Chapitre 11 - Mystérieuse inconnue

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Le parc aux sapins, la plus grande forêt de conifères de la région, était plongé dans la nuit. Les plus hautes cimes avaient l'extrême honneur d'être éclairées par un maigre croissant de lune. Au bout d'un chemin sinueux qui débouchait sur une petite place déboisée, se dressait une splendide fontaine. Quelques fébriles rayons de lune parsemaient l'eau d'étoiles lumineuses. Diverses formes géométriques s'entrelaçaient, entraînant les jets translucides dans un véritable labyrinthe de pierre. La mousse et le lierre s'étaient installés à plusieurs endroits, conférant ainsi à la fontaine un air ancien.

James venait souvent ici. Seuls quelques rares inconditionnels connaissaient l'emplacement de cette fontaine perdue au fin fond du parc. L'endroit était presque toujours désert, et les habitués venaient tous pour la même raison : le silence. Tout était si calme dans ce lieu propice à la réflexion. C'était d'ailleurs pour cela que James venait s'y réfugier lorsque son esprit était torturé, soit par une enquête insoluble, soit pour des raisons plus personnelles.

Le jeune homme était arrivé avec quelques minutes d'avance de peur de manquer la mystérieuse inconnue. Il s'assit sur le rebord frais de la fontaine et admira le ciel étoilé. Hormis quelques ululements d'oiseaux qui rythmaient la nuit, pas un seul son ne troublait la quiétude de la nature. Le silence imposait à un tel point sa présence que James eut un sursaut de frayeur lorsqu'il vit la jeune femme surgir derrière un buisson aux feuilles desséchées. Il se redressa promptement, les membres rigides, la respiration rapide.

— Bonsoir, le salua la mystérieuse inconnue en s'avançant dans la lumière de la lune. Je ne suis pas trop en retard, j'espère ?

— Non, non non, c'est moi qui suis en avance.

La jeune femme s'approcha de la fontaine et fit glisser une main gracieuse sur la surface ondoyante de l'eau :

— Vous n'avez pas eu de problème pour trouver cet endroit ?

— Non, je viens régulièrement par ici, je connais bien le coin.

— Vraiment ? s'exclama-t-elle pleine de gaieté. Moi aussi je me réfugie souvent près de cette fontaine. Ce lieu respire le calme et la tranquillité, c'est ce que j'aime ici. Il n'y a pas de regards indiscrets.

— Il m'avait pourtant semblé comprendre que vous n'étiez pas originaire d'ici ?

— En effet, c'est vrai, je viens... d'ailleurs. Je voyage beaucoup en fait, je fais partie de ces gens qui ne tiennent pas en place, confia-t-elle en riant de sa propre personne.

— Mais d'où venez-vous, à l'origine ?

Le sourire de la belle s'évanouit. James regretta aussitôt d'avoir posé cette question d'ordre privé sur un ton aussi sec. Pour se rattraper il ajouta qu'elle n'était pas obligée de répondre mais elle insista :

— Ça ne me dérange pas, je vous assure. Disons simplement que j'ai une nature plutôt... internationale. Je ne sais pas où je suis née, mais en tout cas j'ai grandi à la fois en France, en Pologne et en Afrique du Sud.

— Vos parents déménageaient souvent, c'est ça ?

— J'ai été adoptée par une hôtesse de l'air qui avait la bougeotte. Mon enfance reste très floue, ce n'est qu'à partir de treize ans, lorsque j'ai fugué, que mes souvenirs s'éclaircissent.

— Je suis navré, vous semblez avoir eu une enfance difficile. Je n'aurais pas dû soulever ce sujet délicat.

— Si, ça me fait du bien d'en parler pour m'en rappeler. J'ai peur d'oublier les choses avec le temps, d'oublier qui je suis. Chaque jour le brouillard est plus épais...

Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant