Mac - 18 ans
L'air glacé du mois de novembre s'infiltre dans chaque petit trou de mon manteau usé par les années. Il est étroit, mal coupé, mais la seule autre alternative pour moi, c'est d'accepter de mourir de froid.
J'ai du mal à croire que cela fait déjà deux ans que ma famille d'accueil m'a foutu à la porte. Deux putains d'années à m'abîmer les doigts sur ma guitare en pleine rue et toujours rien de bon ne m'est arrivé.
Le rêve américain ? Une putain d'utopie racontée aux gens sans le moindre sou pour leur permettre de garder espoir un peu plus longtemps. La réalité est tout autre.
Même enfant, cette société merdique ne m'a jamais protégé du monde cruel dans lequel je vivais.
Une fois mes parents et ma soeur morts dans un accident de voiture qui ne m'a rien laissé d'autre qu'une vilaine cicatrice à la jambe, des adultes bien pensants m'ont confié à une famille absolument fantastique. Le père nous collait des claques au moindre regard de travers et la mère dépressive n'était même plus en mesure de se lever le matin sans gober l'équivalent d'un semi-remorque d'antidépresseurs. Je n'étais pour eux qu'un moyen facile de se faire de l'argent sans avoir à bouger leur putain de cul.
Les yeux clos, la tête rejetée en arrière, j'inspire profondément et expire lentement jusqu'à ce que ma colère revienne à un niveau acceptable. Au fond de moi, j'ai la certitude que mon talent et ma voix ne suffiront pas à me faire percer. Peu importe si j'ai la musique dans le sang, il va me falloir trouver une autre manière de survivre. Mais en ai-je seulement envie ?
Repoussant mes idées noires, je laisse mes doigts parcourir les cordes de mon bien le plus précieux. Je permets à la musique de refermer mes plaies le temps d'une chanson et m'abandonne totalement à l'instant. Mon timbre grave, légèrement roque, se prête parfaitement à la triste balade écrite durant la nuit.
Comme toujours, les gens s'arrêtent, me regardent sans vraiment me voir, me filment même parfois, mais les temps sont durs pour tout le monde et l'argent a du mal à s'accumuler dans mon étui.
Un rayon de soleil parvient à percer les nuages et j'ouvre les yeux. Sans le vouloir, mon regard s'arrête sur une jeune fille qui m'est inconnue. Plutôt grande et mince, elle a de longs cheveux noirs et un teint légèrement hâlé. Pourtant, ce qui me fascine le plus, c'est sans conteste son magnifique regard noisette.
Sans nul doute possible, ma musique parle à cette Pocahontas des temps modernes et je ne chante plus que pour elle. Les ombres qui parcourent son visage, la lueur de colère qui illumine ses traits, tout ça me parle. Je ne l'ai jamais vue et pourtant, j'ai l'impression de la connaître intimement. Peu importe ce qu'elle a vécu ou ce qu'elle vit encore, cette fille a assez de force en elle pour s'en sortir. Elle me fascine.
Le morceau meurt sur mes doigts alors que les dernières paroles échappent à mes lèvres et la jeune fille ose un dernier sourire avant de détaler comme si elle avait le diable aux trousses. J'aimerais la retenir, lui demander son nom... Mais pour quoi faire ? Je n'ai absolument rien à lui offrir, à elle ou à qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Alors à quoi bon ?
L'amertume dévale sur ma langue et acidifie ma bouche. Merde ! Je ne suis pas une loque, un moins que rien ! Je suis un battant ! Je ne peux pas rester assis là indéfiniment ! Je dois reprendre ma vie en main pour que le jour où je la croiserais de nouveau, je sois prêt à lui offrir ce qu'elle mérite.
Je souris aux quelques badauds qui applaudissent et remercie ceux qui sacrifient leur maigre salaire pour m'offrir de quoi manger. Mais le coeur n'y est plus. Mes pensées sont ailleurs et j'ai beau réfléchir, je n'arrive pas à trouver d'échappatoire. Qui accepterait d'embaucher un vagabond sans domicile fixe ? Ma carrure et mon air débraillé ont tendance à faire peur aux gens qui croisent mon chemin. Alors que me reste-t-il comme solution ?
Plus d'humeur à amuser la galerie, je range ma guitare dans son étui et me lève. Mes jambes sont engourdies par le froid et mes pieds gelés. Je déambule sans but dans les rues sinistres de cette ville corrompue jusqu'à la moelle et tente de me réchauffer un peu.
Je pourrais très certainement trouver un job auprès des dealers du coin, mais je ne veux rien avoir à faire avec la merde qu'ils vendent, alors quoi ?
Un grand gaillard, trop bien habillé pour se trouver dans ce coin de rue, me bouscule dans son empressement à rejoindre le trottoir d'en face. Il se retourne à peine pour s'excuser.
— Désolé, mec.
Je l'observe s'avancer vers l'une des portes vitrées des boutiques qui me font face. Il s'arrête, inspire profondément et entre d'un pas alerte. Son assurance m'impressionne, surtout en remarquant que ce type ne doit pas être bien plus vieux que moi.
Je détaille un peu plus la devanture et me fige. La voilà ma solution. L'armée... Ces gens-là me donneront sans nul doute ma chance. Quant à savoir si je serais capable de respecter l'autorité d'un supérieur... J'imagine que l'avenir me le dira.
Mon regard se fixe un instant sur la rue où Pocahontas s'est échappée, puis sur ma guitare. Il est temps pour moi de grandir et d'assurer mon avenir. Mes rêves d'enfant se sont envolés le jour où notre voiture a percuté un putain de camion et il est temps que je l'accepte.
Le coeur serré, je dépose l'étui contre le mur gris du restaurant près duquel je me trouve et lui offre une dernière caresse en guise d'au revoir. J'espère qu'elle tombera entre de bonnes mains. Son avenir à elle n'est pas encore compromis et de belles choses l'attendent encore.
Quand je tourne les talons et me redresse de toute ma taille, mon sang pulse dans mes veines. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai un but à atteindre. Une voie à suivre pour sortir de cette misère que j'exècre. Alors, peu importe où me mènera ce chemin, je le suivrais jusqu'au bout. Après tout, mon avenir se trouve au bout de cette nouvelle aventure qui n'attend plus que moi.
Bonjour à tous et à toutes !
Un petit chapitre du point de vue de Mac aujourd'hui, il est plus court que les autres, mais je ne voulais pas y mettre trop de longueurs qui auraient pu le rendre moins touchant.
J'espère qu'il vous plaira et vous surprendra un peu. Pour ceux qui se posent la question, oui, ce jour-là c'est bel et bien la route de Maria et Nash que notre futur biker a croisé.
Dans le prochain chapitre, nous retrouverons Maria. Elle aura tout juste dix-huit ans et s'apprêtera à simuler sa mort pour croiser la route de notre papi préféré !
à très vite
Lillie
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Hell Whisperer
RomanceTome 1 - terminé Fille de président, Éléa a grandi et s'épanouit pleinement dans un monde fait de violence, de drogue et de sexe. Elle ne connait rien d'autre que le MC et donnerait volontiers sa vie pour lui. Du moins était-ce le cas jusqu'au jour...