Chapitre 37

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Ace me traine le long du chemin. Il tire fort sur mon bras me faisant trébucher plusieurs fois et je manque m'étaler au sol sous ses soupirs exaspérés.

Derrière l'immense usine désaffectée, une voiture nous attend. Dans ma tête, plusieurs plans se mettent en place pour fausser compagnie au prospect avant qu'il m'y enferme, mais la réalité de la situation me rattrape et je réalise que je ne peux absolument rien faire. Une satanée explosion a mis le club sens dessus dessous. Dieu seul sait combien de victimes elle a pu faire. À partir de là, je ne peux pas prendre le risque d'une nouvelle catastrophe. Au contraire, je dois me montrer suffisamment forte pour laisser à Nash et aux siens le temps de sécuriser le périmètre.

— Allez ! Monte !

Ace me pousse sur le siège arrière et claque la porte derrière moi. Je teste la poignée et mon coeur s'emballe quand je comprends que la sécurité enfant du véhicule a été enclenchée. Je suis prise au piège comme une vulgaire souris, mais une souris qui a des griffes suffisamment acérées pour se défendre au besoin et cette certitude m'injecte suffisamment de confiance pour ne pas paniquer. Je ne suis plus cette enfant sans défense enlevée à son père. Je suis une femme accomplie, une fille de biker, une femme de biker et je peux me sortir de tout ça. Il me faut juste attendre le bon moment.

Ace démarre sur les chapeaux de roue. Chaque virage me projette d'un côté à l'autre de la banquette arrière. Je sens son angoisse et sa peur pulsées de son corps mince et dans ma tête, je me dis qu'il a toutes les raisons de craindre le pire. Il a désormais le diable à ses trousses et quand il le trouvera, je ne donnerai pas cher de sa peau.

Nous roulons silencieusement durant près de quarante-cinq minutes avant de nous arrêter près d'une vieille maison en pierre à quelques kilomètres de la ville. Ace se tourne vers moi et ses yeux sombres rencontrent les miens.

— Prête à faire la connaissance de ta mère ?

Mes dents se serrent et je réprime difficilement mon envie de lui cracher au visage. J'ai toujours su que ce mec n'avait pas l'étoffe d'un biker. Contrairement à Baby Boy. Dean... Penser à lui fait remonter à la surface mon inquiétude. J'espère qu'ils penseront à changer ses pansements et à désinfecter la plaie. Mais surtout, je prie pour que ses frères parviennent à lui faire entendre raison et l'empêchent de partir à ma recherche avec eux. Me déconcentrant sur le traitre, je hausse une épaule et réplique :

— Elle n'en a que le nom. Jamais je n'ai considéré cette femme comme ma mère. Elle n'est rien pour moi.

Ace me sourit. Jusque-là, je n'avais jamais remarqué à quel point il était souriant. À moins que ce ne soit simplement la situation qui l'amuse. Allez savoir... Je ne peux cependant pas m'empêcher de lui demander :

— Pourquoi Ace ? Pourquoi avoir trahi les tiens ? Pourquoi as-tu tourné le dos à ta famille ?

La main sur l'appuie-tête du siège passager, l'ancien prospect me dévisage longuement.

— Tu ne sais vraiment pas ?

Il a l'air surpris que je n'aie pas deviné ses motivations et ça me laisse perplexe.

— Non.

J'observe son visage se fermer et son regard s'assombrir d'une amertume qu'il peine à contenir.

— Les Hells n'ont jamais vraiment été ma famille. S'ils m'ont ouvert les portes du club, c'est seulement parce qu'ils connaissaient mon père et lui devaient une faveur.

Les mains moites, je secoue doucement la tête. Je ne connais pas son histoire et j'imagine qu'elle ne me regarde pas, mais il se trompe sur un point.

— Peu importe comment et pourquoi tu y es entré, Ace. Du jour où tu as enfilé ce blouson de cuir, tu es devenu l'un des leurs.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant