Chapitre 3

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Maria - 18 ans

Je n'arrive pas à croire que ça m'arrive à moi. Merde ! Depuis deux ans, je fais absolument tout ce que mon père me demande, j'exécute ses ordres à la seconde sans jamais me plaindre et tout ça pour quoi ? Rien du tout !

Lucia, ma gouvernante, essaie tant bien que mal de me calmer, mais cette fois-ci, elle n'y arrivera pas. J'ai atteint le point de rupture.

— Ton père ne veut que ton bien, Querida.

Ma chambre est déjà sens dessus dessous, mais à ces mots un nouveau vase vole à travers la pièce pour s'écraser contre le mur du fond. Mon souffle est court et plein de hargne quand je rétorque :

— Mon bien ? Tu te fous de ma tête, c'est ça ? Explique-moi en quoi me marier de force à ce connard d'Alexandro c'est bon pour moi ! Ce mec est plus idiot qu'un poisson rouge et plus laid que Beetlejuice !

Ma gouvernante et probablement ma seule amie dans cette foutue maison de fous, me regarde avec désarroi et... pitié... Bordel ! Elle a pitié de moi ! Comment en suis-je arrivée là ?

— Maria...

D'une main levée, je coupe sa tirade.

— Non, ne dis rien. Si je pouvais encore avoir des doutes sur les intentions de mon père, je n'en ai plus aucun. Je ne suis rien d'autre qu'un morceau de viande fraîche qu'il balance au plus offrant.

Une pensée s'égare vers ma mère et mon estomac finit de se retourner. Cette garce ne nous a jamais aimées. Seul son mari a de l'importance. Tellement d'importance qu'elle porte son troisième bébé, un garçon, à l'âge avancé de quarante-huit ans. Avec le nouvel enfant prodige à arriver, je ne sers plus à rien.

Je pourrais n'en avoir rien à foutre, mais ce n'est pas le cas. Cela fait plusieurs années que j'économise chaque cent en ma possession pour parvenir à racheter le contrat qui lie ma soeur à son geôlier.

Peu de temps après son départ, j'ai trouvé le document officialisant la transaction. Malheureusement, je n'ai eu accès qu'à la somme payée à mon père avant que ce dernier n'entre dans son bureau et ne m'en chasse. Mais ce nom, je finirais par le trouver. Ce n'est qu'une question de temps et la bonne nouvelle, c'est que je n'ai pas besoin de rester dans le coin pour ça.

Sous le regard suspicieux de Lucia, je force mon rythme cardiaque à ralentir et le calme à reprendre possession de mon corps. Je dois adapter mon plan sans plus tarder et j'ai besoin de toute ma concentration pour ça.

Ma gouvernante ose un pas vers moi et j'oblige un sourire encore légèrement crispé à étirer mes lèvres. Je dois la tenir éloignée de moi le temps de parvenir à mes fins, ou mon père n'hésitera pas à la tuer pour m'avoir aidée. C'est pour l'instant ma seule certitude.

— Prends ta journée. Va retrouver ta petite fille.

Sa main caresse doucement ma joue. Son ton est quant à lui, incertain.

— Tu es sûre ?

Je n'ai jamais été douée pour mentir. J'ai toujours été bien trop franche pour ça. Mais, bien décidée à jouer le rôle de toute une vie, j'acquiesce et lui offre un visage assuré.

— Oui. Tout va trop vite et j'ai besoin d'un moment pour me faire à tous ces changements à venir. Mais passe voir mon père pour lui dire que je t'ai congédiée s'il te plaît. Je ne voudrais pas que tu aies d'ennuis à cause de moi.

Ses sourcils épais et noirs se froncent.

— Pourquoi aurais-je des ennuis ?

Je laisse l'amertume refaire surface et brouiller quelque peu ma voix.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant