Chapitre 21

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Je commence à m'habituer aux portails. Quand on sait où l'on va, c'est assez facile d'utilisation. Il suffit de visualiser le territoire sur lequel on veut se rendre comme sur une carte et l'on y arrive. Nous nous tenons la main avec Ayden pour être sûrs d'arriver au même endroit. Il y a plus de portails dans la forêt d'Ocaranost que dans le reste des terres.

Nous arrivons dans une grotte lumineuse et si haute des quelques arbres y poussent. D'ailleurs en me retournant je remarque que le portail est un énorme cercle bleu lumineux incorporé dans un tronc qui doit être centenaire. Trois énormes marches faites de pierres descendent vers l'entrée de la grotte. Je demande à Ayden :

— Comment est-ce qu'on va retrouver ce portail pour rentrer ?

— J'espère que la reine des Faes nous laissera utiliser le sien... Il désigne l'intérieur de son bras gauche et appuie légèrement sur l'un des sigils... Mais j'ai plus d'un tour dans mon sac. C'est un sigil qui permet de déceler les concentrations de magie Faes quand je les cherche.

— Tu savais donc que j'avais des dons Faes ?

— Non, il faut que je cherche et je n'ai pas pensé à le faire en ta présence. Je n'avais pas de raison de le faire.

Je hoche la tête distraite. Je repense à la proposition d'Ignace. Les mots coulent tout seuls de ma bouche :

— Pourquoi tu ne veux pas devenir le prochain roi d'Edryae ?

Il est surpris par ma question. Je vois bien que je le prends de court.

— Eh bien, je n'en ai pas envie. Ce n'est pas un rôle fait pour moi.

— Mais pour moi non plus.

Il pince les lèvres avant de me faire un sourire penaud. Dans cette grotte humide et lumineuse qui paraît féérique, ses yeux gris ressortent et ses cheveux paraissent noirs. J'ai l'impression de le voir sous un nouvel angle. Il est mignon. Non, il n'est pas mignon, il est beau. Je fronce les sourcils et poursuis la conversation pour penser à autre chose.

— On dirait qu'Ignace mise sur les mauvais chevaux.

— Au contraire, il choisit des personnes qui ne sont pas vénales et si nous acceptons le poste ce ne sera pas pour le pouvoir ni les richesses, mais pour le bien d'un peuple.

Cette réflexion est juste et c'est ce qui m'énerve. Je préfère mettre fin à cette conversation en avançant vers l'entrée de la grotte d'un pas déterminé. Je sors et la lumière m'aveugle deux secondes, je sens le vent fouetter mon visage et je me stoppe brusquement. Ma vision s'adapte et je suis choquée par la vue qui se présente à moi. Je suis au pied d'une falaise à pic. Je regarde en bas, c'est vertigineux. J'aurais pu tomber et ne jamais me relever. Ayden me tire vers l'intérieur de la grotte par le bras. Il a les yeux écarquillés, j'ai l'impression qu'il a eu plus peur que moi. Je ne sais pas si c'est pour évacuer la pression qui a envahi mon corps, mais en voyant sa tête je me mets à rire. Ses sourcils se rejoignent et il ouvre la bouche face à ma réaction, je ris de plus belle.

— Putain, Hestia, tu aurais pu mourir et ça te fait rire.

J'en ai les larmes aux yeux, sa réaction est épique.

— Je te jure que si tu meurs pour un truc aussi débile que de te jeter d'une falaise au cours de notre voyage, je fais en sorte de te ressusciter pour t'étrangler. Et si tu continues de rire, je vais devoir t'étrangler plus vite que prévu.

J'essaie d'arrêter de rire. Je ferme la bouche, pince les lèvres, mais mon rire essaie de sortir. Je ferme les yeux pour essayer de me calmer sans succès, je rouvre les yeux et je remarque un léger sourire en coin de la part du jeune homme. Il tente de retenir également de rire. C'en est trop pour moi et j'explose à nouveau suivi d'Ayden.

Petit à petit, nous nous calmons réellement et je me rends compte que nous sommes vraiment proches l'un de l'autre. Le regard d'Ayden devient plus profond et il dit :

— Ne refais plus jamais ça, s'il te plait.

Mon cœur se serre face à l'émotion qu'il insuffle à ses mots. Je m'écarte lentement de lui en faisant comme si je n'avais rien remarqué.

— Nous devons trouver une autre sortie, moins dangereuse.

Il reste une seconde de trop bloquée dans la position dans laquelle je l'ai laissée. J'observe les murs autour de nous comme si je n'avais pas senti une légère étincelle entre nous. J'évite de le regarder, mais je l'entends tout de même souffler légèrement. Je retourne vers l'à-pic plus prudemment pour observer les alentours. Nous nous trouvons à une hauteur vertigineuse. Sur la droite, il y a une chaîne de montagnes, mais face à moi et sur la gauche je ne vois que de la forêt et à perte de vue. Aucun château Fae en vue, j'avais nourri l'espoir de l'apercevoir au loin alors que je sais pertinemment qu'il est caché par la magie Fae. J'essaie de me creuser l'esprit afin de contacter la reine. Le souci c'est que ça fait 4 jours qu'on y réfléchit sans succès, Naéilya était notre seule chance de contacter le peuple des Faes. J'extériorise ma frustration :

— Comment est-ce qu'on va retrouver le peuple des Faes dans cette immensité ? On pourrait marcher des jours durant sans jamais les trouver. Est-ce qu'il ne serait pas plus judicieux de prendre à nouveau le portail et que je pense au palais Fae ? Peut-être qu'il nous déposera au portail le plus près.

— Ce n'est pas déjà ce que tu as fait ?

— Siiiiii.

C'est une longue plainte. Je poursuis :

— Pourquoi la reine nous aurait conviés pour au final nous abandonner dans cette maudite forêt.

— Elle est enchantée plus que maudite.

Il se rapproche et se place à ma droite pour observer l'horizon.

— Ne joue pas sur les mots, tu m'as comprise...

Il ne répond rien. Nous restons là, à observer la végétation sans savoir comment la rejoindre un long moment. Quand je trouve enfin la motivation pour réaliser cette recherche ardue, j'entends quelque chose derrière nous.

Instantanément, je me mets sur le qui-vive. Je me retourne l'épée déjà en main. Ayden a été tout aussi rapide que moi, son arc est tendu et une flèche est encochée. Je regarde l'intérieur de la grotte sans rien voir. Je détaille chaque aspérité du mur, du sol, du plafond, les arbres qui évoluent dans cette pièce sombre. Et mon regard vient finalement se poser sur le portail. C'est là que je comprends ce qui a émis un bruit. Le portail a l'air d'onduler et forme des minuscules vagues qui viennent s'écraser sur les pourtours. Je distingue une forme humaine, puis une seconde et une dernière à travers la surface. Après des secondes qui me paraissent interminables, la première silhouette sort enfin de la porte.

Le regard noisette que je rencontre et le sourire lumineux qui se dessine sur le visage du nouveau venu me comblent de joie. Les deux autres silhouettes passent le portail à leur tour et nous sommes 5 dans cette grotte humide. La silhouette en tête de cortège annonce :

— Hestia, toujours aussi belle en guerrière !

Je rengaine mon épée et me détends. Je lance un regard à Ayden, il a l'air totalement perdu. Il me dévisage avant de s'attarder sur l'homme qu'il ne connaît pas. Il me chuchote :

— Tu le connais ?

Mon regard revient se porter sur les trois Faes qui nous font face. Je leur souris et je dis :

— Ayden, je te présente Heikas, prince du peuple Fae.


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant