Chapitre 13 - Éros

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Je suis dans une des bases de la frontière. La pièce est assez grande pour accueillir une vingtaine de personnes. Elle se compose uniquement d'une grande table avec 10 chaises. Je suis assis sur l'une d'entre elles, Léandre à ma droite et Orso à ma gauche. Je bouillonne à l'idée de revoir ce fumier d'Ayden. Je ne sais pas si mon oncle sera présent, mais j'espère pouvoir lui dire qu'il a fait la plus grave erreur de sa vie en enlevant Hestia. En plus de mes deux hommes assis, j'ai placé trois gardes derrière nous prêts à intervenir en cas de problème. Je ne sais pas pourquoi ils veulent me parler, mais je crois que c'est la première fois qu'une telle réunion a lieu depuis le début de la guerre.

Notre voyage du sud de la Nostraria a été long, j'ai fait au plus rapide pour arriver à la frontière, mais nous étions si loin. Quand nous sommes arrivés, Tylio nous attendait déjà sur place depuis 2 jours.

À présent, j'attends encore, le poing placé sur ma bouche résolument fermée, l'autre main placée sur l'accoudoir de ma chaise et j'observe la première missive que j'ai reçue d'Ayden disant qu'Hestia était en Edryae. Je respire affreusement fort et j'en ai conscience. Ça va bientôt faire deux semaines que je ne l'ai pas vu et je suis incapable de me contrôler sans sa présence. J'ai perdu la seule source de lumière de ma vie. S'ils ont osé toucher à un de ses cheveux, je ne pense plus répondre de mes actes.

Léandre qui est toujours là pour me rassurer d'habitude me paraît tout aussi tendu que moi. Depuis qu'il a appris que sa petite sœur est en terre édryenne, il est sur le même registre que moi. Le moindre bruit le fait réagir, il est aux aguets et prêt à bondir.

Nous sommes tous en tenue officielle. Les gardes en veste bleue avec un liseré blanc et pantalon blanc également. Je ne porte pas la même tenue que mes subalternes, j'ai mon ensemble blanc avec liseré rouge. J'ai toujours détesté cette tenue qui me démarque tellement des autres, mais actuellement je n'en ai que faire de ma tenue. J'aurais pu venir en guenille que ça ne ferait ni chaud ni froid.



La porte s'ouvre enfin sur une jeune femme aux cheveux gris et aux yeux vert délavé. Je redresse la tête, la regarde droit dans les yeux et pose doucement mon poing sur la table. Elle prend la place en face d'Orso et lui fait un clin d'œil. Cette familiarité ne me plait pas, mais je me suis déjà désintéressé d'elle parce que la raison de ma rage fait son entrée. Ayden. Il se tient dans l'encadrement de la porte. Il me rend mon regard de mépris le plus complet. Je sens Léandre se tendre un peu plus sur sa chaise à ma droite. Il vient s'asseoir à son tour, cette fois en face de Léandre. J'entends encore du bruit au niveau de la porte, je prie pour voir Hestia, mais ce n'est pas elle. C'est un homme de l'âge de mon père, cheveux noirs. Je reconnais ses yeux qui sont les miens. Je me lève stoïquement et annonce avec difficulté :

— Votre majesté.

Il me répond :

— Éros, je suis ravie de te rencontrer.

Je plisse les yeux face à cette familiarité dans de telles circonstances. Je ne l'ai jamais vue de ma vie et il ose m'appeler par mon prénom et me dire être ravi de me rencontrer. Je hoche pourtant la tête et nous nous asseyons tous deux l'un en face de l'autre. La porte se referme. Un blanc s'installe et aucun des deux camps ne souhaite entamer la discussion. Au bout, d'un moment je sens Léandre s'agiter et au bout d'un moment il hurle :

— Mais putain, où est Hestia ?

Je tourne légèrement la tête vers lui. Je l'ai rarement entendu jurer sauf en cas de circonstances atténuantes. Il s'est levé et a placé ses deux mains sur la table, il dévisage Ayden et Ignace tour à tour. Je place une main sur son épaule et l'invite à se rasseoir, il le fait difficilement. Ayden prend la parole en regardant Léandre :

— Et vous êtes ?

Je m'apprête à présenter les gardes qui m'accompagnent quand Léandre dit :

— Je suis le frère d'Hestia, fils de pute.

Ayden rigole et répond :

— Heureusement que je ne connais pas ma mère, ça aurait pu me vexer.

Ignace claque la langue pour le faire taire. Il me devance :

— Je suis accompagné d'Ayden mon second et de Calipso mon sergent-chef.

— Je suis général des armées nostrariennes, dis je en hochant la tête, voici Orso mon second et le capitaine Le Gall, qui s'est déjà présenté. Nous aimerions en effet savoir où est Hestia... Nous sommes là pour ça.

— Elle va bien. Nous voudrions parler d'un autre sujet avant.

Je prends sur moi pour paraître poli, mais sa réponse ne me convient pas, je veux la voir, m'assurer qu'elle est saine et sauve, qu'elle va bien. Qu'ils ne lui ont pas fait de mal. Je veux juste revoir son visage. Je ne l'écoute pas, je n'entends que les pulsations de mon cœur et le sang bouillonné sous ma peau. Le picotement de mes aptitudes sur mon épiderme. Je vois de la fumée rouge dans ma vision périphérique, je sais qu'un nuage doit s'étendre derrière moi. Les lèvres d'Ignace ne bougent plus, il a dû comprendre que je ne l'écoutais pas. J'annonce d'une voix dénuée d'émotion :

— Je veux m'assurer qu'elle va bien comme vous le dites.

Ils me dévisagent tous les trois, puis s'observent une demi-seconde. La femme se permet un commentaire :

— Vous ne comptez pas nous écouter tant que vous ne l'aurez pas vu ?

— En effet.

— Et si elle n'est pas venue avec nous ?

— J'espère pour vous que c'est une supposition et qu'elle est bien présente parce que je vous tuerai sur le champ.

Je ponctue cette phrase d'un haussement de sourcils. Ignace me regarde quelques secondes puis annonce d'une voix forte :

— Faites-la entrer.


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant