Chapitre 32

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La forêt est tout aussi belle que d'habitude, mais l'ambiance me paraît plus lourde. Quand j'ai revu Cléo, elle m'a sauté dessus comme si j'étais revenue du royaume des morts. Elle m'a posé trente questions à la minute. Eryk n'a pu s'empêcher de se moquer ouvertement. Les retrouvailles avec Mélya ont été plus calmes et assez rafraîchissantes après l'effusion de sentiments et de joie de Cléo. Mélya toujours aussi discrète m'a tout de même dit être très contente de me revoir.

Aujourd'hui, je me retrouve, sans vraiment comprendre comme c'est arrivé, à la tête d'une excursion. Je dois trouver un artefact et sept personnes ont décidé de me suivre pour m'aider et me protéger. Je ne sais pas à quel moment autant de personnes ont commencé à tenir assez à moi pour risquer leurs vies... Il y a Gaspard qui ne tient pas à moi, il fait juste ça pour son prince, mais je lui suis tout de même reconnaissante d'être là. J'avoue que l'idée de faire cette quête ne me plait pas forcément, mais d'après les faes j'aurais besoin de faire ce voyage. J'ai encore du mal à comprendre comment ils ont réussi à me convaincre. Mais à présent j'y suis. J'observe la forêt qui m'entoure. Le portail est juste derrière nous. Je lance un regard en arrière, il se camoufle dans le lierre. Ayden se rapproche de moi et me demande :

— Bon, on va où maintenant ?

C'est une bonne question. Nous sommes censés aller vers le Sud. J'observe la mousse des arbres et me décide à partir vers l'opposé de celles-ci. Mon sac me paraît déjà lourd. Nous en avons chacun un qui contient le nécessaire de survie pour chaque personne. Je me prépare mentalement aux multiples jours de marche qui nous attendent jusqu'à la montagne du dragon. Je fais un premier pas, puis un autre et les autres suivent. Je suis lancée. Notre petit groupe se met en marche. Nous sommes tous aux aguets, Heikas nous a assez répété que la forêt peut paraître calme et magnifique, mais qu'elle est surtout dangereuse et plus on se dirige vers le Sud, plus cette affirmation s'avère exacte.

Nous avons avancé aussi loin qu'il était possible par portail, mais à présent le chemin se fera à pied et c'est beaucoup plus risqué pour nous. Nous sommes armés comme des mercenaires sauf Éros qui se promène comme si le monde lui appartenait et sans arme. Je sais comme chaque personne autour de nous que ce n'est qu'une illusion, il a un tout un arsenal en sa possession grâce à ses aptitudes. Je lance un coup d'œil aux armes à dispositions de chacun, en général ils ont tous une épée, je porte mon arc et mon carquois, tout comme Eryk. Mélya m'impressionne, elle a une sangle au niveau du torse qui regroupe une bonne quinzaine de couteaux de toutes les formes et de toutes les tailles. Cléo porte un fouet à sa ceinture. Ayden, lui, porte également arc et flèches ainsi que deux épées dans son dos, leurs pommeaux sont des œuvres d'art en elles-mêmes avec les armoiries de l'Edryae gravées à la base. La vue de cet emblème me rappelle qu'Ayden n'est pas vraiment en sécurité avec le groupe. Je sais que je ne laisserais rien lui arriver, mais je me surprends quand même à me méfier de mes amis.

Je laisse Ayden et Éros mener le groupe pour rejoindre mon frère à l'arrière. Les deux hommes que j'ai laissés à l'avant s'évertuent à faire comme s'ils ne se voyaient pas alors qu'ils se lancent des coups d'œil incendiaire dès que possible. Arrivée à la hauteur de Léandre, je lui demande :

— Alooors... À ce qui parait, tu m'as cherché après mon départ.

Je fais un pas vers lui parce que je sais que j'ai installé un climat glacial après son aveu. Je ne peux pas décemment parler à Éros, encore moins l'embrasser sans pardonner mon frère. Il essaie toujours de faire ce qui est juste et de me protéger. Je ne savais pas comment entamer une discussion donc j'ai dit la première chose à m'être venu à l'esprit. Il me lance un regard en coin.

— Tu ne m'en veux plus ?

— Évidemment que non. Tu es mon frère. Et tu es en train de faire un périple dangereux pour me protéger et m'aider à trouver ce truc qui doit m'aider à gérer les pouvoirs faes...

Il sourit de toutes ses dents.

— C'est bien vrai ça. Et tu verras qu'après ce voyage tu me devras au moins 2 ou 3 faveurs pour le nombre de fois où je t'aurais sauvé la vie.

J'ouvre grand la bouche et lui frappe légèrement l'épaule.

— N'importe quoi, c'est sûr que tu me devras la vie.

On rigole, je lui lance un regard et il me tire vers lui. Je ne comprends pas son geste et lui lance un regard éberlué. Il annonce avec un grand sourire :

— Et d'une.

Je me retourne et pose les yeux sur un petit trou dans le sol, pas énorme, mais suffisamment grand pour me faire tomber.

— Mais tu racontes n'importe quoi, il est ridicule ce truc. Je vais te pousser dans un ravin, tu verras ce qu'est un trou.

Il se met à rire assez fort pour que les autres nous observent. Je remarque d'abord le regard de Cléo, elle observe mon frère avec intensité. Le groupe reprend ses activités. Et je dis à voix basse :

— Il y a un truc entre Cléo et toi ?

Il rougit. Je suis choquée, c'est un aveu. Pourtant, il change de sujet :

— On devrait parler de ton enlèvement.

— Quoi ?

— De ton syndrome de Stockholm.

— Mais je n'ai pas de...

Il indique Ayden en baissant la voix d'une octave :

— Tu ne vas pas me dire que je t'ai aidé à fuir pour que tu trouves sympa un édryen.

— Léandre, tu ne te rends pas compte...

— Si, je me rends compte. Je me rends compte que tu es l'âme sœur d'un prince, que tu deviendras sans doute reine, mais que si notre peuple apprend ta trahison ils te jetteront au bûcher.

— Mais notre but est le...

Même. Encore une fois il m'interrompt.

— Je me fiche de ce que tu penses d'eux. Ils ont peut-être l'air mignons, mais nous sommes en guerre et tu ne peux pas batifoler entre deux pays.

— Laisse-moi t'expliquer.

— Il n'y a rien à dire. Le plan n'a pas changé, soit tu t'enfuis et reviens quand le roi ne sera plus une menace pour toi, soit tu reviens au palais et tu assumes ton rôle auprès du prince.

Cette injonction me tend. Je refuse qu'il me dise quoi faire et encore plus qu'il résume mes options a des choix aussi ridicules. Fuir ou être prisonnière.

— Je pense que tu n'as pas compris... Je suis une adulte qui fait ses choix en connaissance de cause. Je sais ce que je fais et je ne vais pas me contenter d'une vie aussi misérable que celle que tu me proposes. Je veux changer les choses. Je vais rester en Edryae et je vais...

Devenir reine de ce pays. Je vais faire tomber le roi Horos et mettre fin à cette guerre sordide. Je ne finis pas ma phrase, mais je n'en pense pas moins. Grâce... ou à cause de cette conversation je me rend compte que je souhaite faire la différence. Je ne veux pas être spectatrice. Je veux que ma voix compte et être capable de changer les choses. Je devrais accepter l'offre d'Ignace. Si Ayden et le roi d'Edryae me croient capable de devenir l'héritière d'un pays, je devrais leur faire confiance. Et ce ne sont pas les seuls à en être persuadés, Éros, Léandre, Eryk, la reine des faes, tous me croient capable de devenir reine même si ce n'est pas forcément du pays auquel je pense actuellement.

— Tu vas quoi ?

Je regarde mon frère et lui sourit.

— Je vais parler à Ayden. À toute à l'heure.

Il paraît totalement perdu et je peux comprendre, mais je n'ai pas le temps ni l'envie de lui expliquer. Je dois aller dire à Ayden que j'envisage sérieusement la proposition du roi Ignace... Je suis prête à devenir la dauphine d'Edryae... Comment va réagir Éros ? Il sera fou de rage. Ayden lui sera aux anges. 

Le Joyau de Nostraria, Tome 2 : Le secret de l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant