Chapitre 27

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Comment a-t-il fait pour comprendre que c'était lui que je cherchais ?

Comment a-t-il fait pour me retrouver ?

Il me sourit. Pourquoi ? A-t-il oublié ma trahison ? Je suis perplexe, je le dévisage. Le garde à côté de nous se racle la gorge. Il dit faiblement :

— Souhaitez-vous que je l'arrête, Votre Altesse ?

Je tourne brusquement ma tête vers le garde, une lueur de crainte brille dans ses yeux et j'en suis satisfaite, je lui réponds en faisant tourner mon poignard :

— Essaie.

Il déglutit. Éros lui dit :

— Ce ne sera pas la peine.

Je le regarde à nouveau. Il poursuit :

— Que fais-tu ici ?

— Toi, que fais-tu ici ?

— Je ne sais pas si je peux te le dire.

Nous ne nous faisons plus confiance, ce qui est normal.

— Je vois... Tu n'es pas en colère ?

Je me devais de poser cette question, elle peut paraître idiote, mais je suis surprise de ne pas me retrouver face à sa rage. Cette émotion j'aurais pu la gérer, mais cette situation me paraît lunaire.

— Oh si, je suis fou de rage.

— Oh.

Cette réponse est faible. Je ne m'attendais pas à ce qu'il reste calme malgré une rage bouillonnante sous-jacente. Je poursuis :

— Souhaites-tu qu'on en parle ?

Il se rapproche d'un pas, nos pieds se touchent. Son corps est trop proche du mien et pourtant pas assez. Le garde se racle la gorge encore une fois, mais je l'entends à peine. Éros me répond :

— Oh, je souhaite beaucoup de choses en cet instant, mais parler n'est pas une priorité.

Ma bouche s'assèche instantanément. Sa présence m'est presque douloureuse, je désire le toucher ardemment, mais je m'en empêche, je ne veux pas être celle qui fera le premier pas. C'est idiot vu que c'est moi qui ai installé une distance entre nous.

— Tu... Je ...

Je ne trouve pas les mots, je ne sais pas quoi dire. J'aimerais pouvoir m'excuser, mais je ne sais pas de quoi. Je ne suis pas désolée d'avoir choisi le camp d'Ignace pourtant je suis navrée de l'avoir laissé, lui. La tension entre nous est palpable, presque électrique. Je peux à peine respirer. J'observe ses lèvres avec avidité. Une délicieuse chaleur se répand dans mon bas-ventre. J'ai envie de lui sauter dessus, là, maintenant. Nous sommes interrompus par la voix du garde qui dit :

— Oh, Léandre vous êtes là, c'est super parce que...

En entendant le prénom de mon frère, je panique et m'éloigne du corps d'Éros en précipitation. Éros lui a attrapé le garde par le col pour le faire taire. J'observe le couloir et je vois mon frère marcher aux côtés de Heikas. Les deux mâles sont à l'arrêt et observent la scène. Je ne sais pas ce qu'ils ont vu, mais ils n'ont pas l'air choqués, ce qui est bon signe. Léandre commence à courir, contourne le garde et Éros et vient me serrer dans ses bras. Je suis stupéfaite et ne lui rends pas immédiatement son étreinte, mais je me détends rapidement et me laisse aller. Sa tête est dans mes cheveux et il me dit à voix basse :

— Putain, je suis tellement désolé, c'est de ma faute s'ils t'ont enlevé. Tu n'aurais jamais dû partir. Je suis désolé.

Mon frère se croit coupable de mon "enlèvement" parce qu'il a orchestré ma fuite. Alors qu'il ne pouvait pas savoir que des soldats édryens seraient dans les bois derrière le palais. Ce n'est pas sa faute. Et maintenant que j'ai pu avoir la version des faits de l'Edryae, j'en arrive même à être heureuse qu'ils m'aient enlevée. Je lui chuchote à mon tour :

— Ne t'en fais pas, je vais bien. Je vais même plus que bien.

— Ne t'inquiète pas, tu n'auras plus jamais à aller là-bas...

En entendant cette phrase, je me décroche de mon frère. Je m'éloigne de lui ainsi que du prince de Nostraria. J'annonce :

— Et où veux-tu que j'aille ?

Léandre me regarde sans comprendre. Éros ne dit rien, il ne fait que m'observer.

— Eh bien, tu vas rentrer en Nostraria avec nous.

— Je crois que tu n'as pas compris, je compte rester en Edryae...

— Hestia ne fait pas l'enfant, tu n'as plus 10 ans.

— Je ne fais pas l'enfant, je t'annonce une réalité.

Je remarque la mâchoire serrée d'Éros, mais je n'en démordrais pas. J'ai fait mon choix. Certes, il ne va pas plaire aux personnes que j'aime, mais il est fait. Mon frère m'attrape le bras pour me forcer à le suivre.

— Aller c'est tout, tu n'es pas en sécurité là-bas.

J'essaie de lui faire lâcher prise, mais il serre plus fort. J'observe sa main. Éros dit d'un ton autoritaire :

— Ne la touche pas de cette manière. Elle t'a dit non, c'est tout.

Je suis surprise qu'il réagisse de la sorte et Léandre aussi apparemment parce qu'il éructe :

— MAIS COMMENT TU PEUX DIRE ÇA ALORS QUE C'EST TON ÂME SŒUR ?

Je me fige ainsi que toutes les personnes dans le couloir. Mon cerveau prend un certain temps à assimiler l'information. D'un seul coup, tout devient plus clair, mon attirance quasi instantanée, mon envie d'être proche de lui, la jalousie de le voir avec une autre femme alors que je ne le connaissais pas, mon besoin de le provoquer et de ne pas flancher devant lui, le fait qu'il ne m'ait jamais inspiré la peur contrairement à d'autres. Ils m'observent tous dans l'attente de voir ma réaction, même Léandre a l'air choqué de la bombe qu'il vient de lâcher. Je regarde Éros avec intensité.

— Tu le sais depuis quand ?

— Je m'en doute depuis le premier jour, mais j'en ai été sûr quand nous avons eu la vision...

Il le sait depuis tout ce temps ? J'ai passé des heures à me questionner sur la signification de cette vision, il savait. Il savait et il a fui au lieu de me l'expliquer. Je regarde ensuite mon frère.

— Tu le sais aussi... Combien de personnes l'ont appris avant moi ?

Mon frère me regarde penaud et je sais qu'il n'est pas le seul en jetant un coup d'œil aux gardes ainsi qu'à Heikas. Je dis pour moi-même, mais à voix haute :

— Tout le monde le savait sauf moi...

Je cligne plusieurs fois des yeux, Éros se rapproche en tendant la main, mais je m'écarte. Je regarde Heikas et annonce :

— Nous avons une réunion, va chercher Isaac, je vais chercher Ayden.

Je m'éloigne non sans lancer un dernier coup d'œil à Éros. Il fulmine d'avoir entendu le nom d'Ayden et j'en suis ravie. Je suis déçue qu'une information aussi cruciale m'ait été cachée et j'ai envie qu'il comprenne la déception que je peux ressentir. Je m'enfonce dans les couloirs du palais et personne ne me suit mon plus grand soulagement.


Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant