La reine nous honore enfin de sa présence. À son arrivée, je la trouve encore plus belle que la dernière fois. Ses cheveux sont lâchés et elle porte une couronne faite de feuille de lierre en or. Elle revêt une robe dorée dont la traîne vole derrière elle. Quatre gardes l'accompagnent et se placent aux extrémités de la pièce. Tous les convives se placent autour de la table quand elle fait son entrée. Isaac en bout de table en face de la place de sa mère, Heikas et Amalia sont à ses côtés tandis qu'Ayden et moi nous plaçons l'un en face de l'autre au milieu de cette table démesurée. La reine vient enfin se placer devant son siège qui a été tiré par un Fae de classe inférieure, je dirais que c'est un gobelin même s'il ressemble quelque peu à un lutin. Physiquement, ce sont deux espèces qui se ressemblent même si je dois avouer que les gobelins sont plus vilains. Tous les convives se baissent pour faire une révérence à la reine des Faes. Elle prend la parole en s'asseyant :
— Vous pouvez vous asseoir.
Nous nous exécutons comme un seul homme. La reine regarde Ayden puis s'adresse à moi :
— Vous avez préféré suivre le conseil de mon fils.
Ayden me dévisage sans comprendre de quoi elle parle. Je l'ignore et préfère répondre à la reine :
— J'ai fait ce choix sans l'aide d'un tiers.
Elle regarde son assiette distraite avant de faire un geste de la main vers le gobelin non loin. Celui-ci se met en branle et des dizaines d'autres gobelins entrent dans la pièce, les bras chargeaient de plats et les disposent sur la table.
— J'ai cru comprendre que vous souhaitiez de la nourriture humaine, la voici.
— Je vous remercie.
Je regarde Heikas qui me lance un regard complice, je suis contente qu'il m'ait écoutée. Les gobelins disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus non sans nous avoir servi d'énormes portions.
— Vous devriez manger.
La reine patiente jusqu'à ce que l'un de nous suive son ordre. J'observe mon assiette un long moment avant de me décider à prendre une bouchée. Même si elle m'assure que c'est de la nourriture humaine, je ne peux m'empêcher d'anticiper un empoisonnement comme la dernière fois. Après avoir mis une première bouchée dans ma bouche, je ne ressens aucun effet. Je me sens bien, je me sens même parfaitement bien, ce plat est délicieux, c'est un poulet rôti cuit à la perfection. Après cette première bouchée, les autres convives se mettent en branle et mangent à leurs tours. J'ai l'impression qu'une atmosphère de tension s'était instaurée et qu'elle vient de s'envoler. Les fils et la fille de la reine des Faes badinent et parlent de choses et d'autres, du peuple, de la beauté de la forêt l'été et de bien d'autres choses. Je n'arrive pas à parler avec ces gens. La seule pensée qui me vient en boucle c'est de comprendre pourquoi je suis là. Ayden a l'air beaucoup plus à l'aise que moi. En le regardant, je me dis qu'il ferait un dirigeant parfait, il sait se battre, il sait également utiliser ses aptitudes, il arrive à parler en société et à s'intégrer et il est le second du roi, ce qui fait de lui un stratège. Je ne comprends pas ce que le roi Ignace peut me trouver. Qu'a-t-il vu en moi que je ne vois pas ?
Je commence à m'impatienter, la reine profite de son repas et observe ses enfants ainsi qu'Ayden en grande discussion, elle dit un mot de temps en temps. J'ai envie de comprendre. J'aimerais hurler « mais qu'est-ce qu'on fait là ? ». Pourtant je me retiens. Au bout d'un moment, je n'en peux plus.
— Pourquoi nous avoir fait venir ?
Cette question est sortie de nulle part. Un blanc fait suite à cette demande. La reine tourne son regard vers moi et sourit.
— J'ai cru que vous ne demanderiez jamais.
Elle s'est encore jouée de moi, elle attendait que je m'échauffe. Mon énervement l'amuse. Je suis bouche bée. Ayden nous observe l'une après l'autre sans en dire plus. La reine commence enfin à s'expliquer.
— Je vous ai fait venir pour une raison précise. Hestia, nous pensions avoir le temps, mais ce n'est pas le cas...
Le temps de quoi ? Comme d'habitude, j'ai l'impression qu'elle s'exprime en énigmes.
— ...vous allez devoir me prouver que vous êtes digne des dons qui vous ont été offerts...
Je dois prouver que je mérite ses dons...Dons que je ne désirais même pas.
— ...vous allez devoir retrouver un artefact.
— Pourquoi est-ce que je devrais faire ça ? Je n'ai jamais demandé à ce que vous me bénissiez.
Elle ferme les yeux et fait un geste en direction de ses enfants. Je sais que ma provocation l'agace, mais je ne suis pas une marionnette, elle ne peut pas me demander de récupérer ce qu'elle veut quand elle veut sans plus d'explications. Isaac prend la parole :
— C'est dans votre intérêt plus que dans le nôtre.
— C'est-à-dire ? Se permet Ayden.
La reine reprend alors que ses yeux violets virent au pastel.
— C'est bientôt la fin, je l'ai vu... Hestia c'est votre destin. La chasse sauvage est arrivée sur nos terres et elle se déplace vers les vôtres. Elle est annonciatrice de malheur. Elle n'était pas revenue depuis la nuit des temps. Sa venue n'est que de mauvais augure tout comme les créatures qu'elles réveillent.
Je repense aux livres d'histoires que j'ai lus étant petite. J'ai toujours cru que la chasse sauvage n'était qu'un mythe. Les écrits disent que c'est un cortège de morts, de faes à l'aspect fantomatique qui chevaucheraient des bêtes noires et accompagnées de centaines de chiens. La chasse se passe généralement la nuit et elle est toujours accompagnée de bruits fracassants, de tonnerre, de cris des chiens et de cris des défunts. Leur venue est un mauvais présage, elle annonce un grand malheur. Ça pourrait être une guerre, une catastrophe naturelle ou même la fin de notre monde. La reine continue :
— ... Des faes les ont déjà aperçus ou entendus ces derniers jours. Ils sont là pour nous prévenir. Il faut empêcher le mal de prendre le dessus.
Ses yeux reprennent leurs teintes violet foncé. Elle me regarde.
— Hestia cet artefact prouvera que vous êtes dignes des dons que nous vous avons octroyés, mais il vous aidera à les contrôler. Nous pensions avoir le temps, mais le futur n'est jamais fixe et la prophétie se réalise plus tôt que je ne m'y attendais.
Je l'observe sans vraiment être sûre de ce qu'elle me demande...
— Vous souhaitez que j'aille chercher un artefact pour gérer mes dons afin de quoi ? Sauver le monde ?
En le disant à voix haute ça me parait encore plus invraisemblable, je suis sur le point de rire, mais j'observe tous les convives qui ont la mine grave. Ayden m'observe les yeux écarquillés. La reine hoche doucement la tête. Je ne peux m'empêcher de demander sur le ton de la plaisanterie pour essayer de désamorcer la tension qui ne fait que croître dans cette pièce.
— Et quand aura-t-il lieu ce grand malheur ?
— Je n'en suis pas sûre, d'ici quelques mois, peut-être quelques années maximums.
Cette réponse est beaucoup trop sérieuse et m'angoisse quelque peu. Une boule commence à se former dans le creux de mon ventre.
— Et est-ce que je peux savoir ce que je dois empêcher ?
Elle ne répond pas, je me tourne vers Heikas, il pince les lèvres tout comme Isaac, même Amalia a l'air mal à l'aise. Personne ne répond, je dois donc me contenter des quelques informations que je viens de récolter.
— Est-ce que je peux au moins savoir où est cet artefact et à quoi il ressemble ?
La reine répond tout de même à cette question :
— Il se trouve au sud de la forêt, près de la côte, sous la montagne du dragon.
Je fronce les sourcils. Je repense à ce qu'Éros m'avait confié. Les dragons ne sont plus que des petits lézards ailés chétifs qui sont en train de s'éteindre. C'est la seule information qui me rassure dans tout ce pêle-mêle de nouvelles horribles.
VOUS LISEZ
Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre monde
FantasyAttention, ceci est le tome 2 du Joyau de Nostraria. Hestia, ayant fui le palais de Nostraria, se retrouve confrontée à des soldats Edryens. Entre méfiance et désir de liberté, elle doit décider en qui placer sa confiance. Pendant ce temps, Éros po...