Khali était allongée sur le dos, elle fixait le plafond tandis que Valnasser lui couvrait le ventre de baisers. Il caressa de ses lèvres la minuscule cicatrice qui attestait encore de la blessure par balle, mais il ne tenta pas de comprendre. C'était comme ça, voilà tout. La jeune femme était trop appétissante pour qu'il ait envie de lui créer des problèmes.
Khali se redressa d'un coup, elle repoussa le drap sur ses jambes et enfila ses vêtements. Il était déjà onze heures du soir.
— Que se passe-t-il ? demanda Valnasser sans quitter le lit.
— Je dois partir maintenant.
— Déjà ? Tu ne vas pas me laisser, on s'entend si bien.
— Non, on ne s'entend pas bien. Vous avez un ego démesuré, et moi aussi. Deux lions dans une même arène ne peuvent que finir par s'entre-tuer.
— Tu as sans doute raison. Tu as beau être la créature la plus sublime qu'il m'ait été donné de voir, tu n'es pas le genre de fille que j'épouserais.
— Dans ce cas nous sommes quittes.
— D'accord, mais sache que ma porte te sera toujours ouverte si tu te sens seule un soir.
— Au revoir Valnasser.
— Tim...
La jeune femme avait déjà filé par la fenêtre. Valnasser roula sur le côté et s'endormit, un sourire satisfait aux lèvres.
🐺🐺🐺
James marchait sur la petite allée pavée qui s'étendait du portail à la porte d'entrée de chez lui. Il avançait dans la nuit, les yeux fermés et une main sur le visage. Il avait l'air d'un zombie errant. Mais un zombie avec tous les sens en alerte. Il s'immobilisa en une fraction de seconde, il venait de percevoir du mouvement autour de lui. Une odeur lui chatouilla les narines, une odeur qu'il connaissait bien, une odeur qui lui rappelait un bien-être presque oublié, qui lui rappelait... Khali. Il ouvrit brusquement les yeux et eut du mal à maîtriser sa respiration.
— Khali ? demanda-t-il sans oser se retourner.
— C'est moi, confirma une voix dans son dos. Comment m'as-tu reconnue ?
— Tu ne dois pas rester ici.
— Je suis venue te parler, James.
— Non, refusa le jeune homme qui lui tournait toujours le dos.
— Mais enfin je...
— Je suis flic, la coupa-t-il. Si tu restes là je me verrai dans l'obligation de t'arrêter.
— Voyons, qu'est-ce qui te prend ? Je croyais qu'on était amis.
— Je le croyais aussi.
— James, tourne-toi, regarde-moi.
— Non. Va-t'en.
— Tu ne me crois quand même pas coupable de tout ça ?
— Va-t'en ! s'énerva le policier en hurlant sur la belle.
Il se retourna vivement et tendit le doigt vers la sortie. Il tenta de poser sur elle un regard intimidant mais les larmes se mêlèrent à la colère. Khali recula d'un pas, luttant contre les larmes elle aussi. Elle n'osa plus bouger de peur de faire ou de dire une bêtise. James ferma les yeux en serrant la mâchoire et se dépêcha de rentrer dans la maison. Chaque seconde passée auprès de la jeune femme était une torture.
Il ferma la porte d'entrée à double tour et s'effondra sur le sol. Il n'avait pas eu d'autre choix que de la rejeter, dieu seul savait ce qu'il aurait été capable de faire s'il avait à nouveau perdu le contrôle de ses actes. Il était assis par terre, le front appuyé contre ses genoux, et aurait probablement déversé un flot de larmes amères s'il n'avait perçu des bruits de pas avançant dans sa direction. Jessica s'approcha de lui, un dossier plaqué contre sa poitrine avec un air inquiet.
— Monsieur Gardam, commença-t-elle. Il s'est passé quelque chose ? Vous n'allez pas bien ?
— Rentrez chez vous, mademoiselle Arnold, recommanda le policier d'une voix usée.
Il s'appuya sur le portemanteau et se redressa avec peine. Jessica se porta aussitôt à son secours. Elle jeta son dossier dans un coin et alla stabiliser l'équilibre de l'homme en le prenant fermement par les épaules. Il avait l'attitude d'un ivrogne, bien qu'il n'ait rien bu. Jessica préféra ne pas demander quel choc il avait bien pu subir pour se retrouver dans un état pareil. Elle passa un bras dans son dos et le guida vers le salon.
— Ne perdez pas votre temps, laissez-moi, dit James.
— Je ne vais pas vous laisser seul alors que vous êtes si mal en point.
Elle l'aida à s'installer sur le canapé et s'assura qu'il n'avait besoin de rien.
— Vous voulez que je vous fasse un thé peut-être ?
— Non, je veux rester seul.
— Je n'insiste pas dans ce cas.
Jessica laissa le jeune homme sur le canapé et se dirigea vers la porte de sortie lorsqu'il l'interpella une dernière fois.
— Mademoiselle Arnold !
— Oui monsieur ?
— Je voulais savoir... Je vous ai vue au commissariat l'autre jour.
— Oui, je suis allée porter plainte. J'ai été agressée le même soir que Victor si vous vous souvenez bien.
— Je me souviens, oui. Et vous avez pu identifier l'individu ?
— Bien sûr. Vous n'êtes pas au courant ? C'est Khali Lobo qui a tenté de me tuer.
— Khali... Vous en êtes sûre, mademoiselle Arnold ?
— Sans le moindre doute, cette femme est une dangereuse criminelle.
James ne répondit pas tout de suite. Lorsqu'il sortit de sa torpeur il congédia Jessica puis se leva. Il marcha dans le couloir et s'arrêta devant un miroir. Il venait de reprendre espoir. Khali n'aurait jamais pu attaquer Jessica puisqu'elle était dans les bras du policier au moment de l'agression. Il repensa avec délice à leur soirée, il était impossible qu'elle se soit éclipsée une seule seconde, il n'avait jamais cessé de caresser sa peau et de l'embrasser avec passion. Elle était innocente... pour cette accusation du moins.
Puis James se remémora la façon autoritaire et froide dont il l'avait chassée. Il était la seule personne en qui elle avait confiance et il lui avait tourné le dos. Il se sentait immensément ridicule et traître. Voilà qui lui apprendrait à se fier aux soupçons d'Alicos.
James se précipita vers la porte et courut dans le jardin. Il hurla le nom de Khali à s'en briser les cordes vocales, mais personne ne répondit. La montre du policier indiquait minuit moins cinq. Sans réponse, il finit par baisser les bras et s'en retourna vers la porte d'entrée.
Soudain, son genou droit plia. Il perdit l'équilibre et vacilla. A genoux dans l'herbe, il sembla tout à coup être pris de tremblements convulsifs. Il couvrit son visage de ses mains et émit quelques grognements de douleur. Bientôt il se laissa tomber entièrement sur le sol et roula dans l'herbe en gémissant. Il avait envie de hurler de plus en plus fort. L'insoutenable souffrance lui obscurcissait l'esprit. Il n'arrivait plus à penser à autre chose, un brouillard noir vint rapidement assombrir sa vision et il ne tarda pas à perdre tout contrôle. Le lendemain matin, il n'aurait aucun souvenir de la suite. Seule la lune, presque pleine, était spectatrice de ses actes.
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Nuit Sans Lune (Terminé)
WerewolfL'inspecteur James Gardam mène une existence paisible dans sa petite ville trop tranquille. Mais une série de meurtres sauvages va bientôt pimenter son quotidien et chambouler sa vie plus qu'il ne pouvait l'imaginer. Pour l'aider à élucider ces myst...