Je cours.
Sans m'arrêter.
Mes poumons sont en feu.
Le manque d'oxygène brouille la périphérie de mon champ de vision, mais je ne m'arrête pas. Il est hors de question que je me retrouve à nouveau prisonnière de ce palais. Rien que de repenser au roi Horos, j'ai envie de vomir. Je me demande si ce n'est pas plutôt lié au manque d'oxygène. Le poids de mes armes me semble bien plus lourd qu'il y a encore une minute. Elles me ralentissent et m'épuisent, mais je ne peux pas m'en délester, ce serait idiot. Je sais que dans quelques minutes les gardes royaux seront lancés à ma poursuite et si par malheur ils me retrouvent je devrais me battre. Je suis prête à faire ce qu'il faut pour garantir ma survie.
Je crois apercevoir une ombre sur ma droite, je tourne la tête en courant, mais je ne vois rien. Je me demande si mon imagination ne me joue pas des tours. Je continue de filer droit devant, comme mon frère me l'a conseillé. Je regarderais cette satanée carte quand je serais sûre d'être assez loin du palais et de ses habitants.
En repensant à ces habitants, l'image d'une tête aux cheveux blancs s'imprime dans mon esprit, mais je décide de refouler ce souvenir. Pourtant il est persistant, je l'imagine me sourire et me demander de rentrer. Je secoue la tête pour effacer cette image.
Une douleur brutale au niveau de ma gorge me saisit. Sans que je m'en rende compte, je sens mon dos frapper violemment le sol. J'étouffe. J'essaie d'aspirer de l'air, mais ma gorge me fait souffrir. Je relève les yeux et aperçois un bras tendu. Je viens de me prendre ce bras en plein dans la glotte. Je comprends mieux la douleur. Je panique. Ils m'ont déjà retrouvé. Comment est-ce possible ? J'ai envie de hurler ma frustration. J'observe rapidement l'homme qui m'a fait chuter. Il sourit de toutes ses dents. Enfin celles qui lui restent du moins. Il me paraît hideux dans la faible lueur des bois. La nuit ne lui rend pas hommage. Il ouvre la bouche pour dire d'une voix caverneuse :
— Alors, on essaie de s'enfuir, petite princesse ?
Je ne comprends pas pourquoi il m'appelle princesse et ne cherche pas plus loin. Je me relève aussi vite que possible et me place en position défensive. Il écarquille les yeux face à mon brusque mouvement et recule d'un pas. Je prends le temps de l'observer à nouveau pour évaluer mon adversaire. Sa tenue me fait tiquer. Il n'est pas vêtu comme un garde royal. Il porte une tenue de camouflage verte et quasi aucune arme, si ce n'est une machette et un couteau placés avec une sangle autour de son torse. Nous nous observons en chien de faïence quand je le vois tourner la tête sans pour autant me quitter du regard. Il hurle :
— JE L'AI. VENEZ !
Quand je l'entends dire ses mots, je panique à nouveau. Je ne sais pas qui il est ni qui il vient de prévenir, mais je ne veux pas en savoir plus. Je réagis au quart de tour en sortant un de mes couteaux. Je lui assène un coup dans l'épaule gauche et le repousse violemment vers le sol, il tombe en hurlant. J'enjambe le corps de mon adversaire d'un saut et trace ma route plus profondément dans la forêt. J'emprunte les chemins créés par les animaux, je sens la végétation me fouetter les chevilles. Mon cœur s'est emballé et il ne s'arrêtera pas de sitôt. Je me concentre sur les bruits qui m'entourent. Je perçois des voix d'hommes dans mon dos, juste où se trouvait mon adversaire. Il a rameuté ses amis et ils ne vont pas tarder à se mettre à ma recherche. Ils savent dans quelle direction je suis partie, l'homme édenté m'a vue, c'est pourquoi je bifurque légèrement vers la gauche, toujours en prenant soin de m'éloigner du palais. J'entends une voix hurler des ordres au loin. Je ne sais pas quoi faire, j'ai peur qu'ils me rattrapent. Je cogite à toute vitesse.
J'aperçois un bosquet qui m'a l'air assez fourni, je me jette dedans et me cache du mieux que je peux. J'essaie de calmer ma respiration et de faire redescendre ma fréquence cardiaque. J'ai l'impression que mes battements de cœur risquent de me faire repérer à des kilomètres à la ronde. J'entends des pas se rapprocher, ma respiration se bloque. Il passe devant moi en courant sans ralentir, je ferme les yeux une demi-seconde. Un soulagement intense s'empare de mon corps.
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Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre monde
FantasyAttention, ceci est le tome 2 du Joyau de Nostraria. Hestia, ayant fui le palais de Nostraria, se retrouve confrontée à des soldats Edryens. Entre méfiance et désir de liberté, elle doit décider en qui placer sa confiance. Pendant ce temps, Éros po...