Chapitre 13 - Reproches

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Victor avait été enchanté d'apprendre qu'il aurait la maison des Gardam pour lui tout seul jusqu'à au moins onze heures du soir. En fait cela lui permettait de s'éclipser sans se faire remarquer. Il avait rendez-vous avec monsieur Valnasser au lieu habituel, il s'agissait d'un bar plus ou moins bien fréquenté du centre-ville. Victor avait complètement changé de style, ses patrons ne l'auraient pas reconnu. Il portait un vieux jean sale, une veste en faux cuir, des lunettes noires et un béret militaire de contrefaçon sur la tête. Monsieur Valnasser venait de quitter le bar, apparemment ravi. Victor recompta les billets dans l'enveloppe qu'il venait de récupérer et soupira de satisfaction. Il claqua des doigts et une serveuse qui passait par-là vint prendre sa commande.

— Salut Vic, couina-t-elle en mâchouillant un chewing-gum. Qu'est-ce que j'te sers ?

— Tequila, ma poule.

Victor manqua de s'étouffer lorsqu'il reconnut James à l'entrée du bar. Son premier réflexe fut de se cacher sous la table, mais il se ravisa en songeant que cela aurait paru encore plus suspect, ce qui n'était absolument pas le but recherché. Il changea alors de chaise, tournant ainsi le dos aux nouveaux arrivants et agita la main pour chasser la serveuse qui commençait à poser trop de questions sur son manège. Qui pouvait bien être la sulfureuse inconnue en compagnie de James ? Une histoire d'adultère intéresserait certainement monsieur Valnasser.

— Salut Bernie ! lança la jeune femme brune à l'adresse du barman.

— Hé, Khali ! Ça fait un bail qu'on t'a plus vue dans l'coin. Qu'est-ce que tu foutais ?

— J'bossais. Mais tu sais que j'reviens t'voir dès que j'en ai l'occasion. Personne ne fait des mélanges comme toi. Allez, envoie-moi un de tes cocktails à t'retourner la tête. J'sais pas c'que tu mets dedans, et entre nous ça vaut mieux, mais c'est toujours parfait.

Le bruit des conversations dans la salle augmenta jusqu'à couvrir la voix de la belle. Victor grogna puis s'approcha aussi discrètement que possible du bar. C'est alors que la serveuse de tout à l'heure le rejoignit en tendant un verre :

— Voilà ta Tequila, Vic !

— Chut ! Moins fort, moins fort, s'énerva-t-il en se cachant derrière le verre.

Il baissa la tête et remonta le col de sa veste. Après quelques instants de concentration il parvint à rattraper le fil de la conversation qui l'intéressait.

— Qu'est-ce que vous buvez, James ?

— Juste un Panaché, s'il vous plaît.

— Ça roule ! s'exclama Bernie en disparaissant brièvement sous le comptoir. J'vais faire libérer ta table Khali, bouge pas.

Votre table ? s'étonna James.

— Oui, je vous ai dit que je connaissais bien cette ville.

Puis la jeune femme traversa la salle enfumée en emportant son verre. Le policier la suivit jusqu'à une petite table ronde et un sofa faisant l'angle de la pièce. Non seulement on voyait tout ce qui se passait dans le bar, mais la zone était suffisamment éloignée du reste pour garantir une conversation sans oreilles indiscrètes. Bernie passa un torchon sur la table puis laissa les deux policiers s'installer. Victor avait suivi la scène avec intérêt et frustration. James et son amie se trouvaient à la table à laquelle le domestique à la double vie avait l'habitude de rencontrer monsieur Valnasser. Il ne pouvait pas s'approcher suffisamment sans être repéré. L'homme décida finalement de les espionner de loin, les gestes en disant parfois plus long que les mots.


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Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant