Chapitre 36 - Éros

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J'observe le pauvre elfe qu'Hestia a décidé d'épargner, son bras a l'air de le faire souffrir. Nous aurions mieux fait d'abréger ses souffrances. Il ne nous servira à rien. Je suis furieux qu'elle ait décidé de partir chasser avec cette raclure d'Ayden, j'aurais voulu lui parler seul à seul. Cette colère qui enfle en moi me donne une envie supplémentaire de tordre le cou de cet elfe. Ça pourrait vexer Hestia, mais me procurer une petite satisfaction, pourtant je suis incapable d'aller à l'encontre de ce qu'elle dit. Suis-je vraiment devenu faible à ce point ? Heureusement que mon père n'est pas là pour constater la catastrophe, il aurait déjà tué cet elfe depuis longtemps et il me tuerait sans doute pour la faiblesse dont je fais preuve. Le connaissant, il préférait tenter d'avoir un nouvel héritier plutôt que d'accepter que son fils se laisse dominer par des sentiments amoureux. Je pense qu'il n'en a jamais ressenti et sûrement pas pour ma mère.

Je sais pertinemment que le tumulte d'émotions que je ressens ne peut pas se lire sur mon visage, j'ai été entraîné à ne rien ressentir ou du moins à garder cette partie de moi enfouie au plus profond de mon être. J'ai tout du comportement extérieur d'un prince héritier, je suis froid et hautain à souhait, je joue le jeu depuis si longtemps que j'arrive à penser que c'est ce que je suis au final. Certain jour comme celui-ci je me déteste. Le plus grand enfoiré qu'ait porté cette terre. Je souris intérieurement en me disant que je suis peut-être un peu dur avec moi. Ce titre revient à mon père.

Je lance un coup d'œil en direction des autres, ils ne me regardent pas. Il faut dire que je suis dans un duel muet avec le prisonnier, nous nous dévisageons en chien de faïence depuis que mon âme sœur est partie. Il faut lui reconnaître ça, il a de la volonté. Pas un mot depuis que ses copains sont morts... Je repense à l'elfe que j'ai quasi dévoré, je ne regrette pas ce que j'ai fait, je regrette la façon dont Hestia a appris cette partie de mes aptitudes. Il est peu commun de pouvoir se transformer en animal pour des mages. Je dois cette faculté à l'acharnement de mon père dont la maîtrise de mes aptitudes était devenu une obsession... sans ces séances de tortures, je n'aurais jamais découvert ce potentiel. Et pourtant je pense que je préférais ignorer la sauvagerie dont je suis capable et l'absence de remords que je peux ressentir. L'elfe a l'air dégouté de me regarder et je peux comprendre, du sang de son ami doit encore s'accrocher à quelques mèches blanches de mes cheveux. Je n'ai pas eu le temps de me nettoyer comme il le fallait. J'ai juste trempé mes avant-bras dans un ruisseau avant de frotter et de passer de l'eau sur mon visage. Par pur provocation et pour continuer de jouer mon rôle de personne infecte, je tire une mèche de cheveux vers l'avant et je constate en effet qu'elle est maculée de sang. Je l'observe une seconde avant de la lâcher et de porter mon regard à nouveau sur l'elfe. Je lui offre mon plus beau sourire et lui fais un clin d'œil. Il détourne enfin le regard de manière excédée.

Je pars en direction de Léandre. Une fois à sa hauteur, je m'appuie contre la paroi de manière nonchalante en gardant un œil sur le prisonnier. Léandre est le premier à prendre la parole :

— Tu sais à quel point elle m'exaspère ?

— Je crois m'en douter.

Il pousse un grognement.

— Tu as vu la manière dont elle s'est vantée de son tatouage. Est-ce qu'elle a compris seulement les risques de ce genre de magie ?

Je regarde toujours le prisonnier.

— Tu as bien vu Ayden, il est couvert et il se porte plus que bien. Ainsi que quasiment tous les combattants Edryens que nous avons croisés. Je pense qu'ils ont réussi à utiliser cette magie sans les inconvénients qu'elle incombe chez nous...

— Mais comment... ?

— Je ne sais pas, mais je pense que notre prisonnier en sait plus qu'il ne veut nous le faire croire...

Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant