Chapitre 23 - Tous suspects

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Jessica Arnold, la nouvelle assistante de Linnéa, bâilla en regardant sa montre, il était minuit moins vingt. Elle avait travaillé toute la soirée sans voir le temps passer. Elle reposa quelques dossiers sur le bureau de sa patronne et enroula un plan sur lui-même avant d'y faire glisser un élastique. Satisfaite, elle enfila sa veste et sortit dans le couloir. Elle se demandait si elle était seule dans la maison des Gardam.

Soudain, la lumière s'éteignit. La jeune femme fit un tour sur elle-même puis s'avança vers l'escalier en longeant le mur. Elle percevait des pas feutrés derrière elle, mais fit mine de ne rien entendre. Lentement, elle descendit les escaliers dans le noir. Une ombre l'épiait. Elle se retourna alors brusquement et saisit son poursuivant au collet. Avant qu'elle n'ait le temps de comprendre, la lame d'un couteau s'enfonça dans la paume de sa main, un cri lui échappa, et l'ombre aussi.

A cet instant, la porte d'entrée s'ouvrit et la silhouette de James apparut. L'électricité revint presque au même moment. Jessica se tourna vers le nouvel arrivant, la main en sang, un couteau dans l'autre. Elle laissa l'arme tomber sur le sol puis s'assit sur les marches de l'escalier. James accourut aussitôt, affolé :

— Oh bon sang ! Que s'est-il passé ? Vous allez bien ?

— Oui, ça ira. J'ai été agressée par un homme en voulant quitter la maison.

— Vous avez pu distinguer les traits de son visage ?

— La lumière était éteinte, expliqua-t-elle.

— Surtout ne bougez pas, j'appelle un médecin d'urgence.

— Non, ce n'est pas la peine je vous assure.

— La blessure semble profonde.

— Non ce n'est rien de grave, je désinfecterai la plaie une fois chez moi et bientôt il n'y paraîtra plus.

— Vous êtes sûre de pouvoir conduire dans cet état ?

— Sans le moindre problème, l'assura-t-elle. Mais merci de votre sollicitude.

La jeune femme se rendit à la cuisine et enroula un chiffon autour de sa main blessée.

— Je vous le ramènerai, promit-elle en levant la main. Et il n'y aura plus une tache.

Elle sourit à James et le salua avant de passer la porte. Le jeune homme renonça à l'idée de l'empêcher de s'en aller seule et blessée, les femmes étaient un bien trop grand mystère pour lui ces derniers temps. A peine fut-elle partie que Victor apparut en haut de l'escalier, trop essoufflé pour s'être réveillé à l'instant.

— J'ai entendu du bruit monsieur, que se passe-t-il ?

— Mademoiselle Arnold a été agressée, l'informa James en ramassant par la lame le couteau qui traînait encore sur une marche.

— Ici, dans la maison ?

— Oui, venez m'aider à nettoyer, Victor... Je devrais peut-être contacter la police.

— Non ! s'exclama le domestique. Enfin, je veux dire que vous êtes de la police et... et madame Gardam ne supporterait pas un tel remue-ménage, elle a déjà tellement de soucis.

James leva les yeux sur son employé de maison et le considéra avec suspicion et méfiance. L'emportement de Victor à l'évocation du mot police était pour le moins curieux et significatif. L'homme cherchait-il à cacher quelque chose ? Mieux valait ne pas faire part de ses doutes pour le moment.

— Nettoyez-moi ces taches de sang sur le tapis, commanda James qui ne s'était jamais adressé de façon si autoritaire à Victor.

Il monta les escaliers tandis que le domestique les descendait, puis alla s'enfermer dans sa chambre. Il se glissa sous les draps de son lit et enfouit la tête sous l'oreiller. Il ne voulait pas penser à tous les événements de la soirée, il s'efforça donc de les chasser de sa mémoire et finit par s'endormir en songeant au regard profond de Khali, à la douceur de sa peau, à la façon dont il aurait aimé que leur soirée se termine. Demain était un autre jour et les problèmes attendraient.


🐺🐺🐺


Six sonneries résonnèrent désagréablement aux oreilles de Victor. Il abattit un poing sur son réveil, lequel n'était pas près de remarcher un jour, puis se rendit compte qu'il s'agissait de la sonnette à la porte d'entrée. Il enfila un pantalon et une chemise en marmonnant puis alla accomplir son devoir de domestique. La sonnette hurla encore quelques fois avec insistance avant que Victor n'ouvre la porte, tout sourire, forcé de contenir son envie de secouer les visiteurs matinaux comme des pruniers. Il s'inquiéta en constatant qu'il s'agissait du lieutenant Alicos, escorté de deux autres policiers.

— Salut Victor, commença l'agaçant rouquin. On pourrait parler à votre employeur, ce fainéant ?

— Monsieur Gardam dort encore. Si vous voulez bien patienter dans le salon, je m'en vais le prévenir de votre arrivée.

Gaétan pénétra dans la maison, suivi de ses deux collègues, en laissant échapper un sifflement admiratif :

— Quelle baraque ! A chaque fois que je viens ici ça a l'air encore plus gigantesque. Y'a pas à dire, ça rapporte d'épouser une riche héritière.

— Installez-vous, monsieur Gardam ne va pas tarder.

Et Victor laissa les trois policiers dans le vaste salon richement décoré par Linnéa. Lorsqu'il s'approcha de la chambre de James, ce dernier en sortait justement et vint à sa rencontre :

— Qui s'est amusé à jouer un concerto avec la sonnette ?

— Le lieutenant Alicos aimerait s'entretenir avec vous, monsieur. Il attend dans la salle de séjour en compagnie de deux messieurs de la police.

— Alicos, soupira James en se dirigeant vers l'escalier.

Il fit un détour par la cuisine et attrapa un pain au chocolat. Il passa ensuite sous la porte voûtée du salon et y entra en s'ébouriffant les cheveux.

— Salut la compagnie, qu'est-ce que vous fichez ici de si bonne heure ?

— On t'a tiré du lit Jamessou ? demanda Gaétan.

— Arrête de m'appeler comme ça, j'te l'ai déjà dit.

Les deux policiers qui accompagnaient Alicos quittèrent le salon sur un signe de tête du lieutenant.

— On peut savoir où ils vont comme ça ? s'inquiéta James.

— Faire leur boulot. Mais puisque t'es un flic honnête et blanc comme neige tu ne dois pas voir d'inconvénient à ce qu'ils fouillent un peu ? On ne devrait rien trouver de compromettant... normalement.

— Qu'est-ce que tu sous-entends ?

— J'ai appris que Linnéa a dû retourner à l'hôpital.

— Quel est le rapport ?

— Eh bien, tu as dû te sentir seul dans ton lit cette nuit. A moins que tu n'aies trouvé quelqu'un pour te tenir compagnie ?

— Mais bon sang, tu vas finir par m'expliquer de quoi tu parles ?

— James, elle est recherchée par la police, et tu es la seule personne à qui j'ai parlé avant de mettre le commissaire Thomas au courant. Quelqu'un l'a prévenue et elle s'est échappée. Il y a eu une fuite, et elle ne vient pas de moi.

— Mets toute la maison à sac si ça te chante, tu ne trouveras certainement pas mademoiselle Lobo ici. Ensuite tu n'auras plus qu'à rentrer au poste bredouille parce que tu n'as aucune preuve contre moi.

— Ça ne saurait tarder, lâcha sèchement Gaétan en défiant son collègue du regard.

Les trois hommes passèrent près d'une demi-heure dans la maison puis s'en retournèrent les mains vides au commissariat. Le lieutenant Alicos n'en était que plus frustré et plus enragé.


Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant