CHAPITRE 23: fléchettes

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EYON

Nous étions retournés à la villa de Washington. J'avais senti Elora trop faible que pour faire plusieurs heures d'avion. J'avais alors décidé d'attendre qu'elle reprenne des forces. Quelques jours ou quelques semaines, je m'en fous, je ne veux pas la brusquer.

Elle n'avait pas parlé, pas une seule fois. Et le pire, c'est qu'elle n'avait pas l'air énervée ou triste, juste vide. Elle s'était contentée de monter dans sa chambre et de ne plus en sortir. Cela faisait deux jours.

Deux jours aussi que Jules était enchaîné dans le sous-sol. Elora n'était pas au courant de sa présence, et je ne voulais pas qu'elle le soit. On ne lui avait donné qu'un verre d'eau, de quoi le tenir éveillé. Ian était chargé de le surveiller, mais les garçons et moi n'allions pas tarder à descendre à notre tour. Alex s'était vu forcé de rester, quand il a entendu Rhéa parler d'Elora, il ne se voyait pas partir sans venger celle-ci, étant donné que Rhéa n'était pas là pour le faire, et Alex n'est pas Alex sans Ace, alors il est resté aussi.

Mike s'était occupé de désinfecter et soigner les blessures de la blessée, il avait dû lui recoudre la plus grosse des plaies qui était située sur sa cuisse. Elle n'avait pas parlé de la provenance de ses diverses entailles et hématomes, mais Mike en avait déduit des lames de rasoir pour ses membres au vu de la taille fine des coupures, et par logique, un couteau pour la cuisse.

Ce simple diagnostic avait suffi à me donner envie de retrouver les cendres de John et de les brûler à nouveau.

Enfoiré.

Mais je sais que John n'est pas du genre à se salir les mains, il laisse ça à Jules, et c'est pour cette exacte raison que je ne l'avais pas brûlé avec lui. Il méritait bien pire comme châtiment. Et j'allais m'en occuper.

Je gravis deux à deux les marches de l'escalier et atteins le deuxième étage, un plateau à la main. Doucement, je m'approche de la chambre d'Elora avant d'y toquer trois coups.

Aucune réponse.

Je toque à nouveau en accompagnant mon mouvement de ma voix.

— C'est Eyon, je... Je t'ai préparé des pâtes au pesto, tu as faim ?

Des pâtes, comme la dernière fois.

Ian serait probablement en train de me traiter de bouffon, mais je n'en ai rien à foutre là honnêtement. Le bruit de la porte résonne dans le couloir vide de bruit. Je sursaute légèrement, je ne pensais pas qu'elle allait m'ouvrir. Son visage creusé par le manque de force apparaît dans mon champ de vision, mais elle ne me regarde pas, elle se contente de m'ouvrir la porte en fixant le sol et de retourner sur son lit. Là, elle se couche et se recroqueville sur elle-même.

J'approche délicatement le grand matelas et dépose son bol de pâte sur sa table de nuit, dos à elle. Je reste debout sans bouger, comme un con, je ne sais pas quoi faire ni comment réagir.

Après encore quelques secondes dans un silence gênant, je me décide à contourner le lit pour arriver en face d'elle. Mais cette fois-ci, elle ne fait pas ce qu'elle aurait fait d'habitude. En temps normal, elle m'aurait de nouveau tourné le dos et on aurait continué comme ça longtemps. Mais là, elle lâche simplement un long soupir et finit par fermer les yeux.

Je m'adosse au mur en face d'elle et croise les bras sur mon buste, réfléchissant à ce que je pourrais dire ou faire.

— Tu ne veux toujours pas nous parler, demandai-je doucement.

Elle ne me répond pas, elle ne rouvre même pas les yeux. Je soupire en comprenant que ce qui était censé être une discussion finira en monologue si je continue et me détache du mur avant de me diriger vers la porte.

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