Chapitre 4

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Éléa

La mâchoire douloureuse à force de grincer des dents, je fusille du regard le large dos du VP des Hells.

— Tu veux mon flingue, Gamine ?

La question de Papi me fait lever les yeux au ciel. Nous savons tous les deux que son petit-fils n'est pas la cible principale de ma colère. Non, c'est moi que j'ai envie de cogner. Après trois années passées à devenir quelqu'un d'autre, à gommer mon tempérament tempétueux, il ne m'aura pas fallu plus de cinq minutes face à ce type qui, soit dit en passant, doit avoir du sang de géant dans les veines, pour que mon ancien moi rapplique au triple galop. La faute à ses yeux verts hypnotisant, à sa mâchoire carrée ombragée d'une barbe de quelques jours, à l'aura dangereuse qui se dégage de lui et à son corps parfait qui semble tailler dans le marbre... Il m'a déstabilisée, m'a bouleversée par sa beauté brute de Bad Boy, m'a rappelée l'époque où l'honneur signifiait encore quelque chose pour moi. Face à son impassibilité, je me suis sentie faible et j'ai détesté ça. La faiblesse n'a aucune place dans notre monde, je suis bien placée pour le savoir... Il m'était donc impossible de m'écraser face à lui. Sauf qu'il est le bras droit de l'un des hommes les plus influents de cette ville. La seule personne devant laquelle je me dois de courber l'échine pour survivre... Quelle vie de merde...

— Fais gaffe, Grand-père ! Un accident est si vite arrivé...

Vince s'esclaffe et mon envie de l'étrangler se fait plus pressante. Tout ça, c'est un peu sa faute. En toute objectivité bien entendu... Y a qu'à les voir l'un à côté de l'autre pour savoir de qui le Bad Boy tient ses gênes.

Le Cro-Magnon nous dirige vers l'escalier et je dois réprimer une grimace à chacun de mes pas. Maintenant que l'adrénaline a déserté mon corps, une décharge de douleur me parcourt les pieds à chaque marche descendue. Je prends sur moi pour ne rien montrer de ma souffrance, mais Papi n'est pas dupe. C'est lui qui a soigné mes plaies. Son regard est inquiet quand son bras s'enroule autour du mien pour me soutenir. Son petit-fils hausse un sourcil quand il s'aperçoit du manège de son ainé et s'arrête sur le palier du troisième.

— C'est quoi le problème ?

Je réponds « aucun problème », mais ce traitre de Vince lâche un « Elle s'est blessée aux pieds » au même moment. Le monstre d'imperturbabilité nous dévisage l'un après l'autre avant de se focaliser sur moi.

— Tu peux marcher ?

Non sans un regard de défi pour Papi, j'acquiesce et pose le pied sur la marche suivante. Au palier suivant, ma peau est couverte de sueur froide, mon visage marqué par la douleur et il m'est de plus en plus difficile de faire bonne figure. Nash qui a parfaitement compris mon manège grommèle un « putain de tête de mule » avant de se retourner et de me soulever dans ses bras. Je ne peux rien faire d'autre que m'accrocher à son cou avant qu'il ne grogne à mon oreille :

— Pas un mot, Princesse. On n'a pas toute la nuit devant nous.

Je me renfrogne, mais garde les lèvres scellées. Si je veux survivre chez les Hells, il va me falloir choisir soigneusement mes combats et celui-ci n'en vaut clairement pas la peine.

— Bien. Vince, tu prends son sac et tu passes devant.

Papi s'exécute et nous nous remettons en mouvement. J'ai une conscience accrue de son corps contre le mien. Chaque friction de son torse contre mon corps alangui attise un peu plus mon feu intérieur. Son odeur d'air frais, de cuir et... d'homme m'enveloppe entièrement et apaise bien malgré moi mes tensions internes. Si j'arrête de me mentir deux secondes, je vais devoir m'avouer que pour la toute première fois en trois ans, je me sens enfin à ma place. Dans les bras de cet inconnu, je retrouve un infime morceau de mon âme morcelée par la vie. Mon envie de me mettre des claques est de retour. Ce mec, ce club et ce monde sont dangereux et impitoyables. Je ne devrais jamais l'oublier à moins de vouloir finir comme mon père.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant