Chapitre 24 - Visite nocturne

88 13 10
                                    

James tourna la page de son roman et se rendit compte qu'il lisait depuis plusieurs minutes déjà sans prêter la moindre attention aux mots qui défilaient sous ses yeux las. Il n'arrivait pas à se concentrer sur sa lecture, la délicieuse Khali hantait son esprit. Il referma le livre et laissa sa tête reposer sur le dossier du fauteuil, les yeux clos. L'odeur du steak carbonisé qu'il avait tenté de faire griller une heure plus tôt était tenace et venait lui chatouiller les narines jusque dans la bibliothèque. Son estomac regrettait d'avoir accordé à Victor la soirée de libre qu'il avait demandé.

Une légère brise nocturne vint caresser le visage du jeune homme. Un sourire se dessina sur ses lèvres puis il ouvrit brusquement les yeux. La fenêtre était grande ouverte et Khali était assise sur le rebord, balançant d'un air enfantin ses jambes au-dessus du parquet.

— Bonsoir, le salua-t-elle.

Le policier se redressa aussitôt et déposa son livre sur le fauteuil.

— Khali, il est tard.

— Je peux repartir si je dérange.

— Non, non, c'est pas ce que je voulais dire. Je... Je n'savais pas quoi dire d'autre.

Khali rit et entra complètement dans la maison. Elle referma la fenêtre derrière elle, les rideaux cessèrent immédiatement de danser dans les airs.

— Comment êtes-vous montée ici ? demanda James. Nous sommes au premier étage.

— Secret professionnel, plaisanta-t-elle à demi.

— Je peux faire quelque chose pour vous ?

— Oui, j'ai faim, soif, et par-dessus tout, j'aimerais prendre une douche. Enfin si ça ne vous dérange pas...

— Bien sûr. Vivre comme une fugitive présente de nombreux inconvénients, mais je serai toujours là pour vous aider.

— Et est-ce que vous pourriez laver mes vêtements aussi ? ajouta-t-elle en montrant quelques taches de boue sur son t-shirt.

— Évidemment, accepta-t-il en ouvrant la porte. Venez avec moi dans la cuisine.

James la guida à travers la maison en remettant les pans de sa chemise dans son jean. Elle le suivit sans dire un mot, attentive au moindre détail du décor. Le policier s'immobilisa à l'entrée de la cuisine comme s'il y mettait les pieds pour la première fois.

— Euh, j'avais oublié que Victor n'était pas là ce soir.

— Vous êtes perdu sans votre bonne ?

— Non, euh... Oui, reconnut-il avec une grimace. En fait je suis aussi doué en cuisine que Conan le barbare en danse classique.

— Jolie comparaison, commenta Khali en s'approchant de la gazinière, amusée.

Elle attrapa une poêle par le manche et y découvrit ce qui semblait être un énorme morceau de charbon.

— Euh oui, j'ai essayé de faire cuire un steak tout à l'heure, expliqua James en ôtant la poêle des mains de la jeune femme pour aller mettre l'infect morceau de viande à la poubelle.

— J'ai du mal à croire qu'on puisse être aussi nul en cuisine. Je ne suis pas très douée moi non plus mais à ce point-là...

— Il reste du pain. Et il doit y avoir du jambon dans le réfrigérateur. Je suis vraiment désolé de ne pas pouvoir vous offrir un repas digne de ce nom.

— Un sandwich me convient parfaitement, je n'ai pas été élevée au caviar.

— Moi non plus, répondit James d'une voix assombrie.

— Ce n'était pas un reproche. Pourquoi les riches croient-ils toujours qu'on les jalouse et qu'on les hait pour leur argent ? râla-t-elle.

— ... La discussion tourne mal, encore. On ne peut pas s'empêcher de se disputer.

— Vous avez remarqué vous aussi... nota-t-elle avec amusement.

James s'assit à la petite table ronde dans le coin de la cuisine en soupirant tandis que Khali terminait de préparer son sandwich.

— Je fais tout de travers, murmura-t-il pour lui-même.

— Pardon ? demanda la belle, la bouche pleine.

— Rien, rien je... Je constate juste qu'à chaque fois que je suis en votre présence je fais un faux pas.

— Non, vous êtes seulement plus sincère. Je fais ressortir les émotions cachées des gens, c'est toujours comme ça. Curieux effets secondaires non ?

— Leurs émotions ?

— Oui, celles que les gens tentent de cacher, en ma présence ils perdent leurs inhibitions et ont envie de dire ce qu'ils pensent ou ressentent tout bas, la colère, la haine... l'amour...

Ils échangèrent un regard silencieux puis Khali entama la seconde moitié de son sandwich avec avidité.


🐺🐺🐺


Jessica Arnold récupéra sa monnaie puis quitta la supérette en emportant un sac de provisions. Elle traversa la rue sombre et longea le trottoir en jetant des coups d'œil fréquents derrière elle. Soudain, un jeune adolescent courut dans sa direction, il la bouscula et fila comme une flèche dans l'obscurité mal éclairée par des lampadaires poussiéreux. Deux autres jeunes gens ne tardèrent pas à se lancer à la poursuite de ce dernier.

Jessica remit la lanière de son sac en place sur son épaule lorsque quelqu'un l'attrapa avec brutalité par le bras et l'attira dans une ruelle déserte. Son sac de provisions tomba sur le sol. L'homme qui l'avait entraînée dans ce piège ne lui laissa pas voir son visage, elle ne put que sentir le froid d'une lame contre sa gorge. La jeune femme eut le réflexe immédiat d'envoyer un coup de coude en arrière, pile dans l'estomac de son agresseur. Elle se retourna et découvrit le visage crispé de douleur de Victor.

— Vous... souffla-t-elle en reculant d'un pas.


🐺🐺🐺


James referma l'armoire et tendit un peignoir à Khali :

— Il est à ma femme, mettez-le pendant que je lave vos vêtements.

— Elle n'en sera pas fâchée ?

— Pourquoi le serait-elle ? Et de toute façon elle ne doit pas être informée de votre présence ici, vous êtes une fugitive, je vous le rappelle. Si elle le savait elle serait en danger.

— Vous pensez qu'elle serait en danger parce que... parce qu'Alicos est prêt à tout pour m'abattre.

— Exact... La salle de bain est juste derrière vous, indiqua-t-il en allant s'asseoir sur le lit.

Khali le remercia puis disparut dans la pièce attenante. Quelques secondes plus tard, elle entrouvrit la porte à nouveau et jeta ses vêtements sur James. Il les ramassa, ainsi que la petite culotte restée sur le sommet de son crâne, puis se précipita hors de la chambre en espérant qu'il trouve comment faire fonctionner le lave-linge.


🐺🐺🐺


Jessica fila comme un éclair à travers le quartier, par-dessus une haie taillée puis à l'autre bout du parking. Elle sauta dans sa voiture et poussa le moteur à fond...


Nuit Sans Lune (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant