Chapitre 16 - Éros

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Je suis retourné au bâtiment avec les trois incapables qui m'accompagnaient. Je me dirige droit sur les chevaux ou Léandre et Orso nous attendent déjà. À peine arrivé à sa hauteur, Léandre demande :

— On n'a pas réussi à avoir le roi, son second et le troisième. Et vous ?

Je m'en serais douté étant donné qu'ils sont seuls. Je suis sur le point de lui dire que c'est un échec quand l'un des gardes derrière moi, Gaspard, je crois, répond :

— On a rattrapé les filles... Mais... Hestia... Elle...

Je me retourne rapidement vers lui. C'est celui qu'elle a frappé en pleine tête. Son nez est baigné de sang et commence déjà à boursoufler. J'aimerais appuyer sur la zone sensible juste pour le contempler se tordre de douleur. Mon regard est hargneux et il ferme sa grande gueule qu'il avait gardée ouverte dans l'optique de continuer à baragouiner. Léandre ne se laisse pas démonter :

— Hestia, quoi ?

Je me tourne à nouveau vers mon ami. Sa voix est blême. Il craint le pire et on n'en est pas loin. Je dois tirer une tête de six pieds de long. Je ne sais pas comment lui expliquer ce que je viens d'apprendre. J'hésite trop longtemps, il demande à Gaspard en montrant son nez :

— Comment tu t'es fait ça ?

Il ne répond pas, je lui indique de la main qu'il peut parler. Il ne perd pas une seconde :

— C'est Hestia. Elle m'a éclaté le nez.

— Quoi ? Mais pourquoi ? Demande-t-il en s'adressant avec moi.

— Je ne sais pas, demande-lui. L'irritation se fait sentir dans mes remarques. Ah non, on ne peut pas parce qu'elle est partie de son plein gré avec l'ennemi.

— Elle est... Oh.

C'est la réponse la plus éloquente qu'il peut me trouver. Orso reste en retrait, il sait qu'il n'est pas bon de m'énerver plus que je ne lui suis déjà. Je repense à la scène que je viens de vivre. Elle se rapproche de moi, j'ai l'impression que je l'ai enfin retrouvé. J'en ai même la certitude à cet instant précis. Elle m'avoue enfin ses sentiments, des sentiments que je ne pensais pas réciproques. Nous nous embrassons passionnément, je l'avais retrouvée, mais elle s'est reculée en mettant de la distance entre nous. Je la regarde encore me dire qu'elle est terriblement désolée. Je vois une larme dévaler son magnifique visage, j'ai envie de l'essuyer et de la prendre dans mes bras, mais à la place elle me dit que la cause que défend mon ennemi est juste... Et elle court en direction de cette fille pour exploser le nez d'un de mes gardes. Je n'ai pas pris la peine de la retenir. Je ne veux pas être son bourreau. J'ai déjà appris qu'elle se sentait prisonnière lorsqu'elle était au palais, je ne pouvais pas l'enfermer à nouveau. Mais rester planté là à la regarder me filer entre les doigts une seconde fois m'a détruit. Mon cœur se retourne. Je ne sais pas quoi faire. Orso le remarque et me dit :

— Vous n'avez pas l'air bien.

C'est le moins que l'on puisse dire, mais je ne vais pas avouer une faiblesse à mes hommes. Léandre me dévisage toujours. Je l'avais presque oublié.

— Elle a fait quoi ? Elle est partie avec ses chiens ? Mais ils lui avaient mis un couteau sous la gorge. Pourquoi a-t-elle fait ça ?

Un garde à côté de Gaspard intervient. Je ne me rappelle plus du nom de celui-ci.

— Elle n'avait pas l'air prisonnière du tout. Aucune menotte au poignet et elle était armée.

J'essaie de la visualiser à nouveau. Maintenant qu'il le fait remarquer, c'est vrai qu'elle portait sa ceinture avec 3 poignards et son épée. Je suis tellement habitué à la voir porter ça que je n'y ai même pas fait attention. J'ai l'impression que quand il s'agit d'elle je suis incapable de réfléchir correctement.

— Qu'est-ce qu'on peut faire ? Demande Léandre.

Je réfléchis à la marche à suivre. Une pointe de regret vient me piquer le cœur. Aurais-je dû la rattraper ? L'empêcher de partir ? Lui faire entendre raison ? Je l'ai vu il y a moins d'une heure, mais elle me manque déjà. Je suis incapable de vivre sans elle. Elle rayonne comme personne. Je repense à notre premier baiser et à la façon dont je l'ai repoussé alors que je savais déjà qu'elle m'était destinée. Je ne pouvais pas accepter ce destin en sachant que j'étais fiancé à Anna. Est-ce qu'elle s'est sentie trahie comme je le suis actuellement ? Est-ce qu'elle a eu le cœur brisé ? Par la suite, elle m'a également repoussé pourtant je me souviens de ce que je lui avais dit. Je peux comprendre que tu ne sois pas prête, mais je suis prêt à attendre et je ne laisserais pas tomber. Je ne te laisserais pas tomber.

Et je le pense toujours, je ne la laisserais pas tomber. Elle est mon avenir. Le seul que je peux envisager. Je suis prêt à la suivre jusqu'au bout du monde s'il le faut, a abandonné mon titre. Pourtant, une question se pose encore. Suis-je capable de la rejoindre alors qu'elle a rejoint le camp d'ennemis qu'on m'a appris à détester toute ma vie ? Ils n'ont pas arrêté de nous vouloir du mal depuis des années et pourtant la femme que j'aime pense que leur cause est juste. Plus juste que la mienne.

— Général ?

C'est la voix de Gaspard qui devient de plus en plus nasillarde à cause de son coup. Je me retourne violemment vers lui :

— QUOI ?

Il paraît terrorisé. J'écarquille les yeux en secouant la tête pour le faire parler.

— Vous aviez l'air... Ailleurs. Mais nous avons reçu une missive du peuple Faes.

Je hausse les sourcils pour qu'il poursuivre. Il s'exécute :

— Ils veulent vous voir incessamment sous peu.

Je ferme les yeux et expire. Que peut me vouloir la reine des Faes qui avait l'air tellement réticente à l'idée que nous soyons séparées Hestia et moi ? Elle va être ravie de constater que ses recommandations n'ont rien changé à cette finalité.


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant