Les pompiers enroulaient méthodiquement leur épaisse lance. C'était les gestes mécaniques d'hommes habitués à la manœuvre. Ils étaient parvenus à étouffer les flammes rapidement et la conductrice du véhicule avait peut-être encore une chance de s'en tirer. Un homme au visage dissimulé derrière un masque de fer ouvrait peu à peu le ventre de l'automobile. Les étincelles bleutées et le bruit du chalumeau tenaient les personnes présentes à l'écart. Une sirène de police retentissait au loin tandis que celle d'une ambulance prête à repartir avec la victime ne s'était pas encore tue. Quelques journalistes avides de commérages étaient déjà sur place et faisaient crépiter les flashs de leurs appareils photo sans retenue. A quelques pas seulement, une poignée de témoins superficiellement blessés se confiait à un agent de police.
Soudain, un troupeau d'infirmiers se rua sur la carcasse métallique. L'homme à la visière avait terminé son travail et la femme inconsciente était dorénavant visible, les jambes coincées sous le tableau de bord déformé et les bras pendant dans le vide. La voiture était à l'envers, le toit au sol, ce qui ne rendait la tâche des secours que plus difficile. Avec toutes les précautions nécessaires, ils tentèrent de dégager la victime. Elle fut étendue sur un brancard et ses membres immobilisés par des sangles ainsi qu'une minerve, le moindre mouvement pouvant causer des lésions irréversibles. Un officier bouscula quelques journalistes armés de leurs micros ou autre caméra puis s'approcha de la blessée. Malgré le sang sur son visage et le masque à oxygène, il reconnut la femme du lieutenant James Gardam, l'un de ses proches amis. Il s'arrêta aussitôt, laissant les infirmiers s'éloigner dans la cohue journalistique en direction de l'ambulance.
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James était de retour au commissariat lorsque son téléphone sonna. Il interrompit sa conversation avec le lieutenant Alicos pour répondre. Pas un seul commentaire ne franchit ses lèvres, ses yeux écarquillés demeurèrent figés dans le lointain, son visage blêmit. Très calmement, il reposa le combiné sur la table. Gaétan le sonda du regard quelques instants puis agita la main devant ses traits inexpressifs :
— Hé, on dirait que t'as vu un fantôme. Mais enfin réagis. Qui c'était ?
— Jean-Pierre, un ami, lâcha le jeune homme d'un air toujours aussi absent.
— Et c'est ça qui te met dans un tel état ? Qu'est-ce qu'il voulait ?
— Linnéa... Elle a eu un accident...
Gaétan laissa le silence s'installer, cherchant ses mots. Il n'avait jamais été doué pour la compassion. Il s'apprêtait à utiliser une phrase bateau du style « je suis désolé » ou autre chose dans ce registre lorsque James se redressa comme mû par un ressort. Il attrapa sa veste et fonça dans l'ascenseur avant même que son collègue eût pu réagir. Gaétan haussa simplement les épaules et alla s'asseoir derrière le bureau de James. Il ouvrit un tiroir et en vida son contenu, peut-être y trouverait-il des choses intéressantes, des choses utiles à son ascension professionnelle.
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Le lieutenant Gardam traversa le parking au pas de course. Ce fut en cherchant les clefs dans sa poche qu'il vit soudain la jeune femme. Elle était là, la délicieuse inconnue, marchant dans sa direction. Elle s'arrêta devant lui, les mains sur les hanches :
— Je vous ai vu devant la bijouterie, dit-elle presque sur un ton de reproche.
— Euh, oui. J'accompagnais le lieutenant Alicos.
— Alicos est un incompétent. Il n'a pas obtenu la moitié des informations que j'ai tirées du bijoutier. Je ne peux même pas me fier à son travail alors qu'il est censé collaborer avec moi. Ça m'oblige à repasser derrière tout ce qu'il fait.
— A ce propos, il y a certaines choses dont je voudrais vous parler mais je suis assez pressé par le temps, ma femme est à l'hôpital.
— Oh je suis désolée. Je ne vous retiens pas plus longtemps dans ce cas. De toute façon j'ai votre numéro, rappela-t-elle en dévoilant les pâles chiffres inscrits sur la paume de sa main.
Elle agrémenta sa remarque d'un sourire angélique puis s'éloigna. James attendit qu'elle ait entièrement disparu dans le bâtiment du commissariat avant de s'installer au volant de son véhicule. Pourquoi ne parvenait-il à la croiser que quelques misérables minutes à chaque fois ? Cela ne faisait qu'entretenir le mystère qui détournait ses pensées de son devoir conjugal.
Le policier mit le contact puis démarra.
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Nuit Sans Lune (Terminé)
WerewolfL'inspecteur James Gardam mène une existence paisible dans sa petite ville trop tranquille. Mais une série de meurtres sauvages va bientôt pimenter son quotidien et chambouler sa vie plus qu'il ne pouvait l'imaginer. Pour l'aider à élucider ces myst...