Chapitre 6

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J'ai pris le temps de monter les étages afin de retrouver ma chambre. Je reste tendue par la rencontre avec cet homme irrespectueux. Je suis bien contente de lui avoir fait peur et la perte du couteau en valait la peine. Son expression m'a fait jubiler. À présent, je tourne dans les couloirs en essayant de retrouver mon chemin. Toutes les portes se ressemblent et les couloirs sont similaires les uns des autres. Dans mon désir de trouver une issue, je n'ai pas pris le temps de repérer de signes distinctifs afin de me repérer.

Le plus triste dans cette histoire c'est que je n'ai même pas encore trouvé de porte menant sur l'extérieur. J'aperçois une fenêtre au loin et me dirige vers elle. Je constate à nouveau que je suis très haut, mais en contrebas je n'ai pas la même vision que celle de ma chambre. Ce qui m'oriente sur le fait que je ne suis clairement pas du bon côté. En contrebas, je vois un jardin avec des bassins. L'ensemble est recouvert de végétation et dans la prolongation de ce jardin il y a des arches immenses sans toiture. À l'intérieur de ces ruines, arbres et fleurs y prolifèrent. Le sol n'est qu'herbe et je me demande depuis combien de temps ce bâtiment est laissé à la merci des éléments. Ça a l'air étrangement beau et je suis irrépressiblement attiré par cet endroit. J'ai envie de le visiter, de paraître minuscule en dessous de ces arches et de fouler ce sol. J'ai envie de voir la lumière du soleil passer au travers des ouvertures en me tenant au milieu des ruines. Sachant que je suis perdue dans le château, je m'octroie le droit de rester là à contempler ce jardin secret durant de longues minutes.

Si l'on omet le fait que je suis en territoire ennemi, ce qui n'est pas une mince affaire, cet endroit a un certain charme que je ne peux pas lui retirer. Mon regard explore l'horizon qui se prolonge à nouveau en forêt. Et plus loin les arbres se font plus épars. Je distingue des toits de maisons. Il y a une ville à quelques kilomètres d'où je me trouve. Si j'arrivais à savoir quelle est cette ville et trouver une carte, je pourrais me repérer et savoir dans quelle direction me diriger pour rentrer en Nostraria. Un doute m'assaille. Et si retourner en Nostraria n'était pas la meilleure solution ? Et si l'Edryae était la cachette parfaite ? Certes pas dans le château du roi Ignace, mais sur ce territoire. En restant en terres Edryènnes Horos ne pourrait jamais venir me chercher, ses troupes resteraient bloquées aux frontières. Je pourrais me cacher dans un petit village et vivre une vie tranquille qui ne serait pas forcément solitaire. Je pourrais mettre à profit mes talents de chasseuse en vendant le gibier que je chasse.

Avec cette réflexion, l'espoir d'une vie paisible me réchauffe le cœur, pourtant un point noir reste présent. Celui de vivre sans Éros... Je repense à ce qu'a dit la femme dans le salon. En général, quand un prince prend des mesures aussi démesurées pour retrouver une femme, c'est uniquement pour sa fiancée. Quelles sont les mesures démesurées dont elle parlait ? Qu'a fait le prince ? Me recherche-t-il aussi activement que ces paroles le laissent entendre ? Et la phrase qu'elle a ajoutée. D'après ce qu'on dit, il est devenu fou en apprenant votre départ. Une culpabilité affreuse m'assaille. Je n'avais pas envie de faire de mal à Éros, je voulais juste retrouver ma liberté. Mais à quel prix ? Serait-il capable de mettre son pays à feu et à sang pour me retrouver ? Quand cette question m'effleure l'esprit j'ai la certitude qu'il est capable de détruire un pays à lui tout seul, mais je ne pense pas qu'il en soit capable pour une femme. Et encore moins pour moi. Malgré ses promesses, nous savons tous les deux que je ne suis pas faite pour la vie qu'il mène. Il me l'a confirmé en me disant qu'Anna-Livia avait été élevée pour le rôle de princesse et pour celui de reine. Ce n'est pas mon cas et je laisse volontiers ma place. Le plus dur est de laisser Éros.

Je pensais lui avoir fait mon dernier adieu en le laissant derrière moi dans le palais de Nostraria, mais je me rends compte que ce n'était qu'illusion. Je ne peux m'empêcher de penser à lui. Je ne peux m'empêcher de rêver de revoir son sourire narquois, ses cheveux balayés par le vent et ses yeux bleus glaciers qui me sondent. Je repense à notre dernier baiser passionné dans sa chambre. Mon bas-ventre se réveille et je ressens un désir ardent pour cet homme que je ne reverrais peut-être jamais.

Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant