Éléa
Inspirer.
Expirer.
Recommencer encore et encore jusqu'à épuisement.
Les yeux fixés sur le grand miroir plein pied accroché à l'arrière de la porte de ma chambre, je tente désespérément d'endiguer la vague d'émotions menaçant de me submerger à tout instant.
Trois années... Jour pour jour, quasi à l'heure près...
Les souvenirs des jours heureux affluent de tous côtés, percutent l'horreur des cauchemars hantant encore mes nuits. La gorge serrée, les yeux brillants de larmes à peine contenues, je me force à revenir au présent.
Concentrée sur mon reflet, je reprends le contrôle à coup de longues aspirations. La fille qui me fait face n'a absolument plus rien à voir avec l'ado d'à peine dix-huit ans ayant assisté à l'exécution de son père.
Mes longs cheveux autrefois coupés courts s'enroulent désormais en épaisses boucles blondes sur ma peau bronzée. Le bleu de mes prunelles savamment mis en valeur par un maquillage soigné paraît plus profond. Les dernières rondeurs enfantines ont déserté mon visage de femme. Dans ma longue robe de soirée rouge vif, impossible de reconnaître le garçon manqué de mon ancien moi toujours habillé en jean trop large et tee-shirt informe. Ma poitrine, plus pleine qu'à l'époque, remplit parfaitement un bustier à peine assez large pour me permettre de respirer. Mes jambes, moins musclées, plus fines qu'avant apparaissent par la longue fente de la robe à chacun de mes pas. Du haut de mes escarpins de poupée Barbie, je suis devenue la parfaite image de tout ce que j'exécrais. Je pourrais me détester pour cela, mais ce n'est pas le cas. La fin justifie les moyens.
Pour parfaire ma nouvelle image de princesse sexy un brin timide, j'ai appris à sourire, à danser, à faire du yoga ou toute autre activité à la mode dans mon nouveau cercle de connaissances. La boxe me manque, la salle de sport aussi, mais pas autant que la moto et... mon père.
Ma destinée prend une direction que beaucoup vont m'envier. Cependant moi, je donnerais absolument tout ce que je possède pour retrouver ma vie de délinquante, ma famille et mon club de hors-la-loi. Jamais je ne pourrais m'épanouir dans ce genre d'existence trop rangée, trop fade, trop lisse ni dans cette société corrompue en laquelle je ne crois plus du tout.
La tête plus si haute que ça.
Le cœur de moins en moins vaillant.
La main vengeresse légèrement vacillante.
Je ne suis plus que l'ombre de moi-même.
Pourtant, si cette soirée se déroule comme prévu, si je ne foire pas tout, elle pourrait m'aider à reprendre pied, à retrouver le chemin de la vengeance. Il faut que ça marche. Survivre ne me suffit plus.
Mes longs doigts aux ongles manucurés de rose et de blanc frôlent mon cou et passent sur la fine cicatrice de ma clavicule gauche. Une seule et unique larme roule sur ma joue, tombe sur ma poitrine pour finir sa course dans mon décolleté. Racer. Lui aussi je l'ai perdu ce jour-là. Lui non plus je ne le reverrais jamais. J'y ai veillé en choisissant cette ville.
New Haven. Un joli nom pour une jolie bourgade située en bordure d'océan. Pourtant, son principal attrait était ailleurs. Située en plein territoire des Hell Whisperer, elle m'offrait la planque la plus sûre à l'instant T.
Si les Hells ont toujours toléré mon père, fait des affaires avec lui, ils se sont toujours méfiés de son bras droit, refusant jusqu'à sa présence lors d'importantes transactions. Mon père n'a jamais dit pourquoi, mais je savais qu'en venant ici, je creusais un profond fossé entre Beast et moi. Aucun Hells ne laisserait la vie sauve à mon parrain s'il se risquait à mettre ne serait-ce qu'un doigt de pied sur leur territoire. Quant à savoir ce qu'ils feraient de moi s'ils avaient vent de ma présence dans leur ville... J'imagine qu'ils me ramèneraient chez moi. Le président des RIP leur serait redevable de m'avoir retrouvée et une dette dans ce milieu, ça peut valoir de l'or.
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Hell Whisperer
RomanceTome 1 - terminé Fille de président, Éléa a grandi et s'épanouit pleinement dans un monde fait de violence, de drogue et de sexe. Elle ne connait rien d'autre que le MC et donnerait volontiers sa vie pour lui. Du moins était-ce le cas jusqu'au jour...