Je cours encore et encore. Qu'est-ce qui se passe ? Je suis en forêt. J'entends des bruits de lames qui s'entrechoquent. Je déboule sur une clairière à toute vitesse. Mon petit groupe se bat contre des mages que je ne connais pas. Ils se battent tous, que ce soit Ayden, Éros, Mélya ou Eryk, ce qui m'informe que nous n'avons aucune idée de qui sont nos adversaires. J'ai l'impression que mes pieds sont ancrés dans le sol, je n'arrive pas à bouger Je ne suis qu'une spectatrice. Mon équipe est en train de perdre la main, je ne peux pas les aider. Je regarde du côté d'Éros, il se bat contre un épéiste, un autre homme est dans son dos. Il a l'air d'être là pour le prendre à revers. J'essaie de hurler, mais ma voix se perd et n'atteint pas le prince. L'homme derrière lui le regarde, effectue une révérence et plante son épée dans le cœur de mon âme sœur. L'usage de mes jambes me revient enfin et je me précipite vers Éros. Tout le reste disparaît, je ne vois que lui. Mes yeux me brûlent, je pleure. Arrivée à sa hauteur, je m'écroule à côté de lui, j'essaie en vain de comprimer la plaie béante de son torse, mais c'est impossible, il a été transpercé de part en part. Je ne sais pas quoi faire. Mes mains sont maculées de sang, SON sang. Les larmes me brûlent les yeux. J'ai envie de tuer la personne qui vient de me le voler, pourtant, quand je relève la tête, il n'y a personne. Je vois juste mon épée ensanglantée à côté du corps sans vie d'Éros.
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Je me réveille en sursaut. Ce cauchemar m'a paru épouvantable. J'ai passé une mauvaise nuit sur le sol de la grotte. Il était légèrement humide et la chaleur du feu n'y a pas changé grand-chose. Alors que mes yeux sont encore embués par le sommeil, je tourne la tête dans la direction d'Éros. Il dort encore, ils dorment tous, sauf Léandre et Cléo qui finissent leur tour de garde. J'observe le prince de longues minutes afin de m'assurer qu'il respire toujours, son torse se soulève de manière régulière. le poids qui s'était abattu sur ma poitrine s'envole. Je me lève sans faire de bruit et passe entre les corps alanguis par le sommeil. Notre prisonnier est déjà réveillé, il est cerné et son teint paraît encore plus verdâtre qu'hier. Il n'a pas dû dormir beaucoup, son bras doit le faire souffrir et la menace de mort imminente qui pèse sur ses épaules n'a pas dû jouer en sa faveur.
J'arrive à la hauteur de mon frère, il me regarde surprit.
— Qu'est-ce que tu fais ? Tu as une mine de déterrée.
— Je vais faire un tour, j'arrive dans quelques minutes.
— Je ne pense pas que ce soit judicieux de se...
— Léandre, je te remercie de ta prévenance, mais je ne t'ai pas demandé ton avis. Je suis armée et je reviens dans quelques minutes.
Mon frère n'ajoute rien, mais je vois bien qu'il n'est pas rassuré. Le soleil est sur le point de sortir de terre. L'aurore dans cette forêt est magnifique, elle donne un aspect irréel aux arbres. Je fais quelques pas dans l'herbe fraîchement mouillée par la rosée du matin. J'entends des pas dans mon dos et en tournant la tête je vois Léandre se placer dans l'entrée de la grotte pour me surveiller. Je lève les yeux au ciel et continue d'avancer.
La forêt d'Ocaranost n'est pas aussi calme que je l'imaginais. Les animaux se réveillent, j'entends des oiseaux chanter, des bêtes grimper dans les arbres, d'autres gratter le sol. Ces bruits familiers me font un bien fou après la nuit que je viens de passer. J'entends le bruit d'un ruisseau au loin, je me dirige vers lui. Arrivée à sa hauteur, je m'assois contre un arbre et profite de ce moment pour apprécier la solitude.
Je décide finalement qu'il faut que je reparte vers la grotte et qu'il est temps de reprendre notre chemin en direction de la montagne. Quand j'ouvre les yeux, je remarque un petit champignon qui n'était pas là avant que je m'assoie. Le plus étonnant c'est qu'il tient une fleur. Le chapeau du champignon se met à bouger et je découvre une petite tête en dessous, il ne doit pas être plus grand que ma main. Il me tend la fleur de ses deux mains, je la prends et il s'enfuit en courant vers la droite pour rejoindre 3 autres champignons légèrement plus grands. Je les observe en silence pendant qu'ils partent. Celui qui m'a offert une fleur se retourne et je lui fais un signe de la main, un peu éberluée par ce qui vient de se passer. C'est une marguerite que je tiens entre mes doigts. Pour ne pas la perdre, je tresse mes cheveux, les attache avec le lacet en cuir que je garde sur moi et place la fleur comme je le peux dans mes cheveux.
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Quand j'arrive, mes amis sont réveillés et le camp est quasiment levé. Eryk se dirige vers moi.
— Ça va ? Cléo m'a dit que tu avais l'air bizarre ce matin.
— Je vais très bien, j'ai juste mal dormi, mais comme tout le monde.
Eryk fronce les sourcils et essaie de me sonder, je me défile en lui demandant :
— Tout est prêt pour partir ?
— Je crois que oui.
— Ok, on y va alors, tu transmets le message. Je vais voir Wôeneques.
Eryk hoche la tête et part en direction de Mélya, Cléo et Éros. Je remarque que Léandre s'entretient avec Gaspard tandis qu'Ayden est seul. J'arrive près du prisonnier, à cette distance il paraît encore plus fatigué que ce que je croyais au départ. Je lui demande :
— Mal dormi ?
— Je dirais aussi bien que toi.
C'est la deuxième personne qui me le fait remarquer aujourd'hui, c'est que je dois vraiment faire peur à voir.
— Tu réussiras à marcher ?
— Ai-je le choix de toute façon ?
— Pas vraiment.
Je fais une pause, je n'ai rien à rajouter. Au moment où je suis sur le point de tourner les talons, il ouvre la bouche donc je ne bouge pas.
— Le cundü aica t'a dit que je préférais te parler à toi ?
On ne m'a parlé de rien. À qui fait-il référence ? Je n'ai pas envie qu'il se rende compte que j'ignore de quoi il parle, donc je lui dis :
— Maintenant que je suis là, vas-y.
Il hésite, me regarde de haut en bas, se demande ce que je ferais de l'information qu'il souhaite me transmettre.
— D'où je suis, j'entends certaines conversations. Je sais que tu ne comptes pas retourner dans le pays du cundû aica et pourtant il aimerait te forcer à le suivre.
J'en déduis qu'il parle de Éros. Je l'observe longuement.
— Je connais la signification de ton nom. Essaierais-tu de lancer une rumeur ?
Il m'offre un sourire malicieux.
— Les rumeurs sont souvent tirées de faits réels.
— Oui, mais elles ne reflètent pas la réalité.
— De toute façon je suis un Fae, je ne peux pas mentir.
— Mais tu peux arranger la vérité à ta guise.
Encore ce sourire. J'ai vu juste.
— Connais-tu la rumeur la plus populaire sur la cour unseelie ?
— Tu parles de celle sur votre roi ?
Il hoche la tête. Je ne vois pas où il veut en venir. Je sais que la plus rumeur la plus populaire du peuple fae est celle qui essaie de nous faire croire que la cour unseelie a ou n'a peut-être pas de roi. Un roi qui n'aurait jamais été vu ou aperçu et dont personne ne peut attester la véritable existence. Il ne me dit rien de plus, je lui demande :
— Et ?
Il hausse les épaules et sourit.
— Rien.
Je respire profondément avant de le prendre par son bras valide et de le relever.
— On y va.
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Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre monde
FantasyAttention, ceci est le tome 2 du Joyau de Nostraria. Hestia, ayant fui le palais de Nostraria, se retrouve confrontée à des soldats Edryens. Entre méfiance et désir de liberté, elle doit décider en qui placer sa confiance. Pendant ce temps, Éros po...