Chapitre 32

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Éléa

Le reste de la matinée passe à une vitesse folle. Occupée à préparer le club pour le confinement avec Vince, je n'ai pas le loisir de m'attarder sur les révélations qui m'ont été faites plus tôt et c'est très bien comme ça. Moins je pense, moins je souffre et moins l'envie de mettre une raclée à Nolann sature chaque fibre de mon être.

À côté de moi, le ventre de Clover gargouille de plus en plus fort. Elle l'ignore et sans se plaindre, continue l'inventaire des denrées stockées dans le cellier attenant à la cuisine du club. Il existe une fragilité chez elle qui me prend aux tripes. Un psy aurait surement beaucoup de choses à dire sur la manière dont je projette mon passé en elle, mais pour l'instant, j'ai juste envie de prendre soin d'elle.

— Et si nous faisions une pause pour manger un morceau ? Je meurs de faim.

L'incompréhension assombrit ses prunelles presque violettes.

— Mais... La liste ?

Je hausse les épaules.

— Nous en avons fini avec la nourriture, Vince s'occupera du reste et enverra l'un des mecs chercher ce qu'il manque.

Clover repose doucement la boîte de conserve qu'elle tient entre les mains et concentre son attention sur moi.

— Je peux finir.

Je lui souris avec bienveillance.

— Je sais que tu peux, mais ce n'est pas parce que tu peux que tu le dois.

Sa tête se penche légèrement sur le côté et une mèche de cheveux blonds vénitiens lui tombe devant les yeux. Elle s'empresse de la remettre à sa place et soupire.

— Je ne comprends pas. Tu... Pourquoi tu es aussi sympa avec moi ? Tu ne me connais même pas.

Le retour de son air méfiant ne me plait pas du tout, mais je comprends. Ce n'est pas en vingt-quatre heures qu'elle nous accordera sa confiance. Nous devrons faire nos preuves et elle les siennes avant qu'elle ne soit pleinement acceptée. Mais pour l'instant, ce n'est qu'une gamine qui a besoin qu'on prenne soin d'elle et je suis prête à lui offrir ce que la vie semble lui avoir toujours refusé. La sécurité.

— J'ai été cette fille avalée par la cruauté des hommes et recrachée dans la rue par cette chienne de vie. Je sais ce que cela fait de voir la mort en face et de se retrouver seule au monde. De bien des manières, je me retrouve en toi, Clover et c'est exactement pour ça que je fais ce que je fais. Pour t'offrir la chance de t'en sortir comme Vince m'a tendu la main quand j'en avais le plus besoin. En espérant qu'un jour, toi aussi tu puisses sauver à ton tour quelqu'un pour que ce monde soit peu à peu moins moche pour les filles comme nous.

Ses yeux sont brillants de larmes tout juste contenues quand elle acquiesce les prunelles brillantes de reconnaissance.

— OK. Je peux faire ça.

Je lui offre un grand sourire et tends la main vers elle.

— Allez ! Allons manger un morceau. Ensuite, on s'accordera une petite séance d'entraînement. J'ai besoin de me défouler un peu.

Clover observe mes doigts un long moment avant de s'y accrocher.

— On ?

Sans la laisser voir l'amusement sur mon visage, je la traîne derrière moi jusqu'à la porte.

— Ben oui. Je t'ai promis d'apprendre à te défendre. Autant s'y mettre tout de suite.

Un simple coup d'oeil par-dessus mon épaule me suffit pour gonfler mon coeur de bonheur. Les joues rosies par le plaisir, les yeux écarquillés par l'incrédulité, Clover rayonne et rien n'aurait pu me faire plus plaisir à cet instant. Ma joie est cependant de courte durée quand nous entrons dans la cuisine.

Hell WhispererOù les histoires vivent. Découvrez maintenant