Chapitre 37

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Le choc d'Ayden après ma révélation était assez amusant. Il était à la fois trop étonné pour réagir, mais également assez heureux. Il m'a dit vouloir prévenir immédiatement Ignace, je l'ai laissé faire. Il est resté bloqué un certain temps avant de réagir à nouveau. Je l'ai observé avant de me lasser et de retourner au sanglier. Après un moment, il m'a annoncé qu'Ignace était au courant et qu'il allait tout préparer pour que ce soit acté. C'est quand même vraiment pratique la télépathie. Apparemment à la fin de cette mission nous devrons rentrer immédiatement en Edryae pour que je sois présentée au peuple. C'est à la fois excitant et terrifiant. À présent, je vais devoir l'annoncer à mes amis, mon frère et le pire de tous, Éros. Je ne sais pas comment il peut réagir.

À notre retour au camp Léandre m'a appris qu'ils avaient réussi à faire avouer son nom à notre prisonnier, il se nomme Wôeneques, ce qui veut dire fils de rumeur en langage elfique. Je sais que les faes sont fervents de rumeurs, ce qui pourrait expliquer ce nom. Il nous a encore déconseillé d'aller sous cette montagne, il a même affirmé qu'en sortant je souffrirais affreusement, mais nous avons ignoré ces propos funestes. J'ai compris rapidement qu'il était effrayé par cette montagne, j'ai préféré lui répondre que si je pouvais souffrir après être allée sous cette montagne c'est que je serais encore en vie.

Au retour de Cléo et d'Eryk, nous avons lancé un feu et fait cuire la viande de sanglier. C'est mon frère qui s'est attelé à la préparation de la bête, il a toujours su mieux cuisiner que moi, c'est pourquoi pendant nos sorties de chasse il préparait ce que je chassais.

Cléo est de plus en plus proche de mon frère. Lors de leur première rencontre, j'avais bien compris qu'elle avait eu le béguin. Je décide alors d'aller la voir en attendant que le sanglier soit prêt, alors qu'elle s'éloigne de mon frère. Au moment de parler, je suis muette, je ne sais pas quoi dire dans ce genre de situation. Je ne sais même pas si je pense que c'est une bonne chose, ça doit l'être puisqu'ils sont tous deux adorables. Mais je divague, je ne sais même pas s'ils sont ensemble et si c'était le cas je pense que je n'aurais pas mon mot à dire, j'aimerais juste savoir. Elle me prend de cours avec son sourire radieux et ses yeux joyeux.

— Ça va, Hestia ?

— Oui, très bien et toi ?

Cette conversation d'une banalité me répugne. C'est pour un court laps de temps parce que je vois dans son regard qu'elle va me dire une énormité.

— Je suis tellement contente de voir que ça va. Quand tu as été enfermé par le roi sans qu'on puisse te voir, je me suis inquiétée et encore plus quand on a appris ta disparition. Léandre n'était plus que l'ombre de lui-même. Il m'a expliqué qu'il t'avait aidé...

Je me tourne rapidement vers Éros qui est assez loin de nous, il parle avec Gaspard. Comment ne peut-elle ne pas se rendre compte que c'est un secret ? Et pourquoi mon frère lui a-t-il dit ? Fait-elle partie du mouvement de révolte contre Horos ? Personne ne m'a rien dit. En même temps, pourquoi m'en parleraient-ils ? Je suis du mauvais côté dans cette guerre pour eux. Cléo continue sans remarquer la panique passagère qui s'est emparée de moi.

— ... Il s'est senti affreusement coupable quand il a appris que des soldats Edryens étaient dans la forêt derrière le palais. Et après ça, il s'est morfondu quasiment aussi longtemps que le prince puis du jour au lendemain ils sont partis à ta recherche. Ils sont allés voir tous les voyants, tous les oracles et les diseuses de bonnes aventures du pays.

Je veux stopper ce débit de parole alors je dis la première chose qui me passe par la tête.

— Et tu as été là pour le soutenir.

— Quoi ?

Elle a l'air choquée par ce que je viens de dire et je me reprends.

— Tu as soutenu mon frère quand je suis partie... Je te remercie.

Elle me sourit, elle est resplendissante.

— Oui quand tu as été enlevé, on s'est rapprochés avec Léandre.

Elle devient rouge pivoine en disant ça et je me rends compte que cette conversation dérape sur un terrain gênant. Je tiens quand même à préciser.

— Je ne considère pas vraiment qu'ils m'aient enlevé. Peut-être que c'est ce que j'ai cru au début, mais ce n'est pas tout à fait exact.

— Comment ça ?

Je ne sais toujours pas ce qu'elle pense du roi et je ne suis pas sûre de pouvoir lui parler de l'Edryae, même si elle est adorable.

— Ils se sont montrés accueillants et ne se sont pas comportés comme des geôliers, je pouvais partir si je le désirais.

— Et tu es restée...

— En effet.

— Si c'est ce qui te rend heureuse, alors c'est super... elle me frotte le bras doucement. Mais je pense qu'Éros risque de devenir fou si tu ne reviens pas en Nostraria.

Je ne peux qu'acquiescer sans oser en dire plus.



Pendant le reste de la soirée, je ne peux m'empêcher de regarder Éros dès que l'occasion se présente. Je pense que c'est la première fois que je peux vraiment l'observer évoluer en société sans que sa conduite soit dictée par son père ou ses devoirs de prince. Il paraît si froid, aucune émotion ne transparaît quand il parle à quelqu'un, ce qui contraste totalement avec sa façon d'être avec moi dès que nous sommes seuls. Je me demande s'il s'est vraiment révélé avec moi, si c'est le vrai Éros que j'ai pu apercevoir. C'est un homme tourmenté qui fait face à une marée de sentiments qu'il arrive à cacher mieux que personne, mais également un homme plein d'humour et passionné. Il est moins arrogant que je le pensais au début. Je pense qu'il veut vraiment aider son peuple même s'il est totalement à la merci de son père actuellement. Je suis déçue que les plans d'Ignace pour le faire venir en Edryae aient échoué à chaque fois. L'éloigner de l'influence du roi Horos lui aurait permis de se rendre compte du malheur du peuple de Nostraria et il aurait découvert une façon de régner différente auprès de son oncle. Il mérite tellement plus que ce qu'il a eu depuis son enfance...

— Hestia ? Tu es encore avec nous ? Ooooh, la terre à Hestia...

Je me tourne vivement vers la voix qui m'appelle, c'est Eryk. Je souris et lui demande :

— Quoi ?

— On t'avait perdu, ça fait dix minutes que je t'appelle.

Je ne m'étais pas rendue compte que quelqu'un me parlait. Et je dévisageais Éros depuis tout à l'heure. Je tourne à nouveau la tête vers lui. Il me regarde avec un sourire en coin, la bouche entrouverte et les yeux rieurs. Je lui offre un petit sourire penaud auquel il répond par un sourire éblouissant qui fait chavirer mon cœur.

— Alors il m'a vu...

Je n'ai pas besoin de spécifier de qui je parle. Eryk se met à rire et répond :

— Il fallait être aveugle pour ne pas le remarquer. Il t'a regardé aussi en haussant les sourcils puis il a compris que tu étais partie loin. On a un peu ri à tes dépens. Enfin, pas tous... Ayden n'a pas eu l'air de kiffer.

Je suis étonné qu'Eryk l'appelle par son prénom, tous les autres l'appellent l'Edryen. Je tourne la tête en direction d'Ayden, il parle à Mélya, mais il a l'air renfrogné. Je ne peux pas lui en vouloir, il m'a avoué ses sentiments et je reste bloquée dix minutes sur un autre homme. À vrai dire, cette situation me fait de la peine, je dois trouver un moyen de dire clairement à Ayden qu'il ne se passera jamais rien entre nous. J'ai déjà laissé échapper que nous étions amis, mais ce n'est pas suffisant. Ce que je ressens pour Éros est tout autre, la preuve est que je reste bloquée sur lui durant de nombreuses minutes à me dire qu'il mérite une plus belle vie que celle qui lui a été offerte...


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant