J'observe Alex maintenir une pression sur sa plaie. Cali a pris le temps de se remettre de son choc et tend un tissu à notre blessé pour qu'il évite de tacher le mobilier. Je lui en suis reconnaissant. Mon regard est toujours fixé sur la porte par laquelle elle vient de quitter le salon. Je suis impressionné par sa rapidité et la façon dont elle manie son arme. Mes hommes m'avaient parlé de sa façon de combattre, mais je n'y avais pas assisté le soir où nous l'avons emmené. La preuve étant que quatre de mes hommes sont actuellement à l'infirmerie avec des plaies graves... et deux se remettent chez eux. J'entends Alex se racler la gorge et dire :
— Quand tu auras fini de baver, tu pourrais aller lui botter le cul ? Elle a failli m'égorger. Elle a dit vouloir me saigner comme un porc, putain.
Je tourne mon regard vers lui et ne peux m'empêcher de sourire en le voyant aussi retourné alors qu'il n'a presque rien. Après, je peux comprendre, son ego en a pris un coup. Je pense que j'aurais réagi de la même manière. Pourtant je lui dis :
— Tu as joué au p'tit con aussi.
Cali écarquille ses grands yeux vert pâle.
— Attends ? Tu lui trouves des excuses ? Elle est censée être prisonnière et elle a réussi à se procurer une arme... Qui nous dit qu'elle en pas d'autres et qu'elle n'arrivera pas à en trouver encore. Tu l'as laissée seule à peine une heure et elle a trouvé un couteau aiguisé comme jamais.
Mon regard dérive vers ledit couteau. Il est toujours là, ensanglanté, sur le tapis. Je repense à toutes les armes qu'elle avait sur elle quand mes hommes sont venus m'avertir qu'on avait enfin le Nostrarien qu'il nous fallait pour marchander. En la voyant, je me suis demandé pourquoi elle portait tout ça. Ça devait être lourd et dérangeant. Ce n'est qu'en la voyant se débattre et en regardant ses yeux que j'ai compris qu'elle fuyait le palais de notre ennemi. Je ne sais pas ce que ça veut dire, mais je compte bien en savoir plus. Puis l'ennemi de notre ennemi est notre ami...
En voyant mon manque de loquacité, Cali reprend :
— OOOOOOH ! Tu ne serais pas en train de craquer pour elle quand même ?
Cette question me ramène à la réalité. Je lui lance un regard dur pour avoir osé dire une absurdité pareille. Je ne peux pas craquer pour une ennemie même s'il s'avère qu'elle est beaucoup plus intéressante que je le pensais de premier abord. Certes je l'ai trouvé attirante, mais je l'ai prise pour une de ces mondaines de la Nostraria qui ne connaissent rien à la vie et ne comprennent même pas les enjeux de cette guerre. Quand je lui ai dit qu'elle était à une soirée d'exhibitionnistes, elle ne m'a pas détrompé. J'ai essayé de savoir qui elle était pour avoir un avantage sur elle. Si elle m'avait donné son titre directement je l'aurais enlevé sans y mettre plus de formes, mais un garde est arrivé et m'a empêché d'exécuter le plan. En le voyant, j'ai compris qu'elle était importante étant donné qu'elle ne pouvait pas sortir sans chaperon et je me suis senti idiot de l'avoir laissé filer. Quand je l'ai revu dans une tout autre tenue en pleine forêt, j'y ai vu ma chance de rattraper mon erreur. Et la réaction d'Éros face à la disparition d'Hestia n'est que la cerise sur le gâteau, il est clair que le mieux aurait été de récupérer la reine Aya, mais elle est impossible à approcher. Cali continuer de parler :
— Tu penses qu'elle dit la vérité et qu'elle n'est pas la fiancée du prince ?
— Elle ne porte pas de bague.
— Enfin si elle a fui le palais comme tu le penses elle a dû la retirer... Je l'aurais jeté aux orties à sa place.
Alex prend la parole à son tour :
— S'ils avaient été fiancés, notre espion préféré nous aurait informés et tous les autres aussi. Il était encore fiancé à une autre il y a une semaine...
Je pointe un doigt vers mon ami pour lui donner raison. Ce qu'il dit est plus que juste. Pourtant il y a quelque chose qui ne colle pas. Pourquoi Éros a-t-il mis fin à ses fiançailles ? Et pourquoi se jette-t-il dans la recherche d'Hestia corps et âme ? D'après nos informateurs, il sillonne son pays pour la retrouver en faisant appel à tous les oracles et voyants de Nostraria. La mention de notre espion préféré me rend nostalgique. J'aimerais que notre frère soit avec nous, mais il a décidé de se sacrifier à notre place...
— Il nous donnera peut-être plus d'informations sur elle. Essaie de te renseigner, Alex. De mon côté, je vais devoir parler à Ignace de ce qu'on va faire d'Hestia. Je pense qu'on devrait l'utiliser pour faire enrager le prince, comme monnaie d'échange contre la reine Aya et accessoirement mettre fin à la guerre. Ignace n'est pas d'accord, il veut qu'elle rejoigne nos rangs, je crois qu'il la prend pour la réalisation de sa prophétie...
Cali me regarde avec dédain et me répond comme si je n'étais pas son supérieur :
— Mais tu es complètement con. Tu crois que le prince donnerait sa mère contre une meuf ? Tssss.
Alex renchérit :
— Ignace vit dans un monde utopique à croire que cette sauvageonne va nous aider et qu'elle réalisera la prophétie. Une prophétie aussi vieille que nous soit dit en passant.
Cali me dévisage en hochant la tête. Je déteste quand ils se mettent à deux contre moi. Mais ils n'ont pas tort. Si nous voulons Aya, ce sera uniquement par la force, mais je ne pense pas que faire changer de camp à Hestia soit totalement impossible. C'est pourquoi je me permets :
— Si elle a vraiment essayé de s'enfuir, c'est qu'elle a vu quelque chose qui lui déplaisait là-bas. Peut-être qu'en lui expliquant notre version de l'histoire, elle pourrait se ranger de notre côté. Après tout, elle a uniquement la version des Nostrariens.
Les deux amis acquiescent. Je vois Alex hocher lentement la tête, après un léger sourire il mime une régurgitation et me dit :
— Tu vas devoir jouer la carte séducteur.
Je n'aurais pas dit ça comme ça, mais dans le fond c'est exact. Je dois essayer de la convaincre que nous ne sommes pas le mal incarné et donc être le plus aimable possible jusqu'à ce qu'elle puisse rencontrer Ignace et avoir sa version des faits. ALex stoppe son manège et lève les sourcils comme quand il me propose d'aller parler a une femme dans un bar. Cali lève les yeux au ciel en voyant Alex qui lève la main pour que je lui fasse un tope là.. Je le regarde et secoue la tête à la négative. Il baise la main en faisant la moue. Je m'apprête à les quitter, mais leur annonce :
— Avant de lancer une mission séduction, je vais quand même aller vérifier qu'elle ne porte pas d'autres armes et m'assurer qu'elle retrouve sa chambre.
En sortant de la pièce, j'entends Alex me lancer un « Champiooooon ! ». J'entends également un « mais quel gentleman » venant de Cali. Ils continuent de me charrier en hurlant jusqu'à ce que je ne les entende plus du tout.
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Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre monde
FantasyAttention, ceci est le tome 2 du Joyau de Nostraria. Hestia, ayant fui le palais de Nostraria, se retrouve confrontée à des soldats Edryens. Entre méfiance et désir de liberté, elle doit décider en qui placer sa confiance. Pendant ce temps, Éros po...