Chapitre un

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Ashton

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Ashton

Deux semaines. Deux semaines que j'ai mis un pied en dehors de ce tribunal qui me rendait ma liberté injustement confisquée deux ans plus tôt.

La réhabilitation n'est pas évidente. Quand bien même un agent de probation est à mes côtés pour m'aider à m'habituer à cette nouvelle vie.

« Je repasserai la semaine prochaine pour voir comment s'est passé votre entretien, m'informe l'homme qui s'occupe de moi depuis ma sortie. »

Je me contente d'hocher la tête avant de le remercier. Je l'accompagne à la porte, le salue et referme derrière lui. Je la verrouille. J'ai un entretien d'embauche dans deux jours, le poste ? Plongeur dans une petite cantine familiale, dans le quartier voisin. Ça ne sera pas bien différent que ce que je faisais là-bas.

Je me retourne et fait face à ce nouvel espace auquel je dois m'adapter. Ce semblant d'appartement fait partie des dédommagements auxquels j'ai eu droit après ma libération.

La moindre des choses peut-on penser.

C'est petit. Mais tout de même bien plus grand qu'une cellule. Les murs sont blancs, les comptoirs de la cuisine quant à eux sont bruns. C'est rustique. Loin de moi de faire le difficile, mais on ne va pas se mentir, ce n'est pas l'appartement que l'on choisirait si on avait le choix.

Les quelques meubles entreposés ne sont pas neufs non plus. De ce que j'ai cru comprendre, c'est un appartement qui sert de tremplin pour les personnes sous liberté conditionnelle. Tout ce qu'il faut pour se remettre sur pied selon eux.

Il y a une cuisine, petite mais fonctionnelle, un canapé en tissu gris devant un poste de télévision. Je ne pensais pas que ça existait encore des postes de ce genre. Même là-bas, les écrans étaient plus récents. Il y a aussi une petite chambre, pas très grande mais suffisamment pour y avoir un lit double et une commode pour y mettre le peu d'affaires que j'ai. Je n'ai rempli qu'un tiroir, à peine.

Et pour finir, une salle de bain. Il y a une baignoire. Un luxe que je ne pensais jamais revoir de mon vivant. Et le détail qui fait pour moi toute la différence et qui me conforte dans le fait que cette partie de ma vie appartient bien au passé : des portes.

Ça peut paraître dérisoire, mais les portes ont une importance que l'on néglige trop dans notre société. Cette porte synonyme d'intimité. Définitivement, je suis plein de gratitude d'avoir de nouveau cette chance. Quand bien même je ne me sens pas en sécurité la porte fermée, savoir que j'y ai droit, c'est une différence plus que notable.

Après le départ de l'agent de probation, je me retrouve seul, encore. Mais je n'ai jamais attendu aussi impatiemment une journée. Même l'annonce de ma libération prend la deuxième place.

Je revois ma fille.

C'est Pascale et Michael, ses grands-parents qui l'ont gardée pendant mon absence. Sa mère, mon ex-fiancée a déserté, littéralement. Elle est tombée gravement malade quelques temps avant la grossesse. Elle s'en est remise telle une championne après la naissance. C'est une victoire que nous avons fêtée tous les trois. Une page qui se tourne et qu'on écrit ensemble.

Mais un an et demi après, elle m'a avoué ne pas y arriver. Avoir frôlé la mort l'a fait réaliser que ce n'était pas de cette vie qu'elle voulait. Elle n'avait jamais voulu être mère si jeune, et elle ne voulait pas continuer. Elle a donc tout quitté, vendu ses affaires et est partie dans un autre pays pour vivre la vie qu'elle aurait pu rater si elle n'avait pas vaincu ce fichu cancer. Jade n'avait même pas deux ans. Et très rapidement après avoir perdu sa mère, son père a suivi le même chemin.

Elle ne s'en souvient probablement pas, et tant mieux, mais elle doit ressentir que quelque chose n'est pas comme ça devrait l'être. Elle n'a pas deux parents qui s'aiment et qui vont la chercher à la garderie. Et malheureusement ses grands-parents ne sont pas mieux que ses parents. De braves gens, des personnes pleines de bonne volonté mais qui n'ont plus aucune stabilité. J'ai d'ailleurs appris qu'ils ont failli perdre la garde de Jade plusieurs fois. Le départ de leur fille, et avant tout cela, les longs mois de combat contre la maladie, les aller-retours à l'hôpital, les frayeurs de la perde, rien ne les a aidé à garder la tête hors de l'eau. Seule notre fille semblait être la lumière dans la vie des membres de la famille, dans ma vie.

Je m'en suis tellement voulu, je m'en veux encore, de ne pas avoir pu la protéger comme je me l'étais promis. Je n'ai pas été là à ses premiers pas, ses premiers mots, sa première rentrée à l'école. J'ai tant manqué et je ne pourrais jamais rattraper ce temps perdu.

Mais aujourd'hui, j'ai le droit à une deuxième chance. Un nouveau départ. Pas celui que j'aurais imaginé mais je le prends.

Mes anciens beaux-parents commencent à prendre de l'âge, et même s'ils n'ont jamais réellement douté de mon innocence, leurs visites se faisaient de plus en plus rares. Alors la première chose que j'ai faite en sortant de ce trou dans lequel on m'avait envoyé, c'est les appeler pour leur dire qu'enfin j'allais pouvoir récupérer Jade.

Ma relation avec eux n'est pas la parfaite relation beaux-parents/ beau-fils qu'on espère, mais ils n'ont jamais été réellement contre moi. Ils m'en ont voulu lorsque leur fille a décidé de partir, selon Pascale c'était de ma faute. Après tout, je l'avais mise enceinte, j'étais responsable. C'était son discours.

Ils ont accepté de me rendre Jade, ils sont fatigués et pensent qu'il est temps pour eux de prendre leur retraite et d'essayer de vivre pour eux. Je les comprends. Je dois rencontrer Michael et Pascale à la gare centrale de New-York. C'est le point de rencontre le plus simple pour nous trois.

Une casquette sur la tête, j'attends dans le hall de cette immense gare. Je reste proche d'un mur, je n'ai plus l'habitude d'être entouré d'autant de monde. Je n'aime pas ça. J'observe chaque personne passant trop proche de moi. Mon coeur s'emballe, j'esquisse quelques regards. Mon visage s'est retrouvé sur plusieurs journaux Le jeune homme condamné pour le meurtre de Clara Johnson a été reconnu non-coupable après deux ans derrière les barreaux. Cette nouvelle a fait couler de l'encre. Mais je sens, je sais, que même si j'ai été innocenté, les regards qui me sont adressés ne sont pas remplis de compassion.

Je ferme les yeux, prends une grande inspiration pour calmer l'anxiété qui se pointe doucement. Je reprends mon calme du mieux possible et me concentre sur les allées et venues des bouches de métro.

C'est eux, c'est elle. Ils arrivent. Je reconnais mon ancien beau-père, il n'a pas changé. Nous avons convenu que je les attende dans le hall. Je me sens à la fois impatient et nerveux. Deux ans, la dernière fois que j'ai pris ma fille dans mes bras c'était il y a deux ans.

J'attends. Je regarde chaque personne qui passe. De loin, je reconnais mes anciens beaux-parents et je baisse les yeux pour tomber sur une petite tête blonde. Un sourire étire mes lèvres alors que je m'avance un peu puis m'abaisse vers cette demoiselle qui marche en sautillant.

Ses grands yeux bleus tombent sur moi et son sourire, d'abord timide se transforme en rire qui vient réchauffer mon coeur. Elle court vers moi, ses petits bras tendus.

« Papa papa ! »

My unfairness' shadowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant