Chapitre 19 - Débordé

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Le lieutenant Alicos resserra sa cravate pourpre et haussa les épaules pour que sa veste retombe sans pli par-dessus son impeccable chemise blanche. Il appuya sur la sonnette à côté de la porte d'entrée puis attendit qu'on vienne lui ouvrir tout en astiquant la pointe de ses chaussures contre la jambe du pantalon. Une femme à la peau ridée et aux yeux rougis par les insomnies apparut dans l'entrebâillement de la porte. Elle observa l'homme sur le seuil de son foyer d'un œil malveillant.

— Encore un de ces stupides journalistes ? marmonna la femme.

— Non madame, je suis de la police. Lieutenant Gaétan Alicos, se présenta-t-il en tendant la main avec un sourire trop prononcé pour être honnête.

— Allez-vous-en ! s'énerva-t-elle en claquant la porte au nez du visiteur.

— Madame Grieux, je sais que la mort de votre fils est un drame mais nous ne pourrons pas arrêter son meurtrier si vous refusez de coopérer. En refusant de parler vous vous rendez suspecte.

La porte se rouvrit vivement, en grand cette fois. La femme le regarda méchamment, la main sur la poignée.

— Qu'est-ce que vous voulez ? grogna-t-elle.

— J'aimerais que vous me permettiez de consulter vos documents concernant la bijouterie.

— Suivez-moi, tout est dans la chambre, concéda-t-elle avec un soupir.

Madame Grieux conduisit Gaétan au premier étage. La chambre se trouvait au bout d'un vieux couloir mal aéré et entièrement recouvert de papier peint à fleurs jaunes. La porte grinça en s'ouvrant, tout comme le tiroir de la commode. La femme en sortit une pile de papiers qu'elle déposa sur le lit.

— Voilà. Mais ça m'étonnerait beaucoup que vous trouviez quelque chose là-dedans. Ce ne sont que des factures, des relevés bancaires, les documents du procès, les certificats de...

— Excusez-moi, intervint Gaétan. Vous avez parlé d'un procès ?

— Oui, ça s'est passé il y a environ un an, à la mort du père de mon mari. Le frère d'Hubert a contesté le testament, il en voulait plus, il disait que son pauvre père n'était pas en bonne santé mentale lors de la rédaction du document. Alors il a engagé un procès. Une très mauvaise période que je voudrais oublier. J'en ai déjà parlé à votre collègue.

— Mon collègue ?

— Oui, une jeune femme qui travaille sur le meurtre de mon fils. Elle a posé beaucoup de questions sur ses fréquentations et sur celles de mon mari.

— Je crois savoir de qui il s'agit. N'avez-vous rien remarqué d'étrange chez cette personne ?

— Eh bien si, elle a commenté « tant mieux » quand j'ai dit qu'il n'y avait pas de vidéosurveillance dans la bijouterie. J'ai trouvé ça vraiment curieux.

Alicos serra les dents, il tenait une piste et Khali était en mauvaise posture.


🐺🐺🐺


Peu avant midi, James quitta le commissariat. Il récupéra sa voiture qui était garée sur le parking situé à l'arrière du bâtiment puis prit la direction de son foyer. Il croisa le lieutenant Alicos qui roulait en sens inverse mais ne s'en rendit pas compte, il était trop absorbé par l'idée de retrouver enfin Linnéa. Cela faisait plus de vingt-quatre heures qu'ils ne s'étaient pas vus et le jeune homme espérait qu'elle ne serait pas trop fâchée du fait qu'il ait envoyé Victor la chercher à l'hôpital. Lui qui avait émis le souhait de se plonger dans le travail pour éviter d'aborder les problèmes domestiques, voilà qu'il était servi et se retrouvait dorénavant prisonnier de son devoir de lieutenant de police. Il faut parfois se méfier des vœux que l'on exprime, aussi bien intentionnés soient-ils.

Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant