Chapitre deux

426 46 15
                                    

Ashton

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

Ashton

Enfin.

Enfin je l'ai dans mes bras. J'ai attendu ce moment si longtemps que je ne réalise pas qu'il est bien réel.

Je glisse mes mains sur ses petites joues et la dévisage pendant de longues secondes. Elle est belle, un visage si angélique. Elle ressemble tant à sa mère. Ses petites mains viennent se déposer sur mes poignets, son regard ancré dans le mien. À cet instant, je sais qu'elle comprend.

« Et si on rentrait à la maison maintenant ?, réussis-je à lui dire doucement. »

J'ai tellement peur de la brusquer, de l'offenser, qu'elle ne veuille pas venir avec moi. Cependant, c'est son grand sourire qui vient effacer ces pensées intrusives, acquiesçant à ma demande.

Je me redresse, aussitôt elle attrape mon petit doigt ce qui m'arrache un sourire. Je le sens, cette nouvelle vie commence pour de vrai. Je regarde mes anciens beaux-parents que j'avais ignorés pendant un instant, et leur souris, les remerciant silencieusement pour tout ce qu'ils ont fait.

« Voici ses affaires, m'informe Michael tendant une petite valise.

— Merci beaucoup, commencé-je, pour tout. »

Ils hochent la tête simultanément en m'offrant un sourire. Je tends ma main vers cet homme qui m'a accueilli des années auparavant comme son propre fils. Dans une poignée de mains ferme, on se comprend, on n'a jamais eu besoin de se parler pour vraiment communiquer. Avant le départ de leur fille, nous avions une bonne relation lui et moi. Avec le temps, la maladie, l'accusation, la distance, elle s'est détériorée mais j'éprouverai toujours un grand respect pour cet homme. Toujours.

J'ai tenu à leur donner un partie des indemnisations que j'ai touchées. Ils ont beaucoup fait, ils ont pris soin du mieux qu'ils pouvaient de ma fille et ça compte énormément pour moi. C'était la moindre des choses que de leur donner ce chèque, pas très élevé malheureusement, mais qui j'espère suffira pour leur permettre à eux aussi, de reprendre le chemin de leur vie.

Après des embrassades avec leur petite-fille, Pascale et Michael s'en vont, retournant à Staten Island. Quant à nous, j'abaisse le regard vers ma merveilleuse enfant, elle me regarde toujours avec son sourire. Je suis surpris de la voir si rayonnante avec les étapes difficiles qu'elle a dû traverser malgré son jeune âge. Elle ne respire que joie et volonté de vivre. J'ai beaucoup à apprendre de ma fille, c'est certain.

Une bonne heure après avoir quittés la gare, je termine d'entreposer ses vêtements dans le second tiroir de la commode en bois, légèrement écorchée au niveau des coins. En arrivant dans l'appartement, Jade s'est accrochée à ma jambe pendant de longues secondes, observant la pièce centrale. Je lui ai laissé le temps dont elle avait besoin pour s'adapter et que le processus se fasse dans sa tête. C'est un gros changement pour une enfant de cinq ans.

Un biscuit dans la main, je la retrouve assise sur le canapé, les jambes se balançant dans le vide. Elle regarde une émission pour enfants sur le poste de télé. Je m'approche d'elle pour finalement la rejoindre et m'assoir à mon tour.

« Papa ?, me demande-t-elle d'une toute petite voix, les yeux fixés sur les bonhommes animés.

— Oui Jade ?

— J'ai envie d'aller à l'école, avoue la jeune enfant en détournant finalement les yeux vers moi. »

Il y a beaucoup de choses à faire, à préparer pour qu'elle puisse reprendre sa vie là où nous l'avions laissée il y a deux ans. Le transfert dans une autre école en fait partie. Mais en cours d'année ce n'est vraiment pas évident.

« Je travaille dessus ma puce, je suis sûr qu'on aura de bonnes nouvelles avant la fin de la semaine, d'accord ?, lui dis-je pour la rassurer. »

J'ai le droit à un grand sourire alors qu'elle se met debout sur le canapé, les mains sur mes épaules pour garder l'équilibre, elle sautille en rebondissant sur les coussins du divan.

« Papa, papa, papa je veux jouer !, s'exclame Jade amusée. »

Je laisse échapper un rire en attrapant sa petite taille pour la faire tourner dans les airs. J'ai le droit à des éclats de rire qui viennent remplir ce sombre appartement, lui donnant un peu plus de lumière et de vie.

Nous passons finalement le reste de la journée à profiter de nos retrouvailles. Elle a beaucoup d'énergie, mais sa batterie arrive rapidement au bout. Elle s'est endormie. Paisiblement, je l'ai déposée dans le seul lit de la maison, une couverture remontée sur ses épaules. Je l'observe pendant un long moment. Je repense à ma vie, avant ces deux dernières années. Même si nous étions que tous les deux, nous arrivions à être heureux. Nous riions, beaucoup, tout le temps. J'espère que nos journées ressembleront toutes à celles que nous avons connues auparavant.

La journée s'achève tandis que je termine de ranger, d'arranger tout cet espace. Je laisse un long soupir s'échapper d'entre mes lèvres tout en tombant sur le canapé. Il faut que je trouve une école avec une place disponible pour Jade pour son transfert, si elle va à l'école je n'aurais pas besoin d'engager une gardienne et je pourrais trouver un travail aux horaires scolaires.

Quand on sort de prison, la réhabilitation est difficile. Là-bas, les journées sont rythmées, elles se ressemblent. On nous dit quoi faire, à quelle heure, à quel endroit. Notre libre arbitre est laissé au vestiaire. La vie est à la fois mise sur pause, ou bien en constante répétition. Mais quand on en sort, on se rencontre qu'elle a filé bien plus vite qu'on ne le pense. C'est une des raisons qui fait que beaucoup récidivent, parce que leur sentiment de sécurité, leurs repères, tout est en prison.

Même en ayant été innocenté, et en sachant que ces deux ans ont été injustes, les séquelles de la prison ne m'ont pas épargné. À chaque fois que je passe la porte d'entrée, j'ai l'impression d'être illégal, de ne pas avoir le droit de sortir, de vivre.

L'adaptation prendra du temps, c'est certain.

La première chose que l'on m'a conseillée en sortant, c'est d'acheter un nouveau téléphone, de tout recommencer. C'est ce que j'ai fait. Avec les dédommagements que j'ai reçus, j'ai pu régler mes dettes, obtenir un nouveau numéro, j'ai crée par la suite une nouvelle adresse électronique, je me suis réinscrit pour les aides sociales. Toutes ces étapes que j'ai suivies à mon émancipation, je les ai toutes refaites.

C'est ainsi que je suis en mesure de consulter mes emails et de vérifier si ma fille peut obtenir une place dans une des écoles du quartier. Nous sommes au mois d'avril, l'année scolaire est plus proche de la fin que du début mais je ne souhaite pas qu'elle rate plus de jours encore. Surtout dans un nouvel environnement, elle a besoin de se créer de nouveaux liens, se faire de nouveaux amis, j'espère qu'elle y arrivera.

Elle y arrivera.

Je me promets de tout faire pour qu'elle ait ce dont elle a besoin. Rien ne se mettra sur mon chemin pour atteindre cet objectif.

My unfairness' shadowOù les histoires vivent. Découvrez maintenant