A notre empire colonial

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Alban porta son verre de vin à ses lèvres. Son grand-père devait avoir bu plus d’une bouteille à lui tout seul, sans compter le pastis de l’apéritif.

Je le lance sur quoi mon grand-père ce soir ?

Voilà la question qu’avait posé Alban à ses copains. Tous savaient que le grand-père d’Alban ne supportait pas grand monde à part lui-même. Ses enfants avaient une liste tacite de sujets sur lesquels ne pas le lancer, surtout s’il avait bu.

Sujets sur lesquels Alban adorait le lancer, histoire de rigoler parce qu’on s’emmerde vachement au dîner de famille où les hommes parlent affaires, les femmes shopping et les enfants dessins animés.

Avec son cousin Armand, ils faisaient un concours de celui qui arriverait à caser le plus de répliques d’OSS 117 dans la conversation.

— Papi, est-ce qu’il a des Arabes ici ? demanda Alban pour lancer les hostilités.

La mère d’Alban fusilla son fils du regard. Son père ne fit pas de commentaire mais se resservit un verre. Alban se retint de lui dire que l'alcoolisme est souvent héréditaire mais il se serait sûrement pris une gifle devant tout le monde. Il coup d'œil du côté d’Armand lui indiqua que son cousin était au taquet.

— M’en parle pas ! Il y a deux mois, je vais à l’Etat Civil refaire ma carte d’identité. A l’Etat Civil français, il y avait qui ? Une bougnoule ! Une bougnoule qui m’a fait ma carte d’identité française.

— En Arabe ? lança Armand.

Ses cousins pouffèrent.

— Rigole, minot, rigole, la prochaine fois ça sera en Arabe…

— Ca sera illisible ! fit Alban.

Maud pouffa. Elle savait très bien à quoi jouait son petit frère. Elle était même chargée de compter les points.

— On est plus chez nous, continua le patriarche.

— Faut se réveiller, on est en 2022. Les ânes partout, les djellabas, l’écriture illisible… fit Armand avec un grand sourire à son cousin.

1 point pour Armand.

Putain, se dit Alban.

Il m’a piqué mon idée d’écriture illisible, ce petit bâtard.

— T’as raison minot, fit le grand-père en prenant une gorgée de vin. Faut se réveiller. Même le Front National ne peut plus rien pour nous… Une femme à la tête d’un parti… On va où là…

— C’est sûr, fit Alban, on en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd… Comme un pays…

1 point pour Alban.

— Bah voilà. Tu l’as bien éduqué ton fils, Fabrice.

Fabrice, le père d’Alban ne le prit pas comme un compliment. Il aurait bien aimé qu’Alban se taise, mais il devait en aucun cas contrarier son père s’il voulait être en bonne place sur le testament.

— Papi, quand on voit Marine Le Pen, tu te dis pas que tu serais ravi d’avoir une secrétaire aussi jolie ? demanda Armand.

1 point pour Armand.

— Certes, approuva le grand-père. Vous savez les minots ce qu’il nous faudrait pour nous débarrasser des bougnoules, des nègres, des cocos, des socialos, des pédés et des gronasses ?

La mère d’Alban leva les yeux au ciel, au risque de voir sa belle-sœur hériter du chalet de Megève le jour où le grand-père passerait l’arme à gauche.

Mi Beau Gosse Mi Bâtard III - Jamais deux sans troisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant