Chapitre 23

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Éléa

Ne voulant pas affoler davantage notre petit invité, je m'approche de la camionnette sans aucune discrétion. Les portes arrière sont ouvertes. J'accorde quelques minutes à mes yeux pour s'habituer à la pénombre des lieux. Une fois chose faite, j'ose un coup d'oeil vers le fond du véhicule et suis immédiatement percutée par le plus incroyable regard que j'ai jamais vu.

D'immenses prunelles d'un bleu presque violet me détaillent de la tête aux pieds. Elles sont encadrées par de longs cils épais qui balaient régulièrement les joues roses d'un visage fin parsemé de taches de rousseur. Une bouche à la moue boudeuse et un air de dur à cuir viennent parfaire l'image stupéfiante de cette jeune fille qui ne doit pas avoir plus de douze ou treize ans. Parce que oui, j'en suis certaine, ce que les mecs ont pris pour un gamin est bel et bien une gamine qui tente tant bien que mal de se cacher sous une coupe courte et des vêtements trop larges pour elle.

Je grimpe dans le véhicule sous son regard scrutateur. Elle a beau avoir l'air de défier le monde de ses yeux incroyables, je sais à quel point elle doit avoir peur de la situation. Pour ne pas la brusquer plus qu'elle ne l'a été jusque là, je garde une distance raisonnable en me laissant glisser jusqu'au sol. Je rabats mes jambes contre ma poitrine et pose mon menton sur mes genoux avant d'enfin prendre la parole.

— Je m'appelle, Éléa. Et toi ? Quel est ton nom ?

Comme prévu, la gamine garde le silence. Du coin de l'oeil, je la vois se détourner de moi et se recroqueviller sur sa couverture de fortune. Je pourrais essayer de la rassurer, lui dire que tout ira bien, qu'elle n'a rien à craindre, mais elle ne me croirait pas. La seule chose à faire pour l'instant, c'est de lui laisser le temps de s'habituer à moi.

Refusant de laisser le silence s'insinuer trop longtemps entre nous, je commence à fredonner une chanson, puis deux. Je poursuis mon manège pendant près de vingt minutes et peu à peu la petite semble se détendre. Tous mes efforts sont réduits à néant quand les gars entrent dans le garage pour le fouiller dans un vacarme infernal.

Nash n'est pas loin, j'en mettrais ma main à couper. Il ne laisserait pas un autre que lui roder autour de nous, pas après tout ce qui s'est passé aujourd'hui.

La gamine se redresse et se cale dans le coin du véhicule. Elle est pratiquement roulée en boule et ses jointures sont blanches tellement elle s'accroche fort pour ne pas montrer les tremblements de ses mains.

Un soupir m'échappe. Je sais ce qui me reste à faire si je veux pouvoir la sortir de là sans avoir à la forcer. Je n'ai aucune envie de rouvrir cette porte-là de mon passé. Vraiment aucune. Mais cette enfant, ça aurait pu être moi. Non. La vérité, c'est que ça a été moi et à l'époque, j'aurais tout donné pour savoir que je n'étais pas seule... Alors, pour son bien, je laisse les souvenirs d'un autre temps envahir mon esprit et prends la parole.

— Je vais te raconter une histoire. Ensuite, je t'accorderai un choix que je n'ai jamais eu. Quoi que tu décides, je jure que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour le respecter.

Elle ne lève pas la tête, mais elle arrête de gigoter, un peu comme si elle retenait son souffle dans l'attente des mots qui s'en suivront. Je suis heureuse d'être parvenue à saisir son attention et rassemble le peu de courage qu'il me reste encore pour fouiller dans un passé encore trop douloureux.

— Bien, commençons par le début. Je suis venue au monde dans une famille peu conventionnelle. Ma mère est morte en me mettant au monde et mon père était à la tête d'un groupe de motards sans foi ni loi. Ils étaient violents, dangereux et pas toujours très commodes, mais jamais aucun d'eux ne m'aurait fait le moindre mal. Ils étaient ma famille et je n'ai jamais remis en doute leur choix de vie. Je me suis toujours sentie en sécurité auprès d'eux. Du moins jusqu'au jour de mes sept ans.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant