Chapitre 35

1.6K 130 34
                                    

Avec Ayden on s'éloigne rapidement du camp sans dire un mot. Tu t'entends bizarrement trop bien avec un Edryen. Je lance un regard à Ayden, ce n'est pas le seul Edryen avec qui je m'entends bien. Léandre m'a lancé cette phrase comme une insulte, comme si je n'avais pas le droit d'apprécier des personnes venant de ce pays. Ce pays qui va devenir le mien, dont je vais devenir l'héritière... Je pensais qu'à force d'y réfléchir et de me mettre l'idée en tête ça me paraitrait plus évident, mais ce n'est pas le cas. Soudain, j'hésite à accepter l'offre d'Ignace. Je dois creuser plus profondément, comprendre les tenants et aboutissants de cette proposition.

— Tu penses réellement que c'est une bonne idée de me nommer héritière de l'Edryae ?

— Bien sûr. Pourquoi cette question ?

— Ayden, je ne suis même pas Edryènne...

— On pourrait y remédier si c'est ce qui te freine.

— Ce n'est pas juste ça. Comment peux-tu être sûr que je suis une personne de confiance ?

— Je sais que les quelques mois que tu as vécu chez nous ne sont pas forcément suffisants pour affirmer que tu ne nous mènes pas en bateau. Mais la façon dont tu défends l'Edryae, ce pays qui n'est pas le tien comme tu dis, est la preuve suffisante qu'il me fallait pour te donner mon allégeance.

Précipitamment, il se tourne vers moi et sans que je prenne la mesure de son acte il se met à genou devant moi. Son regard est plus que sérieux, il a perdu cette note rieuse habituelle. Il dit d'une voix solennelle :

— Hestia, j'ai juré fidélité à la royauté édryènne et donc à Ignace. Aujourd'hui, je suis prêt à renouveler ce vœu, mais également à m'engager auprès de toi. Je suis prêt à te jurer fidélité tant que ça n'entrave pas mon serment précédent et uniquement si tu acceptes mon allégeance.

Je lui attrape le bras pour qu'il se relève.

— Mais tu es dingue, tu ne vas pas commencer à me prêter allégeance, nous sommes amis.

IL fait un pas en arrière, comme si une flèche lui transperce l'épaule. Le mot "amis" est sorti rapidement sans que j'y réfléchisse. Nous sommes amis. Ces mots reflètent ma pensée, je n'ai pas envie de le blesser, mais je ne ressens rien de plus.

— Très bien...

Il se tourne à nouveau vers la forêt et observe les traces qu'un animal a laissées dans la terre. Il finit par dire :

— Nous devrions chasser.

Sur ce, il sort son arc et ses flèches, je l'imite en tendant ma corde et en y insérant une flèche. Une ombre de malaise s'abat sur nous et je suis prête a tout pour qu'elle s'évapore donc j'ouvre a nouveau la bouche, sachant pertinemment qu'il ne doit pas avoir envie de discuter en ce moment.

— Tu n'as pas vraiment répondu à ma question finalement. Comment être sûr que vous pouvez me faire confiance ? Tu l'as souligné tout à l'heure, vous ne me connaissiez que depuis quelques mois.

Il souffle avant de répondre.

— Je ne sais pas s'il voudrait que je t'en parle, mais tu as le droit de comprendre. Ignace a vu quelque chose en toi... À vrai dire quand il a pris le commandement d'Edryae, il a compris instantanément qu'il n'aurait pas d'héritier du même sang que lui...

— Pourquoi ?

— Il a perdu son âme sœur et se sentait... Non ! Il se sent toujours incapable de fonder une famille sans elle. Quand cette conclusion l'a frappé, il a décidé de faire venir un oracle, la meilleure d'Edryae. Elle lui a affirmé qu'il n'aurait jamais d'enfant du même sang que lui, mais qu'il aurait des enfants. Aucun d'eux ne monteraient sur le trône.

— Ce sont Cali, Alex et toi ces enfants, je suppose.

Il sourit en pensant à ses amis les plus proches.

— Tu supposes bien.

Il émet une courte pause. Je lui laisse le temps de poursuivre son histoire.

— Il a voulu savoir qui lui succéderait. Sa plus grande peur étant que son frère arrive à lui reprendre l'Edryae et réduise son peuple en esclavage pour avoir osé vouloir le suivre. L'oracle lui a affirmé que la clé pour sauver son royaume résidait en Nostraria. Sur le coup, il n'a pas compris. L'oracle a poursuivi en disant « l'ennemi peut se révéler être un ami, tandis que l'étranger pourrait devenir l'héritier ».

— D'accord... Mais cette phrase signifie que n'importe quel Nostrarien pourrait prendre la suite d'Ignace.

—Tu ne me laisses pas finir. Il s'est dit la même chose alors il a demandé des explications supplémentaires. L'oracle a fini par lui dire que LA future héritière viendrait à lui l'année de sa vingtième année et qu'au premier regard il comprendrait qui elle était.

Un petit rire m'échappe. J'observe Ayden cherchant une note d'humour.

— Tu vas me dire que le jour de notre rencontre une petite voix lui a dit que je deviendrais son héritière ?

Face à mon sarcasme, il lève les sourcils et un gloussement m'échappe, mais en voyant la mine sérieuse de mon compagnon, je m'arrête.

— Tu déconnes ?

— Non, il n'a pas entendu de voix à proprement parler, mais sa magie lui a soufflé que c'était toi... Tu ne peux pas nier les faits. L'oracle a parlé d'une héritière, d'une étrangère, une Nostrarienne venant l'année de ses 20 ans... Et il t'a reconnu.

— Pourquoi ne pas me l'avoir dit directement ?

— Hestia, il est roi, il a un pays à faire tourner, il ne peut confier à une inconnue qu'il est persuadé qu'elle deviendra l'héritière de son royaume. Il voulait d'abord te connaître et s'assurer que tu n'étais pas une personne malfaisante qui ferait souffrir son peuple. En plus, comment aurais-tu réagi si on t'avait dit que tu allais devenir notre héritière dès ton arrivée dans le château ? Tu aurais flippé.

Ce qu'il dit a étrangement du sens et fait écho en moi. Pourtant, une question persiste.

— Pourquoi ne m'a-t-il pas parlé de l'oracle quand il m'a annoncé son désir de me voir prendre sa suite ?

— Il ne voulait que tu te sentes forcée d'accepter parce qu'un oracle a fait une prophétie avant ta naissance.

Je ne peux qu'acquiescer, à la place d'Ignace je n'en aurais sans doute pas parlé non plus. Pourtant cette révélation me rassure plus que je ne l'aurais pas cru. Quelque chose que je ne contrôle pas me pousse à accepter. C'est comme si mes aptitudes me soufflaient que c'est le choix à suivre. Est-ce le destin ? Je pense qu'il est temps de donner ma réponse à Ayden...

J'entends un bruit dans les fourrés, je retends mon arc au maximum, la corde touche ma joue. Un sanglier sort sa tête des arbustes. J'effectue un tir rapide et efficace, ma flèche entourée d'une fumée bleue semble fuser encore plus vite qu'à l'accoutumée. La flèche se plante dans la tête de l'animal et il s'effondre dans un bruit mat. Je me retourne vers Ayden et déclare.

— Cette chasse aura été plus rapide que prévu.

Je me dirige vers l'animal mort. Sans me retourner et en gardant le regard fixer sur la bête, je lance :

— Ayden... je vais accepter votre proposition et devenir la dauphine d'Edryae.


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant