James interpella un guide à l'autre bout de la salle. Cela faisait une demi-heure qu'il sillonnait les allées du musée sans trouver ce qu'il cherchait. Le guide accourut aussi vite qu'il put, le silence étant de rigueur dans un tel lieu.
— S'il vous plaît monsieur, chuchota-t-il, vous feriez mieux de quitter le musée.
James ouvrit son portefeuille et montra sa carte de police :
— Lieutenant James Gardam. J'enquête sur des vols d'antiquités.
— Mais quelqu'un est déjà venu nous poser des questions à ce sujet la semaine dernière. Deux statuettes ont disparu, c'est tout.
— Qui est venu enquêter ici la semaine dernière ?
— Je ne me souviens plus de son nom, navré. Il ressemblait à, euh, pardonnez-moi l'expression : un lutin irlandais avec des cheveux roux et bouclés. C'est tout ce que je peux dire.
— Alicos, soupira James. Toujours à se mêler des affaires des autres.
Soudain, une alarme retentit dans le fond du musée.
— Une alerte ! Un cambriolage ! s'exclama le guide, paniqué. Lieutenant, allez vite voir ce qui se passe !
Le policier bouscula l'homme et se rua dans la direction du vacarme. On entendit un coup de feu suivi de hurlements. Accélérant le pas, James saisit l'arme placée sous un pan de sa veste et tendit le bras en avant, le doigt sur la gâchette. Il passa sous une arcade sculptée dans le mur et manqua de déraper sur le sol glissant. Le cœur de l'homme avait bondi dans sa poitrine, non pas de peur mais d'excitation. C'était ce genre de montée d'adrénaline qui lui faisait adorer son métier. Quelques gémissements résonnaient dans la pièce. Les gens s'étaient massés contre le mur, protégeant de leurs corps un blessé. James s'arrêta quelques instants et s'écria :
— Que quelqu'un appelle une ambulance ! Dépêchez-vous ! Où est parti le tireur ?
Un homme d'une quarantaine d'années désigna d'un doigt tremblant l'un des couloirs au bout de la salle. James se lança aussitôt à la poursuite du criminel. Ce dernier avait laissé derrière lui des vitrines brisées et des pièces de musée éparpillées sur le sol. Le policier traversa la salle des sculptures antiques et distingua la porte réservée au personnel qui se refermait lentement par un mécanisme automatique. L'excitation accrut sa vitesse et il se jeta violemment contre la porte avant qu'elle ne se referme. Une jambe disparut en une fraction de seconde derrière le mur d'un couloir bifurquant à droite. James redoubla de vélocité, ses poumons crachaient du feu, ils étaient sur le point d'exploser. Son cœur tambourinait à ses oreilles. Des perles de sueur apparurent sur son front. Le cri d'une femme lui indiqua qu'il était sur la bonne voie. De larges doubles portes rouges marquées de l'inscription « sortie de secours » terminaient l'étroit couloir.
Le policier aperçut l'espace de quelques secondes la vieille veste élimée de cuir brun qui recouvrait les épaules du bandit. Il le suivit dans la rue, une impasse sombre et fétide. Seuls quelques mètres séparaient les deux hommes à présent. Le fuyard fonça en direction de la route, l'artère principale de la ville, et n'eut d'autre choix que de s'immobiliser, le visage à une dizaine de centimètres de la remorque d'un camion qui lui barrait le passage. James s'élança dans les airs et heurta l'homme de plein fouet, le plaquant brutalement au sol. Il y eut quelques crissements de freins de dernière minute et toutes les voitures de la voie de droite furent immobilisées.
James n'avait pas encore trouvé la force de se relever, il était toujours assis à califourchon sur le dos du bandit qui gesticulait faiblement. Haletant, à bout de souffle et de force, sa gorge était aussi sèche et chaude que le désert le plus aride. Encore cinq minutes de course et il aurait craché des flammes tel un dragon enragé. Très lentement, sans cesser de pointer son arme sur la nuque de l'homme, James se releva. Il perçut un petit craquement au niveau des chevilles lorsque tout son poids passa dans ses jambes. Sans en tenir compte, le policier se pencha sur sa proie et la saisit par l'épaule pour qu'elle se retourne face à lui.
Le bandit était plus jeune que James ne s'y était attendu. Seize ans tout au plus. Ses longs doigts aux ongles sales s'agrippaient à une petite sacoche de toile. James lui arracha l'objet des mains et l'ouvrit en gardant un œil attentif fixé sur le jeune garçon. La sacoche contenait trois pièces dérobées au musée : un collier de perles rares ayant appartenu à une quelconque famille monarchique du moyen âge, un diadème abîmé par les siècles mais arborant toujours quelques remarquables pierres précieuses, ainsi qu'un petit loup taillé dans un cristal d'une pureté rare. Le trésor exerçait une certaine attraction sur le policier.
Soudain, le jeune bandit envoya un coup de pied dans la jambe de James. Ce dernier bascula en arrière tandis que le garçon prenait à nouveau la fuite. Heureusement, les renforts étaient tout juste arrivés et deux policiers arrêtèrent le voleur, lui passant les menottes et lui récitant ironiquement ses droits comme s'ils avaient regardé trop de séries américaines. Les biens dérobés avaient glissé des mains de James lorsqu'il avait chuté et il constata avec un pincement au cœur que le petit loup s'était brisé sur le macadam. Le soleil brillait à travers les débris de cristal.
— Ça va ? s'enquit un homme en uniforme, le képi vissé sur le crâne, en tendant la main à James.
— Oui merci, répondit le jeune homme en refusant poliment l'aide de son collègue.
— Ce sont les objets volés ?
— Oui, confirma-t-il d'une voix gênée.
L'homme s'accroupit et ramassa les bijoux en secouant la tête d'un air désolé :
— Celui-ci a dû se briser quand le voyou est tombé.
James ne le contredit pas. Il observa l'agitation autour du jeune bandit que les policiers tentaient de faire entrer à l'arrière d'un véhicule. Ce vol avait-il un rapport quelconque avec tous les autres ? James espérait de tout cœur que l'interrogatoire du garçon le lancerait sur une nouvelle piste. Cela faisait trop longtemps que son enquête piétinait et qu'il pataugeait dans la gadoue. Il priait pour que son entretien avec la mystérieuse inconnue - il ne pouvait se résoudre à la nommer autrement - soit fructueux. Le policier passa le doigt sur la fissure qui barrait le cadran de sa montre et marmonna une injure qui fit sourire un agent près de lui. Le guide du musée arriva en haletant comme un chien, les joues rougies par la course.
— Bravo lieutenant, le félicita-t-il en s'agrippant au bras de James. Vous avez attrapé ce chenapan. De la part de tout le personnel du musée je vous remercie. Heureusement que vous étiez là.
James sourit à l'homme en lui tapotant l'épaule puis il s'éloigna, Victor n'allait pas tarder à servir le dîner.
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Nuit Sans Lune (Terminé)
WerewolfL'inspecteur James Gardam mène une existence paisible dans sa petite ville trop tranquille. Mais une série de meurtres sauvages va bientôt pimenter son quotidien et chambouler sa vie plus qu'il ne pouvait l'imaginer. Pour l'aider à élucider ces myst...