Chapitre 50 - Ayden

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Nous ne pouvons pas passer au travers de cette maudite porte. Elle est seule et le restera... Ce constat fait naître une panique au fond de mon cœur.

Gaspard se jette sur la paroi trouble, mais il rencontre durement la magie de ce lieu. Impossible de la traverser sans que le sort soit rompu. Je frappe comme un forcené, mais mes coups sont absorbés.

J'observe le dos d'Hestia. Elle ne nous lance même pas un regard. Sait-elle à quel point je la trouve courageuse en cet instant ? Elle grimpe quelques marches et tourne autour d'une colonne. Qu'est-ce qu'elle regarde ? Elle lève la main.

Avant que je ne vois la suite de son geste, la paroi devient subitement noire d'encre. C'est à ce moment précis que le prince Éros choisit pour devenir fou. Il me bouscule pour chercher une faille dans la porte en vain. Il commence alors à déchaîner ses aptitudes sur cette dernière qui n'a aucune intention de céder. Finalement, il s'en désintéresse et tourne comme un lion en cage. Son poing rencontre alors violemment le mur d'à côté, visant à contourner la porte. Il détruit la paroi, aidé de ses aptitudes et de ses poings. Quand il réussit finalement à traverser, nous déboulons dans la même grotte, mais vide. La verdure qu'on pouvait distinguer précédemment au travers de la porte est absente et Hestia n'est pas là non plus. J'entends le prince grogner sa frustration.

Un bruit me fait tourner la tête vers le couloir que nous avons quitté. Le prince m'imite. Nos regards rencontrent Gaspard qui vient de hoqueter de surprise en observant la porte. Nous retournons tous deux en face de cette dernière et la vision d'horeur que je rencontre me cloue sur place.

Le noir a fait place à un décor affreux, fait de lave. Hestia se tord de douleur au sol. Elle a l'air de hurler, mais nous n'entendons rien. Je me retiens de défoncer le mur voisin dans un geste similaire à celui d'Éros. Ce dernier expulse la totalité de l'air contenue dans ces poumons avant de lâcher d'un voix sombre :

— Si elle meurt, je tuerais le peuple seelie pour l'avoir entrainé là-dedans.

Son regard meurtrier me convainc de la véracité de ces propos. Finalement, le décor redevient verdure et clarté de la nuit. Le portail cède et nous pénétrons dans la grotte. Des centaines de dragons l'entourent, elle est à la fois effrayante et magnifique.

Elle est incroyable.

Je la regarde avec des yeux énormes. Elle ne fait pas un geste. Son regard balaie l'assemblée. Elle est née pour être reine, tout dans son attitude le prouve.

Mon épaule me fait souffrir. J'ai l'impression qu'une bête ronge mes entrailles. Je reste debout pour ne pas faire paniquer Hestia ou qui que ce soit d'autre. Soudain, des pas précipités arrivent vers nous.

— On l'a trouvé, hurle mon frère.

Un soulagement intense s'empare de moi. Je ne vais pas mourir. Cléo entre dans la grotte en brandissant une fiole. Elle voit Hestia, écarquille les yeux et lâche la fiole. Je la vois tomber au ralenti. J'essaie de me jeter pour qu'elle ne touche pas le sol, mais la douleur ankylose mes membres et je suis gauche. Je tombe au lieu de tendre le bras. La fiole s'explose au sol sous mes yeux. Je roule sur le dos et écrase mes poings sur mes yeux.

Je vais mourir.

Eryk qui la suivait de près demande en hurlant :

— NE ME DIS PAS QUE TU AS FAIT CA !?

Cléo ne répond rien, je suppose que c'est un aveu. Je savais que j'avais une raison de la détester en la rencontrant. Elle ne m'a jamais inspiré confiance. Elle vient de tuer mon espoir de m'en sortir sans l'intervention de Léandre. Je doute de sa bonne foi et de sa parole. Je n'ai aucune confiance en lui et encore moins depuis qu'il se permet d'insulter sa propre sœur. Je retire doucement mes poings de mon visage, tous les yeux sont braqués sur moi, même Hestia a quitté son estrade pour venir jusqu'à nous. Je surprends le sourire de Léandre et je suis persuadé que c'est la fin pour moi. Il doit me rester vingt heures grâce à la jonquille de murmure, mais c'est tout.

Mes yeux se dirigent par automatisme vers la personne qui m'a condamné à ce destin. Cléo. Je crois apercevoir un léger sourire sur son visage, mais ce ne serait pas la première hallucination que le poison m'a provoquée. Je n'ose pas en parler aux autres. J'ai déjà vu des dizaines de créatures aux yeux vides et creux depuis que la flèche m'a transpercé. Parfois je me demande si ce ne sont pas les spectres de créatures fantastiques. Ils m'appellent vers leurs mondes. Un monde froid fait de néant. D'ailleurs en ce moment même un elfe noir aux orbites noirs m'observe, il est à côté de Gaspard. Je souris face à cette situation incongrue. Je pense que si le garde savait qu'un spectre est juste à côté il tremblerait de peur.

— Il délire, je pense.

Hestia a vraiment l'air de s'inquiéter.

— Il y a vraiment un spectre ?

Il ne faut pas que tu t'inquiètes Gaspard, il n'est pas méchant. Mais il m'a entendu ? J'ai parlé à voix haute ? Je ne pense pas.

— Oui, tu parles à voix haute.

La jonquille de murmure c'est nul alors.

— Je pense plutôt que le poison est bien plus fort qu'on ne le pensait.

C'est Léandre... ce petit connard. Oh ! je ne devrais pas le dire s'ils entendent ce que je pense.

— C'est toi le connard.

Roooh, je ne peux plus rien penser.

La douleur devient insoutenable. Je suis incapable de retenir un gémissement. Je me sens comme une merde. Je vais mourir sans pouvoir dire au revoir à Cali, Alex ou Ignace. Non, je ne suis pas prêt. Pourquoi dit-on que la mort est paisible ? C'est tout sauf le cas. Je veux me battre de toutes mes forces. J'ai mal. Je regarde mon bras gauche. Les nervures s'étendent jusqu'à mon poignet maintenant. Elles progressent vite. Entre les tatouages et mes veines devenues noires, la couleur de ma peau ne se verra bientôt plus. Cette pensée me fait encore une fois rire. Une situation si désastreuse ne devrait pas m'amuser. Le visage de Mélya s'impose face à moi. Ses cheveux courts tombent et une mèche effleure ma joue, je l'attrape et la roule autour de mon doigt.

Je l'aime bien, mais je ne comprends pas pourquoi elle m'aime bien.

— Mais tais-toi, grogne-t-elle.

Oh j'ai encore pensé à voix haute. C'est gênant.

— Oui ça l'est.

Cette fois, je me force à réellement parler à voix haute.

— Je vais mourir, à quoi bon être gêné... J'ai vraiment mal.

Je ne vois plus rien. J'entends juste les voix paniquées autour de moi sans savoir de qui elles proviennent.

— Ses yeux se révulsent.

— PUTAIN.

— Tu ne vas pas mourir.

— Bien sûr qu'il va mourir.

— AYDEN, RESTE AVEC MOI.

— Est-ce qu'il respire encore ?

— Cali t'en voudra si tu meurs. Elle te réanimera pour te tuer si tu fais ça, frérot.

La voix d'Eryk me berce même si ces mots ne sont pas une invitation au sommeil. Il m'apaise. J'essaie d'articuler quelque chose.

— Au revoir.

— NON, NON, NON !

Ce sont les derniers mots que j'entends de la voix de mon frère. Il pleure, je crois.


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant