sur la table, un large sourire étirant les joues pleines qui déformaient son visage.

Victor sourit à son tour, s'inclina légèrement puis se tourna en direction de la cuisine.

— Attendez Victor ! J'aimerais que vous dîniez en ma compagnie ce soir, qu'est-ce que vous en dites ?

— Cela me touche beaucoup mais je ne peux pas accepter, monsieur. Ce serait inconvenant.

— Voyons, mon ami. Je ne suis pas issu d'une riche famille comme ma femme, en son absence je vous dispense de faire toutes ces courbettes et ces... ces... ces trucs de domestique. Allez vous chercher une assiette et installez-vous en face de moi, d'accord ?

Victor acquiesça en s'inclinant respectueusement puis disparut dans la cuisine. L'homme jeta son torchon sur une chaise avant de se précipiter dans l'escalier qui menait à l'étage. Dans le couloir, posé sur un petit meuble à roulettes, un téléphone attendait qu'on vienne chatouiller ses touches. Victor saisit le combiné et composa un numéro.

— Allô monsieur, commença-t-il d'une voix basse de conspirateur. J'ai une nouvelle qui vous fera certainement très plaisir à propos de madame Gardam, elle est à l'hôpital...


🐺🐺🐺


James s'étonna de voir Victor légèrement essoufflé lorsqu'il réapparut dans la salle à manger, une assiette fumante à la main, mais il ne posa pas de question. Le domestique s'installa à la place de Linnéa, face à son employeur, et commença à déguster l'excellent saumon. Il se sentit soudain supérieur à James, plus distingué et raffiné, bien qu'il éprouvât un peu de sympathie envers l'amical jeune homme.

— Madame s'absentera-t-elle longtemps, monsieur ? questionna-t-il sur un ton neutre.

Les mots résonnèrent curieusement dans la grande pièce vide.

— Non, je ne pense pas. Son état s'améliore rapidement.

— Peut-être devrais-je lui faire porter quelques affaires ?

— Je m'en chargerai Victor, merci.

Un silence morne s'installa. James ne sembla pas s'en rendre compte, tandis que Victor se sentait de plus en plus mal à l'aise. Ce n'était pas sa place ici, il mangeait ordinairement dans la cuisine, seul. En présence du jeune homme il se sentait épié et gêné à cause de son secret. Heureusement, le téléphone sonna et interrompit ce dîner qui semblait n'en pas finir. Victor se leva avec un sourire de soulagement et se dirigea vers le hall d'entrée. Quelques minutes plus tard, le domestique réapparut à la porte.

— Mademoiselle Lobo désirerait s'entretenir avec vous, monsieur, l'informa-t-il.

— Lobo ? Connais pas... Dites-lui qui je suis occupé.

— Il semblerait que ce soit quelque chose d'important.

— C'est ce que les gens disent toujours. Je n'ai pas envie de parler à une inconnue.

Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant