Khali se pressa contre le corps de son amant en grognant et l'enlaça d'une jambe. James caressa alors le bras de la belle et remonta jusqu'à son épaule. Ses doigts effleurèrent quelque chose de liquide et de poisseux, du sang. Le policier se redressa brusquement, la poussière et le sable collaient encore à son dos en sueur. La jeune femme resta paisiblement allongée en suivant le regard effrayé de James.
— Tu saignes, murmura-t-il en fixant ses doigts rougis et tremblants.
Khali prit appui sur un coude et attrapa la main de l'homme éperdu. Elle approcha son visage de la grande main masculine et respira cette odeur enivrante. Un ronronnement sembla échapper de sa cage thoracique. Lentement, elle se mit à lécher le sang sur les doigts de James qui en resta paralysé plusieurs minutes.
— Khali, arrête ! finit-il par s'exclamer avec un mouvement de recul.
Elle obéit sans protester, les yeux baissés et la mine d'un chien que l'on réprimande. James observa des griffures plus ou moins profondes aussi bien sur le corps de la belle que sur le sien. Il ne sut comment interpréter cela, de toute façon la vérité l'effrayait.
— Tu te poses des questions ? demanda Khali dont le regard semblait peu à peu retrouver une expression humaine.
— Oui, des tas.
— Et tu veux connaître les réponses ?
— Je ne sais pas. J'ai peur.
La jeune femme rampa à quatre pattes vers le policier qui s'était réfugié auprès des braises mortes du feu et le prit dans ses bras, maternelle.
— Est-ce que tu as confiance en moi ? demanda-t-elle.
Ils échangèrent un long regard, plein de tendresse et de crainte.
— Oui, affirma James sur un ton déterminé. Je ne devrais peut-être pas, mais oui, je te fais confiance plus qu'à moi-même.
— C'est une erreur. Dans ce monde on est seul et il ne faut faire confiance qu'à soi-même. Croire en soi est la source de tout pouvoir.
— Ça veut dire que tu ne me fais pas confiance alors ?
Khali fut prise au dépourvu, elle ne sut que répondre. Bien sûr qu'elle lui faisait confiance ! Et ô combien elle le regrettait ! Mais elle ne pouvait pas accepter qu'un sentiment se mette en travers de son chemin.
— Là n'est pas la question, se défila-t-elle. James, as-tu remarqué des choses anormales ces derniers temps ? Des changements.
Le policier eut l'air effrayé, se sentant démasqué. Évidemment qu'il avait noté des tas d'événements anormaux au cours des derniers jours. Sans savoir comment, il s'était retrouvé mari adultère et meurtrier. La mémoire lui faisait défaut de plus en plus souvent, des flashs noirs émaillaient ses journées, ou plutôt ses nuits, et il ne pouvait strictement rien contre cela. Ce n'était pas une question de confiance, mais une question d'honneur. Il se sentait honteux et déshonoré par ses actes. Il ne pouvait résolument pas confier cela à Khali.
— Non, mentit-il avec obstination. Tout va bien.
— Tout va bien ? C'est généralement ce qu'on dit lorsque... tout va mal. James, je t'assure que quoiqu'il ait pu se passer, quoique tu aies pu faire, c'est très loin d'égaler ce que moi j'ai sur la conscience. Je ne peux pas t'aider si tu le refuses.
Perdant la tête, le policier se mit à rire. D'abord modérément, puis aux éclats. Des larmes de rire hystérique lui vinrent aux yeux.
— Ta conscience ?! cria-t-il en s'énervant subitement et en repoussant la jeune femme loin de lui. Tu ne sais pas ce que je vis et ce que j'ai fait ! Tu ne sais rien de moi ! Rien du tout !
— Alors dis-le-moi.
— Tu ne sais rien !
— Parle.
— Laisse-moi ! Va-t'en !
— Dis-le-moi James ! Parle ! s'énerva la jeune femme en le secouant par les épaules. James !
Il plaça les poings sur ses oreilles pour ne plus rien entendre mais elle insista encore et encore jusqu'à ce qu'il craque, les larmes aux yeux.
— J'ai tué des gens ! finit-il par confier en criant comme si le simple fait de le dire lui infligeait une douleur atroce.
Après ce difficile aveux, il cessa de hurler et fondit en larmes dans les bras de Khali. Elle n'ajouta rien. La belle se contenta de le réconforter par sa présence, ses caresses et les mots doux qu'elle lui glissait à l'oreille dans un murmure.
— ... Toc, toc... s'éleva soudain une voix depuis l'entrée de la grotte.
James et Khali tournèrent ensemble la tête vers la silhouette à contre-jour d'Alicos.
— Bonjour les amoureux. Belle matinée n'est-ce pas ?
Khali se redressa subitement et s'élança vers la sortie de la grotte. Elle bouscula le lieutenant Alicos et s'évanouit dans la nature en moins de cinq secondes.
— Bon sang ! s'exclama Gaétan en se tenant le bras. Cette chienne a manqué de me démettre l'épaule !
— Estime-toi heureux parce que moi je vais te massacrer ! s'emporta James en poussant violemment son collègue contre la paroi de pierre.
Le policier sortit de la grotte et cria le nom de sa bien-aimée, mais elle ne se manifesta pas. Gaétan rejoignit James à l'extérieur.
— Cette fille causera ta perte.
— ... Je sais...
— Alors aide-moi à l'arrêter.
— Non.
— Je t'en prie, reviens à la raison.
— Laisse-moi, Alicos. Laisse-moi.
— Je veux t'aider.
— Dans ce cas rentre chez toi et laisse-moi l'aider, elle.
Le lieutenant Alicos secoua la tête en signe de désolation et soupira bruyamment.
— C'est une criminelle, tenta-t-il une dernière fois.
— Ça c'est ton avis.
Puis James se détourna et alla récupérer le reste de ses affaires dans la grotte. Là-bas, il prit une profonde inspiration et s'en délecta longuement. Les lieux étaient imprégnés de l'odeur enivrante de Khali. Si la crainte d'être découvert par Alicos ne l'en avait pas empêché il aurait poussé un long grognement plaintif. Il s'accroupit et posa la main à plat sur le sol, à l'endroit même où leurs deux corps étaient restés étendus plusieurs heures durant. Un pincement au cœur le fit tressaillir. Encore une fois, le temps des aveux avait été repoussé à plus tard.
VOUS LISEZ
Nuit Sans Lune (Terminé)
WerewolfL'inspecteur James Gardam mène une existence paisible dans sa petite ville trop tranquille. Mais une série de meurtres sauvages va bientôt pimenter son quotidien et chambouler sa vie plus qu'il ne pouvait l'imaginer. Pour l'aider à élucider ces myst...