Chapitre 25

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Éléa

Malgré un ciel dégagé, la nuit est fraîche et la brise me fait frissonner. Nash retire immédiatement sa veste pour la poser sur mes épaules. Je ne sais pas pourquoi ce geste m'étonne encore venant de lui, mais c'est le cas.

— Pourquoi tu me regardes comme ça, Princesse ?

La gêne me fait baisser la tête. Encore une réaction inhabituelle chez moi. Je ne suis pas du genre timide, sauf avec lui apparemment. Je m'oblige à relever les yeux pour croiser son regard patient.

— Je... Tout ici est si différent. Vous... Tu ne réagis jamais comme je m'y attends. C'est déroutant.

Ses doigts se mêlent aux miens et Nash m'offre ce demi-sourire pour lequel je serais prête à me damner.

— Et c'est une mauvaise chose ?

Est-ce que ça l'est ? J'imagine que non et pourtant... Je ne sais pas. C'est assez confus dans ma tête.

— Non. Ce n'est pas une mauvaise chose.

Son étreinte se resserre autour de ma main.

— Mais ?

J'inspire profondément avant de tenter une explication.

— C'est comme si j'avais grandi dans un monde en noir et blanc. Un monde fait de différentes nuances de gris et que du jour au lendemain, je me rendais compte qu'une touche de couleur y était permise. C'est magique et à la fois si irréaliste que j'ai du mal à me dire que ce monde existe vraiment.

Nash reste silencieux le temps de me faire passer l'immense portail en fer à l'arrière du club. C'est la première fois que j'ai l'autorisation de le franchir et malgré mon malaise, la curiosité provoque de petits picotements le long de ma colonne vertébrale.

Face à nous, un chemin de sable perdu au milieu des pins. D'étroits sentiers le relient à des maisons faites de bois et de pierre. Chaque demeure semble avoir son propre style et je comprends rapidement qu'ici tout est fait pour que chacun puisse vivre exactement comme il l'entend à l'abri de tout danger.

— Où as-tu appris à soigner une plaie par balle ? Je doute que ça soit à l'école d'infirmière.

Détournant les yeux d'une maison entourée de hauts murs crépis, je souris à Nash.

— J'avais douze ans quand j'ai décrété que j'étais assez vieille pour venir en aide au club. Je savais déjà me battre, mais je voulais apprendre à tirer pour pouvoir accompagner mon père en mission.

Le souvenir du jour où j'ai annoncé à mon père que j'étais prête à apprendre le métier me donne envie de rire. Jamais je n'oublierais son air choqué. Il a commencé par essayer de me faire entendre raison, mais j'étais bien trop têtue et téméraire pour son bien. Heureusement pour nous deux, il avait trouvé la parade parfaite.

— Papa ne voulait pas de moi sur le terrain. Dans son club, les femmes n'étaient destinées à rien d'autre qu'à être belles et à se taire. Même les régulières n'étaient pas vraiment libres de leurs choix, quant aux filles... Bref. Mon père ne voulait pas que je m'implique plus que nécessaire, mais je l'ai tellement fait suer qu'il a finalement cédé et m'a confiée à Doc.

L'image du vieux bougon d'ivrogne me revient en tête et me tire une grimace. Je ne crois pas l'avoir vu une seule fois sobre en six ans...

— C'était un ancien médecin militaire habitué aux blessures de guerre. Il m'a appris tout ce qu'il savait et peu à peu j'ai pris sa place. Je suis sûrement mieux formée que les médecins urgentistes avec lesquels j'ai eu l'occasion de travailler aux urgences.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant