Chapitre 17

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Éléa

Droite. Gauche. Droite. Droite. Gauche. Rotation. Coup de pied circulaire.

Essoufflée, je stabilise le sac de frappes avant de commencer une nouvelle série de mouvements.

Dehors, le soleil est à peine levé et comme chaque matin depuis le départ des garçons, je monopolise la salle de sport. De toute façon, personne n'y met jamais les pieds avant midi et vu la soirée qui s'est déroulée la veille au Club-House, je doute même croiser grand monde aujourd'hui.

J'enchaîne sur une toute dernière série de frappes quand un bruit de pas interrompt mes mouvements. Un bref coup d'oeil me confirme l'identité de l'intrus. Vince. Je ne peux pas dire que je sois surprise de le trouver là, les mains dans les poches et le regard inquiet.

— Salut, petite.

— Hey, Papi !

Mon air détaché me donne l'impression d'être une idiote. Cela fait plusieurs jours que j'évite de me retrouver seule avec lui. Depuis les révélations de son petit fils en fait et il l'a parfaitement compris.

— Comment tu vas, gamine ? Et me raconte pas de connerie s'il te plait.

Vince me lance ma serviette et je prends le temps de m'essuyer le visage avant de lui répondre avec autant de sincérité que possible.

— Je n'en sais rien.

Il acquiesce et m'observe silencieusement faire mes étirements. Il me lance ensuite une bouteille d'eau fraîche et m'indique les bancs de musculation d'un signe du menton.

— Assis-toi, Gamine. Il est temps qu'on parle toi et moi.

C'est dingue, mais quand Vince prend cet air sérieux avec moi, je retombe aussitôt en enfance. Il me fait l'effet d'être à nouveau une petite fille qui s'apprête à recevoir une leçon de vie de l'un de ses parents. La serviette autour du cou, je tente :

— Je ne suis pas sûre que ça soit une bonne idée, Papi...

Il lui suffit d'un regard sévère pour me faire assoir. Cette situation, cette position de faiblesse, je doute pouvoir l'accepter un jour d'un autre que lui, mais c'est Vince. Ma famille se substitution. Celle que je me suis choisie. Alors, à quoi bon résister ?

— Bien. Maintenant, dis-moi pourquoi tu m'évites.

En toute mauvaise foi, je réplique :

— Je ne t'évite pas !

Papi ricane et secoue gentiment la tête.

— Oh si ! Tu m'évites, Gamine ! C'est ce que tu fais toujours quand tu perds le contrôle d'une situation.

Jamais je ne l'avouerais, mais au fond de moi, je sais qu'il a raison. Je ne sais pas exactement quand j'ai commencé à endosser ce travers, mais il fait maintenant partie de moi. Sûrement mon instinct de protection... Ouais... Je ne doute pas qu'un psy s'en donnerait à coeur joie avec moi...

— Tu m'en veux ? C'est ça ?

La question de papi me désarçonne totalement. Les yeux écarquillés, je le dévisage un instant avant de répliquer :

— Quoi ? Mais non ! Pourquoi je t'en voudrais ?

Il ne me lâche pas du regard quand il rétorque :

— Alors, quoi ? Crache le morceau, Gamine !

Le coeur battant à tout rompre, je prends une minute ou deux pour rassembler mes esprits. Je n'ai pas l'habitude d'étaler mes pensées au grand jour. Mon père avait pour habitude de me dire que les sentiments étaient source de faiblesse. Je ne devais jamais en parler par peur de donner à qui que ce soit les munitions pour me détruire. Sauf que Vince n'est pas l'ennemi.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant