Chapitre 17 - Dilemme

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James tourna lentement la clef dans la serrure puis poussa la porte d'entrée du domaine Gardam. Il s'avança à pas feutrés dans le noir, retira sa veste, ses chaussures, puis monta l'escalier en s'accrochant à la rambarde de chêne massif. Le jeune homme ralentit en passant devant la chambre de Victor, inutile de réveiller le pauvre homme à une heure aussi tardive. Sans raison logique, James se sentait fautif et il aurait été gêné d'être surpris par Victor. Il retrouvait ce mélange de crainte et d'excitation qui l'envahissait les soirs où, adolescent, il rentrait après le couvre-feu imposé par ses parents. Il ne se demanda pas pourquoi il craignait l'intervention d'un simple domestique. Il avait renoncé à comprendre les événements de cette singulière soirée. James regagna sa chambre, son lit vide, tandis que Victor refermait en silence sa porte entrouverte. Minuit sept. Voilà l'heure à laquelle rentrait l'irréprochable monsieur Gardam.


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Victor était en train de faire chauffer l'eau du café matinal de son patron dans la cuisine lorsque la sonnerie du téléphone retentit. L'homme retira son tablier, le jeta sur la table de travail, puis alla répondre à l'appel insistant. Quelques minutes plus tard, Victor se présenta au pied du lit de James avec le téléphone sans fil à la main.

— Madame désire vous parler, monsieur.

Le jeune homme ôta l'oreiller qu'il s'était mis sur la tête pour se protéger du tintamarre de la sonnerie et le balança contre une toile de Linnéa qui était suspendue à l'autre bout de la pièce. Les cheveux complètement ébouriffés et les gestes lents, il attrapa le combiné. Victor acquiesça poliment de la tête puis saisit l'occasion d'espionner la conversation du couple en prétextant que le tableau de madame avait été dérangé par l'oreiller de monsieur. James porta le téléphone à son oreille mais ne dit rien. Il observa quelques secondes le domestique en train de raccrocher convenablement le tableau, une action qui lui demanda d'ailleurs énormément de temps. Méfiant de tout, James attendit que l'homme déçu quitte la chambre. Quelque chose le tracassait en la personne de Victor. Celui-ci représentait une image trop caricaturale du domestique type pour être convaincant. La chose n'avait bizarrement jamais effleuré James jusqu'à aujourd'hui.

— Allô, il y a quelqu'un ? fit la voix de Linnéa au téléphone.

— Oh, euh oui, je suis là, c'est moi, répondit le policier qui avait déjà complètement oublié sa femme.

— Ça va ? Tu m'as l'air... bizarre.

— Oui oui, rassure-toi. Je viens de me réveiller alors je suis encore dans la lune.

— Et tu as passé une bonne nuit ?

— Non, horrible. Je n'ai presque pas fermé l'œil. Je ne sais pas ce qui se passe mais je sens un poids sur mes épaules et ça me perturbe. Je ne suis pas à l'aise.

— On y remédiera quand je serai rentrée.

— Mm... acquiesça le jeune homme, distrait.

— Mais pour ça il faut d'abord que tu me cherches à l'hôpital.

— Ah oui, bien sûr. Je bois un café et j'arrive.

— Pourquoi tu n'es pas venu hier soir ? Si tu m'avais prévenue j'aurais pu appeler un taxi au lieu d'attendre. Qu'est-ce que tu faisais ?

— Euh... J'avais du travail au poste de police. Les meurtres et les vols se multiplient depuis quelques jours, tu sais.

— Oui, j'ai vu ça aux infos. Il y a même eu un reportage sur l'arrestation que tu as effectuée au musée hier après-midi ! Félicitations.

Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant