Chapitre 38 - Charmante espionne

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Jessica perçut des mouvements autour d'elle. Quelques murmures furent échangés au loin. La jeune femme releva faiblement la tête en cherchant la force d'ouvrir les paupières. L'atmosphère était lourde autour d'elle, une tension grandissante se propageait dans l'air électrique.

Jessica était assise sur une chaise au fond d'une sorte d'immense cave, peut-être un hangar. Lentement, sa vision se fit plus nette et elle distingua des formes humaines s'agitant autour d'elle. Elle voulut se redresser mais des menottes dans son dos la maintenaient sur le siège. Sa tête roula de côté, tout contre son épaule. Elle avait peut-être été droguée.

Un homme s'approcha alors et releva son menton pour qu'elle le regarde en face. Il était grand, le teint hâlé. Ses larges épaules contrastaient avec la finesse de sa taille. Il plongea son regard bleu dans celui, plus sombre, de la captive et commença sur un ton chaleureux :

— Bonjour miss Arnold.

— Qui êtes-vous ?

— Vous ne me reconnaissez pas ? Oh, ça me vexe. Ça me fait même de la peine. Je suis Timothy Valnasser, directeur de Valnasser & Co. Décoration. Célibataire le plus convoité du pays et qui fait la couverture de tous les magazines féminins.

— Valnasser & Co... Les concurrents de la CDG...

— Vous avez tout juste, miss. Mais je tiens avant tout à vous faire mes excuses, je suis vraiment désolé que vous vous soyez réveillée aussi tôt. Si ça peut vous rassurer, je ferai fouetter celui qui vous a administré une dose insuffisante de drogue.

— Qu'est-ce que vous me voulez ?

— Votre vie. Je veux votre vie, annonça-t-il sur un ton parfaitement cordial.

Jessica resta impassible. Elle redressa la tête avec dignité et affronta le regard au demeurant sympathique de Valnasser.

— Encore une fois, veuillez accepter mes excuses, miss Arnold. Si vous ne vous étiez pas réveillée plus tôt que prévu, vous n'auriez jamais su quel triste sort vous attend.

L'homme avec son apparente sympathie pleine de compassion en devenait irritant. Il poussa le jeu encore plus loin en lui accordant une dernière volonté, tout miel et tout sourire.

— Je veux seulement savoir pourquoi, demanda calmement Jessica.

— Plutôt sage comme dernière volonté, généralement on me demande un repas, un cigare, voire même la clémence. Au moins ça a le mérite d'être une requête à laquelle je peux accéder.

— J'attends, insista la jeune femme d'un ton ferme.

— La réponse est simple, vous êtes la bouée de sauvetage de la CDG.

— Un bête règlement de compte entre concurrents ? C'est pathétique.

— Peut-être, admit Valnasser, mais c'est comme ça que je fais marcher mon affaire.

— Si ce n'est que ça, je peux très vite me transformer en ancre et immobiliser le navire.

— ... Vous retourneriez votre veste ?

— Je me fiche pas mal de la personne pour qui je travaille. Tout ce qui m'importe c'est mon propre objectif. Et si j'ai plus de chances de parvenir à mes fins à vos côtés, je n'ai aucune raison d'hésiter.

— Et quelles sont vos fins ?

— Ça, ça me regarde.

— ... J'aime les gens sans scrupules, qui sont prêts à tout, les gens comme moi, confia Valnasser. Mais que gagnerais-je à vous laisser en vie ?

— N'oubliez pas que je suis l'assistante de Linnéa Gardam, j'ai accès à tous ses travaux et ses comptes clients.

Un large sourire se dessina sur le visage de Valnasser. Il tira une petite clef de sa poche et libéra la jeune femme de ses menottes.

— Qu'on prépare un dîner digne de ma charmante espionne ! ordonna-t-il.


🐺🐺🐺


Le cuisinier replaça le couvercle sur son plat puis repartit en cuisine. Jessica et Valnasser commencèrent le repas en tête-à-tête.

— Vous me faites confiance ? demanda la jeune femme.

— Je me méfie toujours des ravissantes demoiselles. Si on ne prend pas garde elles font de vous ce qu'elles veulent.

— Vous avez raison, méfiez-vous, méfiez-vous de tout, et surtout de moi.

— Mais le danger est si excitant. Sans risque il n'y a aucun plaisir.

— Vous êtes l'une des rares personnes à partager mon avis sur ce point, cher Tim.

— J'en suis ravi, miss Arnold. Si peu de gens ont un goût du risque aussi prononcé que le mien, que le nôtre...

Elle lui accorda un sourire malicieux.

— Vous êtes exquise, complimenta l'homme en admirant Jessica tremper les lèvres dans son verre de vin.

— Je sais, affirma-t-elle en faisant glisser le verre lisse dans son cou.

— Tout bien réfléchi, je ne vais pas faire fouetter l'homme responsable de votre réveil prématuré, je vais plutôt le remercier.

Jessica reposa le verre à côté de son assiette puis se leva. D'une démarche féline, elle contourna la table et alla s'asseoir sur les genoux de son nouveau patron.

— Je crois que je vais aimer travailler avec vous, siffla-t-elle à son oreille.

— Non seulement vous serez un meilleur espion que cet incapable de Victor, mais en plus vous êtes terriblement plus sexy que lui.

— Victor ? s'étonna Jessica. C'est pour vous que travaillait ce misérable insecte ?

— En effet.

La jeune femme se redressa, furieuse.

— C'est vous qui lui avez donné l'ordre de me tuer ?! s'indigna-t-elle.

— Calmez-vous, enfin, ça n'est pas si terrible que ça.

Valnasser quitta la table à son tour et alla enlacer sa nouvelle recrue en lui couvrant le cou de baisers.

— Après tout j'ai bien failli vous tuer tout à l'heure aussi, avec cet accident de la route.

— C'est vrai, reconnut-elle. Et si j'avais eu l'occasion de vous supprimer je n'aurais moi non plus pas hésité une seule seconde.

— Alors nous sommes à égalité, ma douce, ma dangereuse.

— Bien plus dangereuse que vous ne pouvez l'imaginer. Et bien plus efficace que cette sous-fiente de Victor.

— Au sujet de Victor, intervint soudain Valnasser en cessant d'embrasser et de caresser le cou de la jeune femme. Il concerne votre première mission à mon service.

— Tout ce que vous voudrez, patron, annonça-t-elle d'une voix sensuelle et faussement soumise.

— Je veux que vous l'éliminiez.

— Avec le plus grand plaisir, se réjouit-elle avant d'embrasser Valnasser à pleine bouche.



Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant