Hell Whisperer

Chapitre 14

Éléa

Planquée derrière le bar, je surveille l'entrée du coin de l'oeil tout en servant les nombreux clients s'agglutinant devant moi.

Le 666 me désarçonne.

La pièce principale s'organise entièrement autour de la magnifique Harley vintage trônant en son centre. Des photos en noir et blanc relatent aux clients l'histoire du club de sa création jusqu'à... et bien, c'est difficile à dire... Je dirai quelques semaines ou quelques mois tout au plus. Du moins leur montrent-elles la partie légale de leurs activités.

Pourtant, si les murs aux couleurs du club et la décoration des lieux ne laissent aucun doute sur l'identité des propriétaires, l'ambiance y reste détendue et chaleureuse. De nombreuses femmes sont là entre copines. Elles crient, chantent, se déhanchent sur une quelconque musique choisie aléatoirement, ou non, sur le jukebox au fond de la salle.

Aucun doute, les deux vigiles postés à l'entrée, des membres des Hell Whisperer, suffisent pour qu'elles se sentent en sécurité et ça me déroute totalement. Elles n'ont rien des groupies habituelles du club... je ne comprends pas. Comment tous ces gens peuvent-ils être insensibles à l'aura de dangerosité qui émane de la table des Hells ? N'ont-ils aucun instinct de survie ? Comme si elle était en mesure de lire dans mes pensées, Shorty me dit :

— Avec les années, les gens du coin se sont faits à leur présence. En présence des gars, le bar est l'endroit le plus sûr de la ville et tous ces étrangers le savent.

Je souris à mon dernier client et passe nerveusement les mains sur mon petit tablier noir.

— C'est... déroutant.

Ma nouvelle supérieure essuie le zinc avec le chiffon qu'elle garde toujours coincé dans la poche arrière de son jean.

— Pour quelqu'un qui n'est pas d'ici, j'imagine. Pour nous, c'est normal.

Je profite d'un moment d'accalmie pour mettre les verres rapportés par les serveuses dans le lave-vaisselle.

— Tu bosses là depuis longtemps ?

— J'ai repris la gestion du 666 quand Nath, la femme de Crow, est tombée malade.

J'ai du mal à cacher ma surprise.

— C'est toi qui gères le bar ? Seule ?

Shorty fait signe à l'un des Hells pour qu'il l'aide à changer un fût de bière vide.

— Ouais. Officiellement, il est à mon nom.

Abasourdie, j'ai du mal à refermer ma bouche. Ma patronne me regarde avec amusement.

— Si les mecs sont l'âme du club, les femmes en sont définitivement le coeur chez nous. Les régulières et leurs filles ne sont pas seulement de jolies petites choses. Elles gèrent toutes ou presque l'une des affaires légales des Hells. Ça permet de continuer à faire tourner la boutique quand les choses vont mal pour eux.

D'un signe du menton, elle m'indique la table des gars. Nash et Mac y sont de retour. Si le second est en pleine conversation avec Hawks, le premier ne me quitte pas des yeux.

— Qu'est-ce qu'il y a entre vous ?

La question de Shorty me prend par surprise. Je n'ai jamais eu ce genre de conversation. À vrai dire, je n'ai même jamais eu de copine avec qui j'aurais pu l'avoir...

— Rien. Ou du moins rien de sérieux.

— Il est au courant ?

Une fois encore, sa réponse me déstabilise.